Quoi, encore une histoire d'enfance meurtrie, de maltraitance et de pensionnat sinistre ? Encore une troupe de gosses attachants martyrisés par un abbé tyrannique ? Encore un narrateur au grand coeur, modèle de courage et de résilience, qui nous prend à témoin pour nous compter ses malheurs ?
Oui, peut-être, mais là c'est différent.
L'écriture, d'abord.
Sensible et poétique à souhait, mais jamais larmoyante. Lumineuse, imagée, sensible : voilà pour moi la force première de ce texte très vivant, qui se lit tout seul.
Le personnage de Joseph, ensuite, la force de caractère de ce gamin revenu de l'enfer par la grâce de l'amour et de la musique.
Sa passion pour Beethoven, sa quête permanente du "Rythme" élevé au rang d'absolu, de divinité ultime. Et puis la savante alchimie entre ses mots d'enfant et le regard d'adulte qu'il porte rétrospectivement sur son adolescence abîmée. Tout ça fonctionne très bien, c'est simple et tragique à la fois, bourré d'humanité, d'émotions et de délicieuses références musicales.
Que demander de plus ?
Alors oui, c'est vrai, on peut juger les personnages un peu caricaturaux, puisqu'on retrouve sans grande surprise le méchant directeur, l'innocent simplet, la bande de copains à-la-vie-à-la-mort, le vieux prof de musique complètement possédé par son art, la jeune fille en fleur qui fait tourner les têtes...
Oui, on peut considérer qu'il y dans cette histoire facile d'accès profusion de bons sentiments.
Oui,
Des diables et des saints est un roman populaire que certains liront comme un roman de gare (en un sens ça tombe bien : Joseph est devenu "pianiste de gare", c'est un virtuose des pianos publics et tous ceux qui l'ont entendu jouer vous le confirmeront : c'est parfait ainsi !)
Heureusement, on peut aussi choisir de faire l'impasse sur ces quelques réserves et simplement se laisser porter par la jolie plume de
Jean-Baptiste Andrea, que je découvre ici avec beaucoup de plaisir.
On peut se contenter de tendre l'oreille à la musique de Beethoven et on peut, entre deux chapitres, lever les yeux vers le ciel pour y chercher la sihouette de
Michael Colins (le 3ème astonaute de la mission Apollo 11, le quasi-inconnu, celui qui n'a jamais foulé le sol lunaire mais qui dialogue régulièrement avec le petit Joseph) et même celle de Mary Poppins (oui oui, cherchez bien, elle est là elle aussi !)
On passe alors un très bon moment en compagnie de Joseph et de ses compères de la Vigie (Momo, Sousix, Sinatra...), et on se laisse aisément cueillir par ce roman initiatique très réussi.
Rien de tel, croyez moi, pour démarrer l'année du bon pied !