Je m’appelle Paco Martinez. Je suis, j’étais, je serai peut-être encore inspecteur de police, si on veut bien de moi à Marseille.
Je quitte le pays avec une valise et un cercueil. Les formules varient selon les circonstances, une conjonction peut vous changer une phrase, un coup de feu, provoquer un massacre.
Ma grand-mère m’accompagne pour son dernier voyage. Grâce à mon boulot, j’ai pu lui obtenir un billet en classe fret. Vivant, on navigue en cabine ou sur les ponts, mort, avec les marchandises dans la soute.
“La valise ou le cercueil”, disait-on vers la fin. Je n’ai pas eu à choisir.
Dans le bateau Ville d’Alger, chargé de milliers de fuyards, je suis en route pour Marseille.
L’armée régulière passait en camion ramasser les cadavres qu’elle jetait à l’arrière comme des chiens écrasés. Il restait les taches sur le trottoir. Pas de constat policier, pas de témoin, pas de rapport, juste un relevé d’identité si le gars avait ses papiers. Un sale boulot que tous faisaient salement.
L’armée régulière passait en camion ramasser les cadavres qu’elle jetait à l’arrière comme des chiens écrasés.
Mais l’OAS avait décidé que tout Arabe était un ennemi et les exécutait au couteau, au Beretta ou au pistolet-mitrailleur.
Il y avait une cinquantaine de meurtres par jour et on n’avait rien à foutre. Tous des Arabes venus s’aventurer en territoire ennemi, pour travailler, pour bouffer.
Il était trop crevé, disait-il, pour écouter de la musique chez lui et, de toute façon, sa femme préférait la radio, surtout le chanteur André Claveau.
Choukroun était le plus vieil inspecteur de Bâb-el-Oued, ça permettait certains privilèges.