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3,73

sur 647 notes
°°° rentrée littéraire 2019 #32 °°°

125 pages seulement.

125 pages d'extraordinaire délicatesse pour raconter une famille cabossée.

125 pages oxymoriques où la noirceur côtoie la poésie, la douleur la poésie. Une douceur ouatée déchirée de rudesse pour plonger dans l'intime d'un triangle familial. Natacha Appanah tisse à partir de lambeaux de vie de chacun un texte incroyablement lumineux qui garde jusqu'au bout une ligne claire, vivante et elliptique.

D'abord il y a la mère, Eliette devenue Phénix, le personnage le plus déchirant : les passages qui éclairent sur les traumatismes vécues durant son enfance m'ont secouée, bruts, crus, d'autant plus terribles qu'ils l'accompagnent adulte puis mère, la déchirent toujours et se transmettent à ses enfants, inéluctablement, irrémédiables dégâts qui s'en suivent.

Paloma, la fille aînée, qui a décidé que pour vivre il fallait qu'elle fuit le plus loin possible de cette mère en souffrance, quitte à abandonner son petit frère et à être torturée par les affres de la culpabilité.

Le fils, le frère, Loup, adolescent étrange et décalé, emmuré dans ses détresses. le choc de son incarcération reconstitue le trio, avec peut-être la résilience au bout, peut-être un horizon moins sombre, peut-être.

Et quelle écriture ! Eblouissante. Il n'y a pas un mot de trop, aucune phrase banale pour meubler. Juste de l'humain qui vibre et bruisse de toute la palette des émotions, comme dans cette scène où la mère et la fille se retrouvent après dix ans sans se voir, pour rendre visite à Loup :

« Il y a ce regard échangé de loin. C'est la mère qui avance vers la fille parce que cette dernière est pétrifiée – par cette beauté, par cette vague d'motions qui l'atteint, par le poids de ces dix années, par la difficulté ) être m'enfant de sa mère – et toujours le coeur qui bat, le ventre qui tourne, l'esprit qui se débat pour trouver les mots qui conviennent, mais en réalité c'est autre chose qui prend le dessus et ça ressemble à un début, à quelque chose qui s'ouvre et qui offre on en sait quoi, on en sait pas encore comment mais on espère que ça ressemblera à de la tendresse et, pour l'instant, ça leur suffit. »

« Il était une fois » commence ce roman, comme un conte atemporel et universel sur la famille, la filiation, l'hérédité de la transmission des traumatismes. « Il était une fois » le conclut de façon puissance et vibrante comme un hymne à la vie, aux possibles.

Bouleversant.
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Nathacha Appanah débute son dixième roman, le ciel par-dessus le toit, titre qui fait référence au poème de Verlaine, comme un conte, par Il était une fois. Et il s'agit en effet d'un conte familial à la fois noir et violent mais qui laisse une porte ouverte à l'espoir.
Loup est un adolescent hyper sensible qui vit seul avec sa mère, traumatisé par le départ de sa soeur Paloma, il y a dix ans. En essayant de la rejoindre, Il va provoquer un accident de voiture et comme, il n'a pas le permis et qu'il tente de s'enfuir à l'arrivée des gendarmes, il va être incarcéré.
Pour chacun des personnages, des souvenirs douloureux vont remonter en surface. On apprend notamment qu'Éliette, la mère, a abandonné son prénom pour Phénix, afin de tenter d'effacer les traumatismes vécus pendant son enfance et son adolescence et ainsi survivre. Pour ne pas retomber dans le même schéma, il lui est difficile d'éduquer ses propres enfants.
Ce n'est qu'après l'emprisonnement de Loup, court mais extrêmement traumatisant, que cette famille brisée par le silence va petit à petit s'épanouir et pouvoir exprimer l'amour retenu jusque-là, et ceci de manière très progressive. En effet, pour venir en aide à Loup, Phénix et Paloma vont devoir renouer des relations.
Les sentiments qu'éprouve cette mère pour ses enfants, Nathacha Appanah va nous les dévoiler avec beaucoup de poésie, de sensibilité et de façon très sobre. Ce roman nous révèle les difficultés que peuvent revêtir les relations parents-enfants mais surtout le besoin d'amour de chacun.
L'auteure décrit très bien, de façon puissante et impitoyable la vie en prison et les traumatismes que peut provoquer l'enfermement, davantage encore chez les êtres sensibles, mais ne le sommes-nous pas tous ?
C'est un roman bref, d'une grande douceur mais aussi d'une grande noirceur qui m'a laissé un petit sentiment d'inachevé.

