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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« Quand on a lu Artaud, on ne s'en remet pas. Ses textes sont de ceux, très rares, qui peuvent orienter et innerver toute une vie, influer directement ou indirectement sur la manière de sentir et de penser, régler une conduite subversive à travers toutes sortes de sentiments, de préjugés et de tabous qui, à l'intérieur de notre culture, contribuent à freiner et même arrêter un élan fondamental. »
Ainsi commence la préface de Alain Jouffroy de l'édition de 1968. Oui, lire Artaud ne peut pas laisser indifférent. J'aime surtout les textes où il évoque son angoisse face à la vie, face à l'être et l'impossibilité de mener une vie « normale ». Jamais je n'ai lu des textes décrivant l'angoisse d'une telle intensité. La souffrance décrite est d'une grande puissance. Je suis moins enthousiaste pour les correspondances et les textes surréalistes que je trouve moins prégnants et où il semble se perdre un peu. A moins que ce soit moi qui m'y perde. En revanche, son regard, forcément « décalé » sur la société m'intéresse. Il écrit crûment ce qu'il pense. Pas de barrière morale. Pas de conformisme. Cependant, ce n'est pas une lecture facile. IL faut souvent s'y reprendre à plusieurs fois pour comprendre, si tant est qu'il y ai quelque chose à comprendre, parfois. Artaud, c'est un univers à lui tout seul.
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« Ecrire avec sa vie » comme disait, Nietzsche. Antonin Artaud l'a fait : sa vie est si étroitement mêlée à son oeuvre que l'on pourrait presque dire qu'il écrit son oeuvre avec sa vie !
Et dans la phrase qui suit : « …Là où d'autres proposent des oeuvres, je ne prétends pas autre chose que de montrer mon esprit… », se trouve toute la puissance et l'essence de ses poèmes !

« L'Ombilic des limbes » (suivi de, le Pèse-Nerfs) atteste, parfaitement, Antonin Artaud en tant que le témoin de soi-même. C'est peut-être l'oeuvre d'un fou mais c'est avant tout un homme qui va au bout de ses retranchements : comme une âme alourdie de ses chaînes qui plonge jusque dans ses propres limbes !
Maurice Blanchot l'a souligné : " Ce qu'il dit, il le dit non par sa vie même (ce serait trop simple), mais par l'ébranlement de ce qui l'appelle hors de la vie ordinaire. "
Le poète se livre, en effet, à l'âpreté de sa douleur provoquée par l' « effroyable maladie de l'esprit » dont il souffre ; et au délire de sa propre pensée tourmentée et torturée…
Antonin a choisi le domaine de la douleur (une douleur interne érosive, sourde et aveugle qui se suffit à elle-même, et se montrant telle qu'elle est…) et de l'ombre pour en faire le rayonnement de sa matière poétique.
Inspirée des surréalistes, sa poésie mentale et psychotique, témoigne de sa difficulté à trouver le sens de son être, elle témoigne aussi de sa « déraison lucide » qui ne redoute pas le désordre et le chaos intérieur de son moi « inapplicable à la vie », tel est ce combat dont il mène contre !
Des thèmes métaphysiques tels que le désespoir, la Mort et le suicide (qu'il considère comme un moyen de se reconstituer et non comme une destruction !) jalonnent à la fin de ce recueil dont l'écriture fiévreuse inaugure encore plus les « raclures de son âme » et « les déchets de lui-même » .
L'exploration mentale de ses paysages intérieurs nous montre là, un texte écrit dans une langue toute en pulsions : ce recueil nous touche dans ce qui nous constitue le plus, à savoir la chair, le verbe et notre âme.
Son écriture est cathartique, et ses mots qui touchent à l'indicible sont non seulement chargés de sens mais sont aussi sensitifs !

