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sur 518 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Mieux la Goutte d'or que le Triangle d'or ! J'en ai soupé des histoires de femmes névrosées dont l'unique problème est de confier leur 4X4 au voiturier de la rue Montaigne ! Là, on a de l'authentique, du sincère, du spontané, de l'inventif, du vivant ! Naturaliste comme du Zola, émouvant comme du Gary (on pense à la Madame Rosa de « La vie devant soi »), décomplexé comme du Rajaa Alsanea (Les filles de Riyad), le roman de Sofia Aouine est non seulement divertissant, il est nécessaire. le rôle d'un écrivain est de donner à voir. À voir des mondes où le lecteur n'ira jamais. L'auteur les rend familiers, attachants, accessibles. Mission accomplie. J'ai été sensible à la langue de la rue, imagée, créative, irrésistible. Les salafistes sont des barbapapas, les femmes en niqab des batmans. On ne s'adonne pas à l'onanisme, on pratique la bagnette et la psychologue, c'est la dame de « l'ouvrir dedans ». Sofia Aouine aime viscéralement ce quartier du XVIIIe (descriptions magnifiques dans les premières pages) et ses habitants. Sous sa plume, les balafres ont du charme, les blessures sont toujours près du coeur. Les délinquants, les égarés, les putes, les mécréants, les apprentis jihadistes, les dealers, les clodos, les maquereaux, les petits vieux, les travailleurs immigrés… Chacun a sa place sur cette planète qui résiste à tous les envahisseurs, à la gentrification, à l'islamisation, à la drogue et aux descentes de police. Sofia Aouine leur donne une voix. J'ai été particulièrement touchée par le journal de la jeune musulmane déchirée entre son désir d'émancipation et le respect qu'elle doit à sa communauté (pages 111-118). Émue aussi par les confessions de la vieille dame qui voit sa vie lui échapper. Bouleversée par le tragique destin de Gervaise, la prostituée venue d'Afrique. Un livre beau et fort, une célébration d'un quartier haut en couleurs et en douleurs.
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J'ai débuté la lecture de ce premier roman avec un doute immense : la prestation de la jeune auteure dans l'émission de la Grande Librairie, sur France 5, m'avait séduite, mais je craignais ne pas apprécier du tout le langage utilisé, celui des banlieues du XVIIIe. En effet, les phrases de type de celles utilisées par les jeunes des quartiers sensibles ne sont pas du genre à me rappeler de bonnes périodes de ma carrière d'enseignante : "Oh la victime, il a une tête de chelou!", "Obligé, c'est un cassos de la Ddass!", "Regarde ses pompes, abusé!", "La honte wallah… Moldavie wesh, sa daronne fait la manche au marché de Barbès… Attention, cache ton iPhone, ah c'bâtard, il va nous dépouiller…" Mais ici, l'utilisation de ce type de langage est un passage obligé (et momentané) puisque l'auteure laisse son petit héros maghrébin prendre la parole en tant que principal narrateur de ce bout de vie, ce morceau d'une année, celle d'un gamin de treize ans, né au Liban, atterri en banlieue parisienne du jour au lendemain, loin de sa mémé adorée.
C'est là, qu'à ses heures perdues, depuis l'arrière des stores de l'appartement familial qu'il joue l'observateur d'un microcosme polychrome en constante mouvance (« Certaines familles […] préféraient voir leur fils faire le jihadiste de pacotille au quartier plutôt que la victime au mitard »), plutôt vers le bas, dans la crasse, le malheur et la violence, d'un petit coin de la capitale française où l'imaginaire collectif se nourrit habituellement de récits élaborés au coeur des quartiers bobos où tout va bien, tout est beau, estampillé Vuitton, Chanel ou Dior et où tout rutile dans l'éblouissement de la ville Lumière…

