Après l'humour viking de Dagsson précédemment, dirigé contre la moraline démocratique, qui semble fondre au même rythme que cette chère banquise, voici un exemplaire de l'humour anticommuniste de
Daniil Harms, illustré par
Gérald Auclin.
On pourra trouver
Harms beaucoup plus subtil que Dagsson. Mon opinion est que la différence tient au type de censure que ces deux esprits satiriques affrontent. En Union soviétique, ironiser sur la société et les projets de réformes grotesques du socialisme était passible du goulag.
Daniil Harms, arrêté par le NKVD en 1941, n'échappa à la condamnation à mort qu'en simulant la folie.
Tandis qu'en démocratie on peut tout dire… à condition de trouver un financement. Et d'avoir des choses à dire, qui dépassent le niveau de l'indignation policée de
Stéphane Hessel, ou les
chroniques de Jérusalem pasteurisées de
Guy Delisle.
C'est l'histoire du dessinateur
Ted Rall, qui a plein de choses à dire dérangeantes sur l'Afghanistan, mais qui, pratiquement, est empêché de s'y rendre, vu les frais exorbitants de ce genre d'expédition, comparée à un safari au Kenya.
La 4e de couverture présente
Harms comme un écrivain pour enfants pédophobe. Ils devraient tous l'être ! Ainsi que les instituteurs. La pédagogie est une science suffisamment trouble pour qu'on ne l'éclaircisse pas avec une bonne dose de pédophobie. En l'occurrence, l'éditeur nous rappelle que
Harms n'aimait pas les enfants, mais qu'il fut condamné à écrire pour eux. « Exterminer les enfants est cruel. Mais il faut bien faire quelque chose contre eux. », dixit
Harms.
On est loin du défi extraordinaire de
Shakespeare, ou même
Molière, à la puissance publique.
Harms se contente de rappeler, un peu à la manière d'
Alphonse Allais, que la vie est absurde ; par conséquent le socialisme, qui entend lui donner une direction précise, ne peut que renforcer la férocité de cette « usine de lames de rasoir », comme dit Allais pour parler de la vie.
« Les vieilles qui tombent » est mon préféré dans ce recueil : «Par excès de curiosité, une vieille bascula par la fenêtre, tomba et se tua. Une autre vieille se pencha pour regarder celle qui s'était tuée, mais sa curiosité la fit elle aussi basculer, elle tomba et se tua. Puis une troisième vieille bascula par la fenêtre, puis une quatrième, puis une cinquième. Quand la sixième fut tombée, j'en eus assez et partis au marché Maltsevski où on avait offert un châle à un aveugle. C'est tout.» Et encore cet aphorisme intercalaire : "Ce serait bien de prendre au lasso les vieilles qui portent en elles des pensées raisonnables."
D'ailleurs
Harms charrie : le socialisme est un truc de vieille, bien plus qu'un truc de gosse. Je n'ai jamais connu un seul gosse qui soit socialiste. le socialisme est encore plus chiant que la messe orthodoxe ou les films de Godard !
Les illustrations de
Gérald Auclin, découpées dans le papier, insistent sur le côté géométrique totalitaire et oppressant, avec tous ces angles. de fait, dans le monde totalitaire, l'homme ressemble de plus en plus à une oeuvre d'art numérique, et les rapports humains sont de plus en plus facilement transposables en équations ou en inégalités.
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