Merci à l'inconnu(e) qui a déposé ce roman dans la boîte à livres où je l'ai trouvé, car sans lui ou elle je n'aurais pas lu cette réédition datée de 1980 proposée par le regretté éditeur Neo de
Tel un fantôme, initialement paru en 1966. C'est un plaisir toujours intact de retrouver l'imagination illimitée du prolifique
G. J. Arnaud, conteur d'histoires hors pair, malheureusement oublié ou passé de mode.
Louis et Olga Pradier mènent une morne vie conjugale à bout de souffle dans une belle villa de Montmorency. Olga s'ennuie, hait son mari adultère. de ruminations en détestation, elle échafaude un plan pour se venger de l'infidèle, patiemment élaboré, ne négligeant aucun détail. Elle disparaît en laissant suffisamment d'indices pour que Louis soit accusé de son meurtre, tandis que munie de ses bijoux de famille et de ses économies, elle s'offre un nouveau visage chirurgicalement esthétique puis une nouvelle vie sur la Côte d'Azur. Olga la disgracieuse se métamorphose en Edith la jolie. Mais rien n'est simple car sous la mue aux effets visibles, l'épouse frustrée et interprétative est toujours à l'oeuvre. Lorsque Louis est condamné à 10 ans de prison sans preuve et jeté en pâture aux journalistes, Olga et Edith s'effondrent, mettant à nu une seule femme aux deux visages.
L'intrigue est bien ficelée et ménage le suspense jusque dans son épilogue. le style est tonique, incrusté de quelques notes fantastiques crédibles. Rétro ou vintage, comme on veut,
Tel un fantôme plonge le lecteur dans une époque où l'on roulait en Simca 1000, où l'on mettait 2 jours pour venir de Nice à Paris, où l'on écoutait les infos sur un petit poste à transistors, où l'on sortait du frigo des bouteilles de Pam-Pam... Si l'on possédait un frigo. Et du Pam-Pam.
Mais dans cette réédition Neo, j'ai surtout été intéressée par la postface datée de février 1980 dans laquelle l'auteur s'exprime sur son travail, sur ses convictions, parfois visionnaires, notamment lorsqu'il évoque son engagement anti-nucléaire de la première heure, soulignant que le nucléaire n'est pas seulement le risque d'un accident mais également l'acceptation d'une société ultra-policée ; ou lorsqu'il raconte la genèse de
Plein la vue dont l'idée lui est venue en voyant, stupéfait, des vignerons porter des masques à gaz pour pulvériser un produit contre l'araignée rouge de la vigne, susceptible de créer 1 % de dégâts sur la récolte ; ou lorsqu'il affirme que les écrivains de polars qui intègrent dans leurs romans des éléments politiques, sociologiques, environnementaux, font le travail que les journalistes devraient accomplir dans leurs canards ; ou enfin lorsqu'il raconte comment il a été interdit de diffusion dans l'Espagne franquiste, ou dans les pays qui, de tous temps, luttent contre un excès de démocratie. Ecrit en février 1980, je le rappelle.
Merci encore à l'inconnu échangiste qui a déposé cette rareté littéraire dans une boîte à livres. Où je vais la remettre à la disposition de lecteurs-partageurs.