Abad, de haut de ses treize ans, lui, n'est pas dupe. Tout juste adolescent, il nourrit une passion : il adore les « nichons » ! Toute fissure dans un mur est propice à des heures passées en espérant voir des filles se déshabiller et à pratiquer la « bagnette ». Quelle chance quand il a, pour un laps de temps, une « Femen » en guise de voisine ! Son obsession va mettre sur sa route Gervaise (comme dans Zola, oui…), jeune Africaine mise sur le trottoir, parce qu'elle « avait grandi mal et trop vite en passant des nattes et chaussettes blanches aux strings ficelle en l'espace de quelques années », de rêves perdus en désillusions douloureuses, elle n'en possède pas moins un coeur immense…

Deux autres figures féminines vont aider Abad à ouvrir les yeux ; sa voisine, Odette, mamie fan de musique et de littérature, et Mme Futterman, psychologue survivante de la Shoah. Au final, trois portraits de femmes aux secrets lourds et à la vie partiellement brisée. Trois survivantes.
Et je pense que c'est grâce à ces trois personnages féminins que ce roman est devenu pour moi, au fil des pages, un véritable coup de coeur. J'ai senti mon émotion grandir au fur et à mesure des évènements qui se sont succédés dans la vie de ce petit bonhomme, mais aussi dans celles des personnages corollaires. Aucun n'est épargné. Et on se rend bien compte que même si nous sommes dans un roman, ce texte colle tellement à la réalité de milliers de personnes vivant en France actuellement qu'il ne peut laisser indifférent. Il me marquera pendant un moment, je pense.
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J'ai ouvert Rhapsodie des oubliés avec un certain nombre d'à priori en tête. En gros j'avais peur de tomber sur un roman parlant du Paris populaire par quelqu'un qui n'y a jamais mis les pieds et avec une bonne dose de feel good. Pas franchement positif.

Et puis j'ai mis mes pas dans ceux d'Abad…
…cet ado syro-libanais de 13 ans, en plein explosion hormonale, et je l'ai suivi dans ce Paris pas-de-carte-postale entre la Goutte d'or et Barbès, dans cette rue qui « raconte l'histoire du monde avec une odeur de poubelles. Elle s'appelle rue Léon, un nom de bon français avec des métèques et des visages bruns dedans. »

Pourquoi Rhapsodie des oubliés a fait mouche
Ce qui m'a frappé dès que j'ai ouvert ce roman, c'est la langue de Sofia Aouine, une langue à la fois argotique et littéraire, à la fois crue et poétique, pleine d'inventivité. Avec ces mots là, on sent combien ce quartier sale, pauvre, violent, où la mort est très présente, Abad a envie de le fuir à toutes jambes mais combien aussi il y est attaché et combien il aimerait le « sauver ».

Cette langue est drôle, évitant le misérabilisme dans lequel le roman aurait pu tomber. Drôle quand elle nous parle de cet ado submergé par ses désirs sexuels, drôle quand elle surnomme les filles en jilhab des Batman et les « pseudo-iman façon 2.0 » les Barbapapa, même si la réalité derrière ne l'est pas.

« Celles habillées tout en noir comme des fantômes qui passent dans la rue Léon en rasant les murs« .

Cette langue est lucide. Les parents d'Abad triment comme des dingues pour 3 francs 6 sous. Abad nous montre une réalité sociale absente des médias en règle générale, très loin de la vie léchée et rêvée d'Instagram et qui fait un peu tâche dans cette idée très répandue aujourd'hui selon laquelle « quand on veut, on peut, tout est une question de motivation et de volonté ». Si les influences musicales de l'auteure sont la soul music et le hip hop (en annexe, elle propose une playlist pour accompagner la lecture de son roman), j'avais plutôt en tête la chanson de Maxime Leforestier « Etre né quelque part« .

