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Citations sur Le Voyage des morts (22)

A la nuit, je le vis sur les pentes écarlates. Il entra dans une petite vallée, elle avait la douceur des premiers soirs du monde. J'allai sur les sentiers, mon revolver à la ceinture. Ses pas au loin me guidaient vers lui; puis ce fut le silence, le merveilleux silence au crépuscule du soir. Il m'attendait sur le sable. Il me semblait l'avoir toujours connu, il était mon âme venue du plus loin passé, il avait une odeur et de chir et de thym, ses lèvres étaient fraîches.
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Etais-je sans morale? Journal. Mais davantage ! : essai, au sens extrême du mot. Effort très moderne, très français par son goût du réel, par son plaisir évident à faire coïncider la perfection technique avec la lucidité. Nouveau regard sur la vie.
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Elle dit oui, me souriant. Je la désirai après qu'elle eut connu mon camarade. Je pensai qu'il était beau, noble, que les garçons s'aiment entre eux, souhaitable qu'ils aillent aussi avec les filles. Le hasard me donnait la même jeune femme que le garçon que j'aimais.
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Une bête mourait dans une étable. J'allumai une lampe qui éclaira faiblement les murs lavés au grésil. Je pris la bête dans mes bras et me couchai près d'elle. Les yeux grands ouverts elle tremblait, ne luttant plus contre la mort et s'abandonnait avec une sorte de ravissement au sommeil inconnu qui ne l'effrayait pas. Depuis deux jours, elle n'avait rien mangé, n'en souffrant pas. La fièvre la nourrissait. Une colique sanglante maculait son arrière-train. Elle bêla, ferma les yeux: pas un cri de douleur, un cri d'appel. Je la berçais. Elle vomit dans mes mains, je la savais condamnée. Son cœur battait à coups rapides: le bruit même de la vie. