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3.73/5 (sur 514 notes)

Nationalité : France
Né(e) : 1978
Biographie :

Sofia Aouine a travaillé en tant que reporter radio et documentariste pour France Culture, RFI et France Inter.En 2019, elle publie son premier roman, "Rhapsodie des oubliés".



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Quelques questions à propos de Rhapsodie des oubliés


25/09/2019

« Ma rue raconte l`histoire du monde avec une odeur de poubelles. Elle s`appelle rue Léon, un nom de bon Français avec que des métèques et des visages bruns dedans. » Abad, 13 ans, vit dans le quartier de Barbès, la Goutte d`Or, Paris 18e. C`est l`âge des possibles : la sève coule, le cœur est plein de ronces, l`amour et le sexe torturent la tête. Pour arracher ses désirs au destin, Abad devra briser les règles. A la manière d`un Antoine Doinel, qui veut réaliser ses 400 coups à lui.

Rhapsodie des oubliés est votre premier roman, d’où vous est venue cette envie de raconter le quotidien et les rêves d’ailleurs d’un jeune garçon vivant dans le quartier populaire de la Goutte d’or à Paris ?

Rhapsodie des oubliés raconte cette minute où l’on bascule de l’enfance vers la jeunesse. Un roman d’apprentissage comme la littérature en connaît depuis des siècles, où les deux personnages principaux qui sont Abad et Paris, se croisent, se heurtent, grandissent ensemble entre chaos et beauté, douceur et fureur. Abad, ado de 13 ans, est syro-libanais et essaie de grandir comme les autres dans un environnement dur socialement. Il se noie un peu dans les affres de l‘adolescence. C’est un hommage en filigrane, à Antoine Doinel des 400 Coups de François Truffaut, film qui a changé ma vie, sur l‘enfance en quête d’amour et de liberté. Abad est, sans le savoir, le rhapsode (en grec celui qui coud les chants) et le témoin de sa rue. La rue Léon dans la Goutte d’Or où Émile Zola campait déjà son roman naturaliste L`Assommoir. Là où le déterminisme social du XIXe siècle frappait déjà, le récit des autres personnages raconté par Abad est une radioscopie sans concessions de notre société : violences faites aux femmes, intégrisme, prostitution et précarité sociale ou culturelle. Les oubliés ont une voix à travers Abad et le feront grandir. Derrière ces histoires dures racontées à hauteur d’enfant, le livre résonne toujours comme un cri à l‘amour pour conter ce qui nous lie et pas ce qui nous délite. La dernière phrase du prologue : « Ce qui nous lie, ce sont les enfants que nous avons été » est l‘ADN de cette Rhapsodie.

Dans votre livre, chaque personnage se sert, à sa manière, de l’écriture comme catharsis ou moyen d’exprimer ses aspirations. Partagez-vous avec vos personnages ce besoin presque thérapeutique d’écrire ?

Non, pas comme thérapie, il y a des gens qui le font très bien. Ce n’est pas mon truc. C’est plutôt la lecture qui m‘aide à dépasser les monstres et à inventer des continents. La relation entre les personnages du roman est plutôt d’ordre universel. La mémoire de l‘enfant que chacun a été et la parole sert de lien, de fil à travers les destins qui peuplent un même territoire, le 18e arrondissement.

Votre personnage principal Abad est un enfant presque adolescent qui, malgré des événements difficiles, conserve des préoccupations d’enfant : les plaisanteries avec les copains, l’éveil de la sexualité… Pensez-vous que l’on peut rester enfant dans une vie assez précaire où, très tôt, il s’agit d’assumer de lourdes responsabilités ?

On reste enfant quoi qu’on en pense, même si on vous l‘arrache, ou on vous la broie. Le môme que vous avez été subsiste malgré tout. Vous avez beau essayer de l‘oublier, il surgit à tout moment. Après, encore faut-il le laisser entrer en vous et lui donner la parole. C‘est ce que j‘ai fait dans ce livre avec mon propre enfant. Enfin, je crois.

Une idée forte ressort de votre récit : la solidarité dans la misère. Est-ce une thématique qui vous est chère, à savoir la coopération (intergénérationnelle et interculturelle) pour permettre l’intégration et peut-être lutter contre diverses formes de radicalisation ?

Oui, c’est la clef pour lutter contre l’ombre. Ce roman est un hommage même si dans la société dans laquelle on évolue, cela peut paraître mièvre, à ce qui nous lie tous dans cette Grande Histoire de France, ce qu‘il y a de profondément humain en nous. Et en sortant de l‘hystérie du débat qui agite les fantômes et les réseaux sociaux, sur le bitume, dans les campagnes les gens sont formidables. Sans angélisme, j‘aimerais qu‘on parle de ce qui est positif et qui réconcilie aux autres dans ces mondes-là.

Vous décrivez un quotidien où l’environnement prend une place très importante. Le quartier est tour à tour un terrain de jeu ou un refuge, mais aussi le théâtre des pires atrocités, ou encore un territoire à conquérir et à contrôler. La rue semble avoir une influence sur les personnages, qui emprisonnerait ses habitants et serait dotée d’une volonté propre. Peut-on considérer l’environnement urbain comme un véritable personnage de votre roman ?

Oui, c‘est le second personnage, comme le ventre de Paris que Zola visitait déjà. Je l‘ai déplacé et copieusement emprunté pour raconter le monde d’aujourd’hui.

Enfin, concernant la suite de votre parcours, la publication de votre premier roman vous a t-elle donné l’envie d’en écrire d’autres ? Quel ressenti avez-vous sur cette expérience ?