Mais par dessus tout ce qui m'a touché, c'est l'humanité de ce premier roman. J'ai pensé à Ken Loach, un des rares réalisateurs qui ose encore faire des films « sociaux », à qui on peut reprocher d'être trop démonstratif dans ce qu'il veut dénoncer mais dont les personnages sont toujours incroyablement humains et touchants.

Ces oubliés sont Gervaise, qui tapine pour rembourser une dette qui n'en finira jamais, Odette, la vieille voisine, Ethel, la femme qui « soigne de l'intérieur » mais aussi ce premier amour aperçu de fenêtre à fenêtre d'appartement et séquestré par son frère. Toutes ces femmes vont aider Abad, chacune à leur manière, à s'ouvrir dans cette ville où personne ne se parle. Elles vont l'aider à se réconcilier avec son enfance, à s'autoriser à croire à un plus loin même si le présent le cloue au sol.

C'est cash, sensible, singulier, étouffant parfois, virevoltant aussi, bref je ne regrette pas une seconde de m'être mêlée à la Rhapsodie des oubliés !
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Chère Sofia,
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Parfois, je commence un livre, et là, comme coincée dans une autre dimension je ne peux plus en sortir, je ne veux plus m'en séparer tant que la dernière page n'est pas refermée !! Parce que les premiers mots sont déjà très forts et que les premières idées présagent d'une suite encore plus captivante, plus impressionnante. C'est accrocheur, puissant, sans hésitation et ce, dès le début. Là, ton roman m'a happée, dès la première phrase, sans que je ne puisse reprendre mon souffle, m'emportant dans un univers qui résonne encore en moi, et dans lequel j'aurais pu rester indéfiniment.
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Parce que, oui, je ne voulais pas refermer ton livre, je désirais plus que tout écouter encore et encore Abad, ses mots, ses métaphores, ses réflexions désabusées et parfois empreintes d'une grande tendresse, celle que l'on cache derrière des expressions dures, violentes, acides. Tellement que tu sens que cela te prend à la gorge, te serre les tripes tout en t'ouvrant les yeux sur la violence ordinaire, banalisée, que l'on ne regarde même plus tellement elle semble faire partie de notre société, et que l'on aperçoit au journal télévisé pensant qu'elle est si loin de nous qu'elle ne nous concerne pas.
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Abad, c'est l'humanité qui crie, qui n'ose plus avoir de rêves, si ce n'est celui de survivre. Mais c'est également l'amour, celui qui réconcilie, qui donne à espérer, qui apporte cette lumière qui, dès lors qu'on la perd, te laisse égaré, perdu. Parce que derrière les colères, il y a ce besoin vital d'aimer et d'être aimé, d'être accepté au-delà des différences.
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Ton roman est extraordinaire, par ce style si particulier, par cette langue crue, sans complaisance et qui donne tant à voir, qui sort des clichés faciles et cela fait tellement de bien.
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Alors voilà, je veux te dire que j'en veux encore, que c'est cela que je veux ressentir, cette sensation de sortir enfin des terrains battus et parfois rabattus, pour aller plus loin, pour regarder le monde différemment, pour apprendre à réagir autrement et surtout à voir ce que j'avais peut-être oublié de regarder et que je ne veux plus oublier !!
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Les oubliés, ceux de la rue Léon, quartier de la Goutte d'or, Paris, un monde sans rondeur ni souplesse, abrupt, vif et brutal. On y crève. Les mômes, les putes, la drogue et la secte qui t'embrouille les neurones pour mieux t'embrigader, c'est le quotidien ; faut survivre. Abad raconte.

Lui est lucide. Ce n'est pas là qu'il pourra s'en sortir, même avec les services sociaux sur le dos, la psy du mardi soir ou les voisines qui le guident. Il a mal aux hormones, imagine l'amour, s'y cogne. Il rêve et promet, quand il sera grand, ce sera différent, il agira. Mais le quartier l'enferme. L'enferre. L'enfer.

Les mots sont les siens. Bruts. La langue du quartier, la vie sans mensonge, une survie.