L'auteur de « le théâtre et son double » a brisé des frontières et a su s'affranchir des choses établies par la société qui, malheureusement, fixe tout artiste novateur à la marginalité !
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Toujours la même honte : de reconnaître que le langage est insultant pour la pensée, et de poursuivre sa route dans la direction du premier pour le prouver. Ce n'est peut-être pas tout à fait ça, mais Antonin Artaud semble témoigner à travers lui du futur de l'humanité lorsque le mot, cheval de Troie débraillé, aura aspiré toute forme salubre d'énergie vitale. La faute au mot, à cause de sa nature, ou du mauvais usage que nous en faisons. Ainsi Antonin Artaud finira-t-il par s'écarter du surréalisme, cette fausse révolution qui voulait faire croire que la victoire serait réalisée avec la Révolution du monde, un gagne-petit misérable face à la ligne de conduite artaudienne : « Que chaque homme ne veuille rien considérer au-delà de sa sensibilité profonde, de son moi intime, voilà pour moi le point de vue de la Révolution intégrale ».


Le surréalisme aurait pourtant gagné infiniment à écouter Antonin Artaud. Mais Antonin Artaud n'est pas fait pour être entendu, et ce n'est pas seulement de sa faute. Tous ses textes témoignent de l'incompréhension, ainsi que le montre sa correspondance avec Jacques Rivière. Antonin Artaud essaie d'établir du lien en lançant ses hameçons partout autour de lui, où ça voudra bien mordre, mais ses leurres sont bien trop juteux et copieux pour que les poissons maigrelets qui tournent autour de lui arrivent à comprendre qu'il s'agit là d'un festin, qu'on leur destine. Echec du langage pour décrire les conséquences d'une surabondance de mots dans une tête prisonnière, avide de les attraper et effrayée, qui lance des radicelles dans tous les membres qui la prolongent pour s'échapper. On a l'impression que les textes de cet Ombilic des limbes sont un miracle, un surgissement de limpidité incroyable sur lequel Antonin Artaud s'est précipité avant que les mots ne fondent à nouveau sous les fonds brouillés de son cerveau, duquel rien n'émerge plus distinctement pendant longtemps.


« Je souffre d'une effroyable maladie de l'esprit. Ma pensée m'abandonne à tous les degrés. Depuis le fait simple de la pensée jusqu'au fait extérieur de sa matérialisation dans les mots. Mots, formes de phrases, directions intérieures de la pensée, réactions simples de l'esprit, je suis à la poursuite constante de mon être intellectuel. Lors donc que je peux saisir une forme, si imparfaite soit-elle, je la fixe, dans la crainte de perdre toute la pensée."


On ne le croirait pas, mais toutes ces visions: il faut avoir souffert du vide pour que tout se peuple ainsi. Nous assistons à un miracle fait de colère et de répugnance. Un miracle qu'Antonin Artaud n'aimerait faire connaître qu'à quelques-uns : les « confus de l'esprit », les « aphasiques par arrêt de la langue », les « coprolatiques », « tous les discrédités des mots et du verbe, les parias de la Pensée », « les révolutionnaires véritables qui pensent que la liberté individuelle est un bien supérieur à celui de n'importe quelle conquête obtenue sur un plan relatif ». C'est au moment où je lève les yeux pour voir toutes les lignes que j'ai pu écrire que je me rends compte que je suis loin d'avoir compris L'ombilic des limbes. Il ne faut plus que ça reste seulement un objet de curiosité.
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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C'est dur d'expliquer l'émotion qui vous prend à la gorge en lisant ne serait-ce qu'une seule phrase d'Antonin Artaud. Il y a, déjà, le moment propice pour le lire. Etre réceptif à Artaud, c'est d'abord trouver le moment spécifique, car il y a des situations ou des états d'âmes qui ne s'y prêtent pas du tout. Mais quand chaque élément concorde à vous embarquer dans le fleuve Antonin, il y a de fortes chances pour que vous y couliez. C'est mon cas, et je sombre encore, emportée par la folie du bonhomme et son chant puissant.

Je ne me sens pas capable d'expliquer Antonin Artaud. Pour plusieurs raisons probablement, d'abord parce qu'il me semble vraiment très complexe de parler d'une littérature comme la sienne : polyphonique, épineuse, polymorphe, dense et hermétique. Ensuite parce que sa parole ne se prête pas tellement à l'explicitation, à l'analyse ni à l'étude. Elle est close sur elle même, ne renferme qu'elle même et ne prêche rien qui serait bon à écrire ou à décortiquer. Et enfin, les exubérances, les douleurs et les cris d'Antonin me paraissent parfois si proches de moi que les frissons mêmes n'arrivent plus à réguler ni ma température ni l'angoisse qui me monte à la gorge en songeant à ce que je partage -malheureusement- avec cet homme.