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Nathacha Appanah reste et restera pour moi le très beau « La noce d'Anna ». Depuis, je me sens larguée dans ses romans et celui-ci ne déroge pas.

Une histoire certes lyrique et onirique à souhait sur une famille monoparentale en décomposition mais qui ne m'a pas séduit. Trop de flashbacks, d'ellipses, de clichés, de va-et-vient temporel, pour une histoire sans grande surprise mais rendue alambiquée faute à un surplus de figures de styles.

3 étoiles pour le phrasé qui est doux et recherché pour un roman qui à mon sens aurait gagné en qualité avec un peu plus de transparence. Si peu qu'on manque d'attention et de concentration ce roman devient bien trop ardu pour en savourer sa qualité littéraire.
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Roman très spécial, le ciel par-dessus le toit, titre emprunté à Verlaine, prouve, s'il était nécessaire, tout le talent, toute la beauté de l'écriture de Nathacha Appanah, une écrivaine que j'avais beaucoup aimée en lisant Tropique de la violence.

Pour ce nouveau roman, elle s'appuie sur ce que l'on nomme habituellement un fait divers : un accident qui aurait pu être dramatique. Un jeune homme de dix-sept ans, Loup, a conduit la voiture de sa mère sur l'autoroute, pris une bretelle à contresens, causé un carambolage et pris la fuite à l'arrivée des gendarmes.
Voilà que ce garçon, arrêté, est mis en détention par un juge. La prison comme unique solution ! Je m'interroge sur les dégâts irréversibles causés sur un être humain en pleine formation : enfermement, quartier mineurs, du bruit tout le temps, la promiscuité… traumatisé à vie.
Il est évident que Loup a besoin d'amour, de l'amour de sa mère et surtout de celui de Paloma, sa soeur, partie du foyer depuis dix ans, qu'il n'a plus revue et qu'il tentait justement de rejoindre en voiture.
L'auteur prend alors le temps de présenter la mère de Loup, Phénix, qui s'appelait, enfant, Éliette, sorte de petite fille modèle, élevée comme un poupée, mise en avant, exhibée alors qu'elle souffre de cette enfance qu'on lui vole. À onze ans, elle a brisé ce carcan, vécu sa vie mais que de dégâts irréversibles !
Nathacha Appanah a le mérite de montrer tout cela par petites touches, avec une écriture pleine de sensibilité, faisant mouche si nécessaire ou créant tout simplement une ambiance qui en dit plus long que tous les grands discours. Elle a même su, parfois, écrire le silence. Quelques passages sont d'une haute qualité, très beaux comme la scène de l'accouchement de Phénix ou quand le grand-père attend sa petite-fille à la gare.
Bref roman, le ciel par-dessus le toit a été, pour moi, un moment émouvant de lecture, bouleversant parfois. J'avais écouté Nathacha Appanah parler de son nouveau roman aux Correspondances de Manosque et j'ai été très heureux de pouvoir le lire, roman qui montre les fossés pouvant se creuser entre les générations, les écarts entre la mémoire d'un père et celle de sa fille. Quand Phénix, Paloma et Loup, à des époques différentes, n'ont qu'une solution, partir, il faut se poser beaucoup de questions et tout faire pour tenter de recoller les morceaux de vies brisées par trop comme par manque d'amour.


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Devenue marginale et hermétique à la tendresse à cause d'un traumatisme remontant à l'enfance, Phénix est incapable de se montrer maternelle. A l'adolescence, sa fille a préféré fuir la maison. Dix ans plus tard, au même âge, son fils Loup se retrouve dans le quartier pour mineurs d'une prison.


L'écriture est jolie, l'art du conte maîtrisé et l'on ne s'ennuie pas une seconde dans cette histoire en clair-obscur, esthétiquement composée. C'est pourtant cette même recherche formelle qui a fini par s'avérer contre-productive chez moi : à force d'intentions poétiques et d'effets de style, le récit m'a semblé verser dans l'artifice, au trop grand détriment de sa crédibilité.


J'ai eu ainsi beaucoup de mal à me faire aux personnages : entre une mère objet de tous les fantasmes dont on ne percera jamais la déroutante image pour en comprendre vraiment les failles, un fils tellement fragile qu'il en paraît presque demeuré et fait bien plus office d'agneau sacrifié que de loup enragé, un médecin au comportement improbable lors d'un accouchement fantasmagorique qui occupe une place inexplicable dans le récit, seule la fille, par son absence, acquiert paradoxalement quelque réalité.