Il y aura le Liban, la grand-mère, lui, ses parents, la trop belle Gervaise, Odette ou celles que l'on voile, d'autres aussi, des existences sans importance, là où on remplace, là où personne ne vient. On étouffe, on suffoque, on s'évade sur les toits ou dans l'Arak ; on s'écrase parce qu'on calanche.

Ce roman est celui des silences d'un quartier qui se gangrène, une parole violente et directe donnée à ces oubliés d'un Paris faussé, d'une France laissée à l'agonie, auto-nécrosée. L'auteure, reporter radio, maîtrise l'art du mot, de la phrase choc, fougueuse et impatiente, poétique dans la crudité. Elle nous happe et nous retourne, nous sensibilise et nous informe.

Un premier roman intense. Indispensable.
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Je viens de lire le premier roman de Sofia Aouine mais je sais qu'il ne sortira que le 29 août. Je viens de lire cette "Rhapsodie des oubliés" et j'ai envie, besoin, d'en parler là maintenant tout de suite. En parler du mieux que je peux pour que d'autres lecteurs l'ouvrent, le découvrent et soient happés à l'intérieur des mots comme je l'ai été.
Voilà donc Abad, 13 ans, arrivé du Liban avec sa famille et installé rue Léon, Paris, XVIIIe arrondissement, qui raconte et qui nous fait pénétrer dans son quartier, dans cette rue qui "raconte l'histoire du monde avec une odeur de poubelles". Oui, les images sont crues, osées, aussi violentes que la réalité quotidienne que ce gamin doit affronter en essayant de ne perdre ni son âme, ni sa liberté. Son âme, c'est avec Gervaise la belle tapineuse camerounaise qu'elle parvient à s'envoler ; c'est avec Odette, la vieille dame aux milliers de chansons et de livres, qu'elle se nourrit ; c'est avec Mme Futterman, la psy avec "une valise qui hurle dans un coin", qu'elle "s'ouvre du dedans". Et c'est avec Batman, la jeune fille voilée de l'appartement d'en face, avec Colette, avec toutes ces filles et ces femmes rencontrées, croisées, observées, qu'elle apprend à se rebeller.
Comme la rue Léon, le roman de Sofia Aouine contient l'histoire du monde, d'un monde étroit et mal foutu qui, comme un ogre, dévore l'enfance avant qu'elle ne s'épanouisse et avilit le corps des femmes pour mieux dissoudre leur souffle. Avec ses mots de gamin malicieux et lucide, dans une langue colorée de multiples influences, Abad nous emmène au coeur de la misère, là où justement il n'y a guère de coeur. Et le roman se construit comme une tapisserie où se cousent l'une à l'autre différentes voix, des temporalités éclatées, des histoires déchirées que le récit raccorde entre elles et à celles de cet Antoine Doinel du XXIe siècle. Pas de dolorisme, pas de lamento ! Une énergie incroyable émane du personnage et de l'écriture, une volonté prête à bouffer tous ceux qui seraient susceptibles de l'empêcher d'avancer, de grandir, d'être l'homme qu'il veut être.
Cette langue ravageuse, rebelle, se fait souple pour s'adapter aux histoires qui influent sur celle d'Abad. D'une ironie mordante quand il s'agit d'évoquer l'influence des intégristes, elle se fait poétique pour raconter le passé de Madame Futterman, rageuse pour retracer la vie de Gervaise, désespérément hilarante pour décrire l'arrivée en Picardie. C'est une langue protéiforme qui vit et qui change au gré des situations, des descriptions, des personnages... et du point de vue du narrateur. Une langue d'aujourd'hui qui ne craint pas de se frotter aux classiques (les noms des personnages et les différents exergues y incitent aussi), Zola, Ajar-Gary, Proust, Hugo, Truffaut..., pour s'en repaître, de la même manière qu'Abad se nourrit et s'élève en lisant et en écrivant dans son carnet noir. Emportée par l'urgence d'une vie à vivre loin de la rue Léon, l'écriture parvient à ramasser tous ces lambeaux d'existence pour donner son unité et sa solidité au roman.
Histoire, construction, personnages, écriture, rythme, sujet... tout, absolument tout, m'a épatée dans ce premier roman ! Et, malgré la violence qui en émane, malgré la tristesse et la colère désespérée, je garde de cette lecture une impression d'optimisme revigorant. Cette "Rhapsodie des oubliés" à l'énergie prodigieuse va chanter longtemps dans ma mémoire !

