Maurice Choukroun me mettait la tête comme une pastèque avec Lili Labassi, son idole de musique judéo-arabe. Malgré mes protestations, le commissaire l’avait autorisé à installer son électrophone Teppaz dans notre bureau.
Et les jours suivants, la une des journaux affichait une blancheur qui masquait maladroitement le sang des soldats morts au combat ou dans des embuscades…
Certains jours, les vols des hélicos à croix rouge avaient été incessants.
Le ballet héliporté constituait une information précieuse pour évaluer les pertes du contingent lors d’opérations dans les djebels.
Des vagues ocre s’écrasaient sur le sable désert dans un vacarme vidé des cris d’enfants, des jurons de volleyeurs, des appels du marchand de frites ou des rappels à l’ordre du maître-nageur. Sous l’abri d’une remise, sommeillaient les périssoires et quelques barques retournées. Un hélicoptère de l’armée, une Alouette, est passé au ras des vagues pour se poser plus loin sur la piste aménagée près du stade Cerdan.
Le médecin légiste nous en dirait plus si on le laissait faire son travail et si on nous autorisait à exercer le nôtre.
À moins que le crime ait été commis de nuit et découvert par les enfants au matin, par hasard.
La castration, le marquage du cadavre et la mise en scène avaient été réalisés secondairement. En plein jour. Sans témoins en dehors des enfants qui semblaient être arrivés après les meurtres et le départ du ou des assassins.
L’homme avait, sans doute, été exécuté pendant le rapport sexuel et par surprise, la femme ensuite.
La femme, masquée jusqu’alors par le corps robuste de son amant, nous est apparue. Elle était splendide, mais ce n’était pas une femme, une jeune fille de vingt ans tout au plus, les seins déjà lourds, des hanches larges, la toison pubienne d’un blond sombre entachée du sang coagulé de son partenaire. Ses yeux bleus ouverts et vides étaient figés dans un étonnement ineffable. Sous le sein gauche, un trou noir donnait l’illusion d’un mamelon surnuméraire.