C'est finalement le très beau travail sur sa forme qui fait l'originalité de cette histoire. Sorte de clair-obscur parfois presque fantastique où dansent les ombres de personnages plus esquissés que réellement incarnés, elle confirme, s'il le fallait, une bien jolie plume, mais s'avère pour moi une relative déception après mon précédent coup de coeur pour Tropique de la violence du même auteur.

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Que dire d’un ciel immense qui s’échappe, une vie humble a autant besoin de ciel que les autres, de la lumière, un chemin pour savoir où on est et où aller. Le ciel par-dessus le toit est un magnifique roman écrit par Nathacha Appanah, il évoque par son titre ce très beau poème de Paul Verlaine ; j’ai appris que Verlaine l’avait écrit en prison, lorsqu’il tenta de tuer son amant Arthur Rimbaud.
« Le ciel est par-dessus le toit, si bleu si calme ! ».
C’est à quelque chose près le décor que nous découvrons de cette famille ordinaire, presque comme les autres.
Le roman, cependant, démarre dans la cellule d’une maison d’arrêt. Comment comprendre ce qui a amené celui qui est ici, Loup, un enfant presque encore.
« Un arbre par-dessus le toit berce sa palme ».
Nous découvrons ce fait divers presque anodin qui conduit Loup en prison, mais l’auteure nous amène à découvrir à travers ses propres mots ce qui l’a amené à cela, remonter le chemin dans l’autre sens.
Justement, revenons un peu en arrière, lorsque la mère de Loup était encore une enfant, une petite fille, elle s’appelait alors Éliette. Plus tard elle changera de nom, devenant Phénix, comme une être ressuscitée ou qui veut tout simplement rayer d'un trait l'autre pan de sa vie.
Plus tard elle aura deux enfants, Paloma et Loup.
« La cloche, dans le ciel qu’on voit
Doucement tinte.
Un oiseau sur l’arbre qu’on voit
Chante sa plainte ».
Il y a cette scène d’entrée, la petite fille idéale, qui chante très bien, qui joue à chaque fois son rôle de petite fille modèle, de poupée à la perfection, docile parmi les autres, elle chante admirablement bien, fait la fierté des siens des autres, et puis brusquement sur cette scène de repas de Noël, c'est le repas de Noël de l'entreprise où travaille son père, au lieu de chanter, c’est un cri qui sort d’elle, c’est même plus qu’un cri, c’est quelque chose de plus profond, de viscéral, de guttural, d’effroyable, quelque chose qui ressemble aux ténèbres, à la nuit, au vide. Quelque chose qui l’entraîne en hôpital psychiatrique. Un lieu carcéral. Déjà...
Le cœur de Loup s’emballe souvent. C’est un enfant dont le cœur est comme cela, un cœur qui s’emballe, il a sans doute de bonnes raisons. Parfois certains enfants ne savent pas distinguer le réel de l’imaginaire. Loup est de ces êtres totalement fragiles.
Loup n’a qu’une seule obsession, retrouver sa sœur Paloma, quitte à rouler à contre-sens sur cette entrée d'autoroute, ce qui lui vaudra de se retrouver devant un juge... Loup n'a peut-être jamais su trouver les bons chemins, prendre les bonnes directions...
Et cet oiseau qui chante sa plainte, qui est-il ? La mère ? Paloma, la sœur de Loup qui cherche à protéger celui-ci, à le retrouver ? ou bien Loup lui-même ?
« Mon Dieu ! Mon Dieu ! La vie est là,
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville ».
Il y a quelques temps, j’ai découvert que Paul Valéry avait une définition originale de l’inspiration et l’accordait non pas à l’auteur mais au lecteur. J’adore cette idée.
Rebondissant sur cette idée, je me suis pris d’empathie pour ce récit. J’ai aimé la poésie qui se dégage de cette très belle écriture, douloureuse forcément mais apportant une infinie douceur. C’est sans doute, je crois, la magie de ce texte...
Les personnages de ce roman semblent en retrait, silencieux, absents de ce qui les anime.
Phénix, reconvertie à la vie, ne veut surtout pas reproduire ce qu’elle a vécu lorsqu’elle était enfant. Ses enfants sont libres, elle les laisse libres, ainsi.
J’ai adoré ce livre, cette ambiance que je viens de décrire m’a totalement emporté, ému aussi.
Mais derrière la poésie de l'écriture viennent aussi des questions douloureuses, l'enfance meurtrie, maltraitée, les non-dits, l'indifférence, ce trop plein d'amour ou pas assez qui peut déjà tout décider de ce qu'adviendra la vie d'après.
" Qu’as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà
De ta jeunesse ? "
Peut-être que le ciel par-dessus les toits,
le ciel derrière les murs, les barreaux des prisons,
le ciel derrière nos peaux, nos coeurs,
nous éclairent et nous engloutit à la fois.
Parfois les liens du coeur peuvent transcender les blessures de l'enfance. Il suffit alors d'une écriture, celle d'un livre, d'une auteure, notre émotion qui vient à sa rencontre, pour rendre le ciel si bleu si calme.
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Il était une fois un conte sans princesse mais avec un Loup. Mais je te raconte l'histoire d'une colombe, Paloma, qui vola seule de ses propres ailes. Aussi, plus qu'un conte, c'est une légende, celle d'un Phénix qui renait des flammes de la tristesse et de la solitude.
Phénix, la mère, Paloma, la fille, Loup, le fils. Et pour commencer un poème de Verlaine :
Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme.