Oui, je suis déjà en route vers d’autres territoires de fiction. C‘est un cadeau du ciel, d’avoir envie d’écrire et de pouvoir le faire. Même si cela est difficile. Cette expérience a été comme l’accomplissement d’un destin que je n’ai pas choisi mais que j’ai fini par embrasser.


Quelques questions à propos de vos lectures

 

Quel est le livre qui vous a donné envie d`écrire ?

Tous, depuis que la Mère Littérature m‘a prise dans ses bras.

Quel est le livre que vous auriez rêvé d’écrire ?

Dora Bruder de Patrick Modiano.

Quelle est votre première grande découverte littéraire ?

Mon bel oranger de José Mauro de Vasconcelos, encore un gosse qui m‘a bouleversé. J‘étais petite, c‘est resté gravé.

Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?

Les années d’Annie Ernaux.

Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?

Aucun, il ne faut pas avoir honte de ne pas savoir, c‘est le plaisir qu‘on y met qui compte. Sinon, peut être, l‘annuaire téléphonique ?

Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?

Tout Paul Valéry. Pas méconnu mais pas assez lu.

Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?

Je ne me permettrais pas.

Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?

« La chair est triste, hélas et j‘ai lu tous les livres », Paul Valéry rapportant les mots de Stéphane Mallarmé.

Et en ce moment que lisez-vous ?

Un livre de martyrs américains de Joyce Carol Oates, indispensable.



Découvrez Rhapsodie des oubliés de Sofia Aouine aux Editions de la Martinière



Entretien réalisé par Maïlys Le Chêne







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02/10/2021 - Rencontre « Papiers d'identité » Avec Sofia Aouine, écrivain, Rhapsodie des oubliés (La Martinière), Sarah Ammoun, écrivain, Octobre Liban (Inculte), Azouz Begag, ancien Ministre, écrivain, géographe L'arbre ou la maison (Julliard) ; animée par Robin Huguenot-Noël, doctorant institut universitaire européen

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Internet c'est comme les mauvaises réputations, ça s'attrape aussi vite que la mononucléose à douze ans. Snapchat le refile à Insta, qui l'envoie à Whatsapp pour le refiler sur Twitter et contaminer YouTube.
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"Les adultes oublient toujours leur enfance, c'est pour ça qu'ils deviennent des vieux cons", c(est Odette qui disait toujours ça. J'étais d'accord. Si quand tu grandis tu oublies la branlette, je préfère ne jamais être grand.
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Au fond, Barbès, c'est pas différent de Baabda. les mêmes têtes de mercenaires qui en ont déjà trop vu, la même odeur de fleur d'oranger mêlée à la crasse, la même musique entre les cris des mômes et les hurlements des alcoolos du café d'en bas , les mêmes visages de vieilles mères fatiguées, la même merde dont tout le monde se fout royalement.
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Il veut me montrer son pays mais ne le trouve pas. J'ouvre la page de couverture avec la carte du monde. Il me désigne tout fier la capitale de son pays. J'y lis "République de Moldavie, Chisinau". Je me demande comment il a atterri ici. Il frappe le livre et me regarde. Je comprends qu'il me demande mon pays et le nom de ma mère. Je montre la carte du Liban, ou ce qu'il en reste, et j'écris le prénom de ma mère... Plus le cours avance, plus je l'aime bien. je commence à me sentir proche de ce martien de Moldavie : il a atterri ici un jour par chance ou obligé, je n'en sais rien, mais c'est un pas-Français comme moi, coupé de sa daronne et du pays qui a enterré ses ancêtres. J'étais presque heureux à ses côtés.
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Mais nos rencontres et ces tout petits trucs qui nous liaient faisaient notre bonheur. Trouver un court instant de grâce dans un misérable croûton, c'est un vrai truc de cassos (un peu comme nous en vrai) mais, j'ai juré, l'odeur du pain ça ramène à l'enfance.. On met son nez dedans même si ça brûle le bout de la truffe et on rêve à une mère - celle des beaux livres, gentille et tout, qui ne crie jamais - et à ses bras chauds comme à la naissance.
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Baba, il est comme tous les pères de mes copains. Ils ne parlent pas , travaillent comme des esclaves - des boulots de merde qui salissent et éclatent votre corps en morceaux. Ils n'embrassent pas, mangent et dorment tout seuls, font l'amour à maman, juste pour enfanter, et des garçons de préférence. les filles, c'est que des problèmes. Ils sont comme des ombres à vivre à côté de vous sans vous voir. Les seules paroles dont on pourrait se souvenir quand on sera plus âgé, ils les prononcent avec leurs poings. Ils vous évitent mais ils tapent fort, très fort, pour dire qu'ils sont là. Si tu dois trouver un sens à ton existence, ce sera dans les coups de ton père.
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La plupart des grands, profs, parents, parents des autres, pensaient que j'étais fou, un mauvais élève, un sale, un méchant, et que c'était moi qui avais entraîné tous les autres vers la rue et les conneries de sex-shop. Alors que dans la vraie vie, celle qui pue la merde, c'est la rue qui nous gouverne et pas l'inverse. C'est la rue qui nous appelle et pas l'inverse. Et pour ceux qui n'ont pas de mère, il n'y a qu'elle pour les comprendre, les aimer, et donner un sens à leur vie. ceux qui habitent là où ça sent les fleurs peuvent pas piger.
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Les parents perchés dans leurs tours d'ivoire veulent toujours vous faire avouer des choses que vous n'avez pas faites. Mais ils refusent de vous entendre.
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Les valises, c'est toujours des souvenirs de vie.
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Elle disait que le temps passe si vite qu'on se réveille un jour avec les tempes grises en ne se souvenant même pas de la douleur des premiers pas. Elle disait aussi que l'amour c'est mieux que tous les repas du monde et que les rêves des chats sont peuplés de souris.
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