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Dans le cadre des 68 premières fois, je viens de lire un premier roman qui m'a emballée : Rhapsodie des oubliés !
Publié aux éditions Lamartinière, ce premier roman raconte l'histoire d'Abad dans le quartier de la Goutte d'or, à Barbès à Paris et plus particulièrement dans la rue Léon. A travers le regard d'Abad qui débarque du Liban à l'âge de 10 ans dans ce quartier cosmopolite et misérable de Paris, on découvre la vie ordinaire des gens que Victor Hugo avait mis à l'honneur dans les Misérables, ces oubliés des temps modernes : prostituées, personnes âgées, migrants, etc. A travers un regard lucide et plein d'humour, Abad raconte sa tranche de vie, celle d'un adolescent, encore puceau, amoureux d'une Batman, enchaînant bêtises sur bêtises. Dans sa petite vie, trois femmes vont croiser son chemin, trois femmes, elles aussi marquées par un passé douloureux et un avenir trouble : Gervaise, la prostituée qui se sacrifie pour sa fille laissée au pays, Nana ; Odette, la voisine, la grand-mère qu'Abad retrouve en elle et qui lui donne l'amour des mots et de la musique et Ethel, la psychanalyste. Des rencontres qui libèrent la parole d'Abad, cette parole si juste, si crue et cruelle sur la vie.
Rhapsodie des oubliés, c'est le roman des misères mais aussi de l'espoir, c'est celui qui rappelle que derrière les misérables, ceux qu'on oublie, il y a une humanité, bien plus grande que celle qu'on imagine.
Vous l'aurez compris, c'est un véritable coup de coeur pour ce roman et cette écriture à la fois tellement lucide sur le monde et remplie d'une folle vie ! (et j'ai adoré toutes les références littéraires et les clins d'oeil au cinéma et à la culture populaire !)
En résumé : pour moi c'est mon coup de coeur de la rentrée littéraire !
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Un premier roman qui n'avait pas grand-chose de prime abord pour attirer mon attention... Il m'a pourtant, touchée, émue, amusée, interrogée. C'est là, toute la magie de la littérature. Et "Rhapsodie des oubliés" de Sofia Aouine fut un sublime moment de lecture.

Il raconte l'histoire d'Abad, jeune garçon de treize ans qui vit à Paris, XVIII ème arrondissement, dans le quartier de Barbès. L'auteure a prêté sa plume à cet adolescent et en fait un témoin du monde, de l'époque, d'un quartier. Il est précoce, mais personne ne le sait, ne s'en rend compte, ne le comprend. "La plupart des grands, profs, parents, parents des autres, pensaient que j'étais fou, un mauvais élève… Que c'était moi qui avais entraîné tous les autres vers la rue… Alors que dans la vraie vie, celle qui pue la merde, c'est la rue qui nous gouverne et pas l'inverse. C'est la rue qui nous appelle et pas l'inverse." Pris entre la puberté qui le "travaille", une acuité aux autres hors du commun et un coeur qui le porte vers les plus démunis, il nous dresse un tableau de la rue coloré, saisissant, glaçant parfois mais toujours teinté d'un humour qui souvent m'a fait rire aux larmes.