Je n'ai pas non plus envie, de décrypter Antonin Artaud. de lui ôter ses ailes, de lui faire perdre sa magie. Je n'ai pas envie de dénaturer ce bruit en des accords, certes plus éclairés et mieux agencés, mais loin de l'original, de la pureté initiale, disons de la lucidité divine du texte primitif. Je lis Artaud par brèches, comme j'observerais par des trous de serrure afin de voir, d'un certain point de vue nouveau et singulier, le monde et la réalité. Je lis Artaud comme des failles, douloureuses et sanglantes, mais néanmoins indispensables pour laisser passer un filet de lumière. Je lis Artaud comme je ris et comme je pleure, dans des moments où l'émotion souvent me dépasse, me surpasse et m'enlève à mon esprit, me ravit à mon corps pour un court instant, et me laisse béate une fois revenue en moi, dans le quotidien aveugle et sourd de la vie.
Lien : https://jusdereglisse.blogsp..
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Apaisé par la drogue, remède souverain à ses angoisses existentielles, cet opium absorbé en 1917 lors d'un internement en maison de santé, alors qu'il peignait, Antonin Artaud, toute sa vie, malgré des cures de désintoxication, aura besoin de laudanum "seule substance capable de l'amener à un état normal".
Voilà ce qu' affirme dans L'ombilic des limbes ce poète maudit né en 1896 qui à seize ans brûle tous ses textes et offre ses livres à ses amis.
Dépression. Semi -guérison sur Paris.Publication de ses premiers poèmes en 1920(Le tric trac du ciel). Grande période théatrale de 1922 à 1924.
Adhésion au groupe surréaliste et publication de L'ombilic des limbes essentiellement en prose et parfois en vers, agrémenté de fragments de dialogues de théâtre dans lequel, Antonin Artaud égrène en images sa douleur interne.
Véritable catharsis, l'angoisse mise en mots "pince la corde ombilicale de la vie".
Le "poète noir, un sein de pucelle te hante, poète aigri, la vie bout et la ville brûle", c'est lui, avec sa solitude d'enfant malade,ses prières de mystique, sa révolte d'homme dépossédé en quête incessante d'identité, ses troubles de schizophrène auxquels la création littéraire sert d'étayage.
"Qui suis je? D'où viens je?"
Anarchie, désordre. "Je souffre" dit il "que l'Esprit ne soit la vie et que la vie ne soit pas dans l'Esprit".
"Je ne suis rien, je serai quelque chose "affirme t il comme pour s'adresser à sa mère magnifiée.
Quête de l'existence dans la non existence. Impossible harmonie du corps et de la pensée.
Marginal, poète,peintre,metteur en scène,comédien, Antonin Artaud après avoir quitté le groupe des surréalistes "Ils aiment la vie autant que je la méprise"), aura (entre 1927 et 1939) une intense période d'activité littéraire (L'art et la mort, le moine, Héliogabale,Le théatre de la cruauté,Le théatre et son double...)
Son livre Les révélations de l'être sera publié en 1937.
Il mourra en 1948 dans un asile psychiatrique.
Triste fin pour ce poète fou mais génial qui dans La femme et l'oiseau (poème de L'ombilic des limbes écrivait:
Elle est l'horizon d'un quelque chose qui recule sans cesse.
Elle donne la sensation d'un horizon éternel.
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Antonin Artaud ou le témoignage d'un corps sans organes

En lisant Antonin Artaud, j'ai ressenti le témoignage d'un être qui a terriblement souffert de ne pouvoir s'incarner pleinement.

Le corps est très présent dans ses écrits, mais c'est un corps presque "vide", "un corps sans organes" pour reprendre l'une de ses formules ; comment dire, c'est un corps "renié" en quelque sorte.

Comme si sa chair n'avait été pour lui qu'un vague manteau enfilé sur ses épaules, et qu'un tailleur maladroit aurait fait trop grand ou trop petit.

C'est peut-être là l'un des plus grands drames de sa vie, cette quête inaccomplie pour "faire corps" avec lui-même – et c'est ce qui me touche tant dans ce que j'ai pu lire de lui.

