Pépé le Moko est un roman qui s'inscrit dans la vague des années d'avant-guerre du roman policier français. Une étude de situation et de "moeurs" du milieu des truands, des petites gouapes, à l'argot parisien résonnant aux oreilles et mis en scène dans de nombreux films où s'illustrèrent des grands acteurs de l'époque. Pour les lecteurs moins avertis, rappelons que
Jean Gabin offre sa silhouette et son jeu à la version filmée.
L'intrigue du roman est simple : dans la casbah d'Alger,
Pépé le Moko est un truand connu qui se cache et gère les affaires criminelles, en une version locale du parrain. Sous le coup d'un mandat d'arrestation, il reste dans la casbah, où jamais la police ne se risquera à venir le déloger. Un inspecteur indigène, pour se faire bien voir de ses chefs, monte un plan pour le faire sortir de son repaire et veut le faire arrêter lorsqu'il sera "en ville". Pour ce faire, il lui tend un piège avec l'aide involontaire d'une belle femme française venue en vacances et désireuse de s'encanailler dans les quartiers chauds de la ville. Étude de caractère qui s'appuie sur des archétypes connus - une belle blonde fatale, une femme indigène, jalouse et possessive, prostituée au grand coeur, un marlou qui voit les femmes plus par leurs bijoux que leurs attraits naturels, un inspecteur rusé -, le récit est à situer entre le mélodrame français dans sa grande tradition, le roman policier qui utilise les codes (l'argot, les coups, la police qui observe et tend ses filets) et une évocation des colonies qui reste un objet de fascination et de répulsion pour les Métropolitains). Ce qui pourrait apparaitre étrange, c'est que malgré ce côté daté - la langue particulière, le côté mélo des situations (même s'il y a par exemple une évocation de la sexualité de la femme blonde qui détone par rapport aux critères de l'époque) -
Pépé le Moko a plus que "survécu" et reste, outre l'aspect historique, un roman moderne très intéressant. On se dit même que les deux autres textes auraient sans doute une valeur et qu'une réédition pourrait s'avérer utile. Au vu de la préface du petit-fils, on se dit également qu'il pourrait peut-être aussi une bonne idée d'imaginer un roman sur l'auteur, dont la vie est elle aussi très romanesque.
(Laurent GREUSARD, "K-Libre" du 18 octobre 2021.)