Mais oublions ce poème, pour l'instant, car le ciel ici vire plus au bleu noir qu'au bleu azur. Par-dessus le toit, Loup ne voit plus grand-chose, peut-être quelques étoiles, certainement pas le bleuté de la lune, à travers les barreaux de sa cellule. Oui, Loup vient d'être coffré, chemin direct vers la case prison, délinquant juvénile. Il voulait, il veut juste revoir sa soeur. Qu'est-ce qu'on ne fera pas pour revoir le sourire de Paloma... Et pas sa mère ! Qu'as-tu donc fait Phénix pour que tes enfants te fuient.

La cloche, dans le ciel qu'on voit,
Doucement tinte.
Un oiseau sur l'arbre qu'on voit
Chante sa plainte.

L'oiseau, cette palombe, se pose donc sur l'arbre que tu ne vois plus, tu ne vois que le ciel de là où tu es. Paloma qui culpabilise, peut-être, probablement, de t'avoir laissé seul avec cette mère. Si elle pouvait, elle serait restée à tes côtés, comme pour te protéger. de quoi ? de la tristesse de ce foyer, de cette famille décomposée. Oh Phénix… Oh Paloma pourquoi t'es-tu enfuie si rapidement de moi ?

Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.

Parce que là, sous ce toit, cette ville, cette vie, il n'y avait plus de vie. Phénix a brulé son passé, mais ses sentiments sont restés dans les cendres de sa jeunesse oubliée. Et si cette incarcération permettait au trio de renouer des liens et de rompre le silence de tant d'années de non-dits, de rêves oubliés et de peurs ancrées.

Qu'as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?

De ta jeunesse, tu n'as donc gardé que les traumatismes du passé. Oh Phénix, du temps où tu t'appelais encore Eliette.
A mon tour, je regarde le ciel, par-dessus le toit. Si bleu si calme ! J'y vois la lune qui de sa lumière coule le spleen bleu de ma vie.
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" Le ciel est , par-dessus le toit,
Si bleu, si calme!
Un arbre, par-dessus le ciel,
Berce sa palme"

Ce poème de Verlaine, écrit en prison, sert de fil conducteur au dernier roman de l'auteur. J'avais eu un très gros coup de coeur pour " le dernier frère ". Celui-ci, même s'il m'a moins bouleversée, m'a beaucoup plu aussi.

Toujours cette magnifique écriture, sensuelle, poétique, qui nous prend en otage consenti... Toujours des personnages meurtris, si beaux dans leur isolement, leur singularité.

Ils sont trois: Phénix, la mère, Paloma, la fille, Loup , le fils. Liés et séparés à la fois. Les retours en arrière nous montrent ce qui a conduit Loup à être, comme Verlaine, emprisonné, à contempler le ciel, par-dessus le toit....

Phénix s'appelait alors Eliette. Poupée si belle qui dit oui, de la petite enfance à onze ans. Petite princesse maquillée que ses parents exhibent, qui sourit, chante sur scène . Se tait, et un jour crie son chagrin. Poupée qui dit non. Puis s'en va.

Errance...Puis deux enfants, qu'elle ne sait pas aimer. Paloma, fragile, presque effacée, qui décide de partir, adolescente. Laissant Loup seul, , étrange garçon qui n'arrive pas à contrôler ses émotions...