Le niveau de langage utilisé, à hauteur de gamins des rues, aurait dû me faire fuir, amatrice que je suis des phrases tournées à l'ancienne – comme moi ! – écrites dans les règles d'un art qui me fut imposé au siècle dernier et auquel je me suis sans doute trop habituée, friande d'un vocabulaire recherché, poli comme un galet, et pourtant… Je me suis laissé embarquer dans ce voyage où rires et larmes se confondent, où l‘amour fou côtoie l'art de la bagnette – c'est quoi la bagnette ? Alors ça, pour le savoir, il faudra lire le roman – où des femmes sont prostituées, de confession juive ou musulmane, traînent la savate, et ont un coeur qui déborde. Elles s'appellent Gervaise, Odette, Ethel, elles ont toutes un passé douloureux et pourtant…

Plus qu'un roman, j'ai lu ce récit comme un conte, un conte à la fois tendre et douloureux, une histoire de vie bousculée, un cri poussé par un enfant désireux de sortir de sa condition, quitte à outrepasser les règles. Un magnifique texte, une histoire émouvante, une rhapsodie. Et je ne parle pas des références multiples littéraires ou musicales.

Pour un coup d'essai c'est un véritable coup de maîtresse !

Lien : https://memo-emoi.fr
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Pour vous parler de ce livre-là, je ne peux pas me planter. Non pas que pour les autres, j'ai un droit à l'erreur, mais pour celui-là, « j'ai juré ». Paris, XVIIIème. La Goutte d'Or. Un vrai mensonge, parce que c'est pas du tout doré. Et pourtant, parmi la misère, parmi la saleté que les hommes font aux femmes et aux enfants, que les femmes font aux femmes et aux enfants, se dresse le petit Abad, 13 ans.

Nous le suivons dans toutes ses mésaventures et surtout, dans sa quête existentielle : connaître l'amour et quitter le quartier. Autour de ce personnage si attachant gravitent des figures non moins touchantes, comme Gervaise, une migrante venue d'Afrique subsaharienne et contrainte à se prostituer pour faire parvenir de l'argent à sa petite fille. Les larmes me sont montées aux yeux, parce que même s'il s'agit de fiction, nous ne pouvons en ignorer la vraisemblance.

Je ne sais pas si vous avez lu le bon petit diable, Poil de Carotte ou Mon bel oranger, mais ce roman, c'est cet esprit-là combiné à Rancy, dans Voyage au bout de la nuit, à l'Assommoir ainsi qu'aux passages les plus durs des Misérables. On pourrait croire que ce n'est pas gai, mais au contraire, la détresse sociale vue et narrée à travers les yeux d'un enfant de treize ans, ce n'est pas pathétique, ce n'est pas ronflant et ce n'est pas voyeuriste. C'est simple et beau.

Sofia Aouine réussit un coup de maître en démontrant à travers ce roman que la langue française de la rue a quelque chose de poétique. J'ai été littéralement emportée, séduite, parfois jusqu'à l'écoeurement. Je ne peux que vous encourager à lire les aventures d'Abad pour mieux le connaître et l'aider, si jamais un jour il vient à croiser votre chemin.
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Abad, jeune libanais en exil, arrive à paris dans le quartier de Barbès. Il raconte son quotidien d'adolescent. A travers ses yeux, nous voyons le monde tel qu'il est, violent, inquiétant , misérable et surtout injuste. On peut voir en Abad, le petit frère de Momo de : La vie devant soi. Ce roman donne la parole aux oubliés de la société relégués dans des quartiers paupérisés où fleurissent les trafics en tout genre : drogue, prostitution, radicalisation, racket etc. Mais ce triste constat de la misère humaine est magnifié par la langue de Sofia Aouine.
Parfois crue, novatrice dans les expressions et les comparaisons et parfois très drôles quand aux préoccupations du narrateur et de ses amis adolescents.
J'ai vraiment aimé ce livre, belle réussite de premier roman, j'ai hâte de lire le prochain...
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