Citations sur Alger la Noire (55)
Je craignais qu'elle rejoigne, à son tour, le bataillon des Algérois tristes à mourir de devoir quitter leur terre, leur pays, leurs amis, leurs habitudes. Malgré ses communiqués arrogants et victorieux , l'OAS ne parvenait pas à convaincre une population qui pressentait la défaite de l'Algérie française sans pour autant s'y résoudre. L'espoir tuait les gens, pas le désespoir. Lorsqu'on était désespéré, la vie pouvait continuer parce qu'on l'acceptait telle qu'elle était. Alors que l'espoir laissait croire que les choses s'arrangeraient, et tout ce qui allait démontrer le contraire était, à chaque fois un peu plus douloureux.
A l'évidence, la guerre tuait le crime de droit commun, même si tous évitaient soigneusement d'utiliser le mot "guerre" pour lui préférer celui "d'événements"...
On a pris la Dauphine de service pour aller interroger le cordonnier d'El Biar.Au passage, on a vu la maison des Abbas qui avait été partiellement détruite. L'OAS n'avait pas traîné. Des qu'une famille, poussée par la peur, abandonnait son domicile, l,organisation secrète le plastiquait en signe de punition.
J'ai pris une douche en vitesse pour effacer les effluves de l'amour et les miasmes de la mort. puis, j'ai pioché dans l'armoire du père Thévenot une chemise propre et un veston. J'ai abandonné mes vêtements tachés de sang du fils dans la salle de bain du père. Confrontés au même problème, Irène a enfilé une robe d'Estelle qui lui donnait l'allure d'une adolescente.
Aux rituels ... On s'engueule, on baise, tu m'allumes une clope ... et je fume ... l'ordre des choses.
En politique, les chiffres, qu’ils soient des morts ou des manifestants, s’enflaient ou se vidaient à la demande.
Depuis le putsch manqué, Salan et Degueldre sont ses idoles. J'aurais préféré qu'il aime Roy Rogers et, même, qu'il nous saoule avec Elvis Presley. Au contact de la guerre, les enfants singent les adultes, ils deviennent des monstres.
- Pourquoi, dans ce pays, on jure toujours sur la tombe de son père ou la vie de sa mère?
- Parce que les mères survivent toujours aux pères...
Tout en progressant sur le sable humide et sale, j'avais la conviction que les enfants joueraient l'étonnement quand nous allions constater la disparition des corps. Ca deviendrait "Le mystère dela barque bleue". Ils s'en tireraient avec une engueulade carabinée de Choukroun, la menace d'une tannée, et une histoire légendaire à raconter à leurs copains qui les traiteraient de menteurs et de fanfarons. De mon côté, je les sermonnerais en les culpabilisant sur le temps précieux qu'ils faisaient perdre à la police. Sans en croire un mot.
Derrière la barque, les corps. Un homme nu sur une femme nue. Dans la position du missionnaire. Un missionnaire surprit en train de pêcher et foudroyé par la colère divine. D'une balle dans la tête. Un brun sur une blonde. La nuque ornée d'un trou rouge sous l'occipital, un dos à la peau mate utilisé comme un parchemin, marqué à la lame d'une plaie lisible : OAS.
Étrange lucarne
Madame Je-sais-pas-qui, elle est assise à côté de moi. Elle sourit à l’homme qui parle dans la boîte. Il est noir et gris comme une photo qui bouge et qui parle. Il est plus là. Dans cette boîte qu’on m’a apportée les gens ils vont, ils viennent sans arrêt ; ça me fatigue. C’est comme des invités qu’on n’a pas invités. Ils vous parlent comme si ils vous connaissent. Ils disent bonjour, au revoir, à bientôt. Ils sourient tout le temps. L’homme part, une femme le remplace. Elle est jolie. Elle dit : « Et maintenant le jeu que vous attendez tous le bon numéro présenté par Pierre Bellemare." Je le connais ni d’Ève ni d’Adam celui-là.
Dès fois, Je crois que c’est moi qui rentre chez les gens sans être invitée...