Un trio touchant, berçant sa nostalgie de ce qui n'a pas pu exister entre eux, espérant un rapprochement, peut-être. Des êtres malmenés par la vie, si émouvants... Un très beau roman.
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Le ciel derrière les barreaux

Nathacha Appanah nous revient avec un court roman qui transcende le banal fait divers pour en faire un réquisitoire contre une justice aveugle et un chant d'amour maternel et fraternel.

C'est l'un de ces faits divers qui ne font que quelques lignes dans le journal, une de ces affaires qui encombrent les tribunaux. Un cas banal: «Loup avait eu l'idée de prendre la voiture de sa mère et de conduire jusqu'ici. Loup savait qu'il n'avait pas le droit de conduire mais sa soeur lui manquait tellement, c'est tout. Il n'avait pas le permis, il avait conduit prudemment jusqu'à l'entrée de la ville où il s'était trompé de sens. Après, il y a eu tous les bruits, les cris, sa voiture dans le fossé. Et sa crise de nerfs quand les policiers sont arrivés, aussi. Ce matin peut-être ou il y a dix minutes: le juge l'a placé en mandat de dépôt au quartier mineurs, à la maison d'arrêt de C.»
Avec son joli sens de la construction, Nathacha Appanah va alors nous proposer de revenir en arrière, de retracer la généalogie qui a conduit Loup dans cette prison depuis ses grands-parents.
Un couple sans histoires, acharné à se fondre dans la foule. Un couple ordinaire qui regarde grandir la petite Eliette. «Jusqu'à maintenant la vie était comme elle est si souvent, ni extraordinaire ni triste, de ces vies travailleuses, sans grande intelligence ni bêtise, de ces vies à chercher le mieux, le meilleur mais pas trop quand même, on ne voudrait pas attirer le mauvais oeil. Souris, Eliette, lui disent tout le temps ses parents et aussi Viens dire bonjour, Eliette et quand il y a un dîner à la maison, Chante-nous À la Claire fontaine, Eliette.» Mais l'adolescente ne veut pas de cette vie, ne veut pas être présentée comme bête de foire. Eliette se révolte au fur et à mesure que son corps se transforme, jusqu'à ce jour où un baiser forcé la traumatise. C'est alors que tout va dérailler. Eliette a 16 ans quand l'enfance s'en va. Mais «comment faire pour naître à nouveau?» Son rite de passage va consister à mettre le feu à la maison et à se faire appeler désormais Phénix. Et faire de sa liberté nouvelle une nouvelle aliénation. Très vite, trop vite, elle se retrouve mère de deux enfants, Paloma et Loup qu'elle va élever en montant une petite entreprise de pièces détachées. le jour où Paloma décide elle aussi de couper les ponts, elle n'entrevoit pas les conséquences de sa colère. Elle assure à Loup qu'elle reviendra le chercher très vite. Dix ans après, elle n'est toujours pas rentrée. C'est quand elle apprend que son frère est derrière les barreaux qu'elle a envie de tenir sa promesse.
Comme dans Tropique de la violence et En attendant demain, l'écriture de Nathacha Appanah transcende ces vies cabossées en chant d'amour. En faisant jouer les contrastes entre le sordide et la beauté, à ce ciel au-dessus de la prison. «Qu'est-ce que ça fait ici, cette beauté-là, cette couleur qui fait penser à la mer, au ciel?» Ça fait d'autant plus mal que ce ciel la rapproche de sa soeur, tout aussi sensible à ce ciel, regardant la nuit fondre «sur le jour en laissant des trainées roses et mauve orange. Ce ciel, par-dessus les toits, ressemble à un morceau de soie chatoyant». Un adjectif qui va bien aussi à l'écriture de Nathacha, même si elle n'en reste pas moins efficace dans son réquisitoire contre ce pays qui oublie «ces gens-là, les pauvres, les réfugiés, les sans paroles, les mères célibataires, les alcooliques, les drogués, les moins que rien, les chutés, les tombés, les mal-nés, les accidentés».


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La construction étonnante, la plume poétique (limpide, splendide) transcendent une histoire somme toute banale de relations familiales rompues entre une mère et ses enfants. Il y a beaucoup d'ellipses dans ce récit (tout comme il y a beaucoup d'incompréhension entre les différents personnages) mais cela ne nuit pas à l'histoire. C'est un texte d'une grande beauté.
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