Il écrivait d'ailleurs, et ce n'est pas anodin : « Et en guise de choix d'un corps, je dis merde à tout et je m'endors. »

Artaud n'est pas un écrivain des bas-fonds, des remugles, de la "subversion" – comme d'aucuns pourraient le croire.

Ne nous y trompons pas : quand il évoque le stercoraire, Artaud n'en fait pas l'éloge, loin de là.

Il me semble bien plus proche de Saint Augustin, qui écrivait : « Inter faeces et urinam nascimur » (« Nous naissons entre la merde et l'urine »).

Me vient l'idée que l'auteur de "L'Ombilic des Limbes", n'a jamais pu accepter certaines fonctions primaires du corps telles que le fait d'uriner, de déféquer, d'éjaculer, etc.
Et c'est d'ailleurs évident à la lumière de ses écrits.
La sexualité lui faisait horreur.

Ainsi le formule-t-il en 1947 :

« un homme vrai n'a pas de sexe / il ignore cette hideur / et ce stupéfiant péché / mais il connaît le parachèvement que l'être / par définition / ne connaîtra jamais »

Tout entier dans un certain refus d'incarnation, la vie d'Artaud fut quête de pureté.

Il le clame, de manière très précise, dans un écrit de 1947 :

« cette histoire vraie / qui est la mienne / est affreuse / c'est celle / d'un homme / qui voulut / être pur / et bon / mais / dont / personne ne voulut jamais / parce que l'homme n'a jamais pu s'accommoder d'autre chose / que de l'impureté »

Artaud a été comme "foutu" dans l'existence sans son consentement.

Serait-ce ce désir de pureté presque absolue, qui entraîna Antonin Artaud dans une chute dont sa conscience ne devait pas se relever ?
Je ne sais.

Toujours est-il que son aventure terrestre, aussi dure qu'elle fut, demeure une leçon terrible, un témoignage brûlant.

Face à une incarnation "obscène" et qui lui faisait horreur, Artaud aura tenté, toute sa vie, de se "ré-incarner" dans un être "pur".

Son expérience, indissociable de son oeuvre, est de celles qui ne peuvent s'oublier.

De cette lutte existentielle pour la pureté, nous restent des mots de feu, une poésie sans concessions ; "de la multiplicité broyée et qui rend des flammes", pour le dire avec ses mots.

Pour renaître hors de toute souillure, Artaud s'est lavé dans les flammes de son propre verbe.

© Thibault Marconnet
le 05 octobre 2013
Lien : http://le-semaphore.blogspot..
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Quand on lit ça pour la première fois on ne se dit pas que Artaud est fou, il est dure à suivre peut-être, mais il ne mérite pas pour autant un traitement à grand coup d'électrochocs dans une maison d'aliénés. Il se décrit d'une manière tellement lucide qu'on peine à croire qu'il perd l'esprit. N'est il au fond qu'un hyper lucide sur sa difficulté à être, un regard aussi exigeant sur soi ne confine-t-il pas forcément à la démence. Ses détracteurs, dont nombre de surréalistes, n'admettent certainement pas son intransigeance, son douloureux extrémisme, qui laisse loin derrière, ceux qui cherchent désespérément à faire comme lui, mais restent bien en deçà du "lyrisme absolu".
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Artaud nous livre sans le moindre complexe son vécu de « passoire ». Morcelé, tout le traverse, expérience maintes fois décrite sous divers angles. Un régal pour les curieux d'états dits limites, voir schizophrènes.
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L'ombilic des limbes, sur la forme, nous donne à voir Antonin Artaud dans ses premiers écrits ( encore innocent et lucide) qui seront, tout de même, le préambule de sa pensée futur : les affres de la vie ( et donc de la mort) et de l'être qui ronge sans cesse son esprit, qui ne demande pourtant qu'à exister ( le directeur de la NRF, Jacques Rivière, à défaut de publier les poèmes qu'Artaud lui à adressés, insiste auprès de ce dernier pour éditer leurs correspondances, vertigineuses, tant le ton est donné…).
Sur le fond, on voit bien là toute l'influence du mouvement surréaliste, de part les questions posées et la posture adoptée par Antonin Artaud.
Ce livre est marqué du sceau d'une profonde angoisse existentiel dont seule l'écriture est et sera pour l'auteur, l'unique salut.
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UN sacré "pèse l'être" !
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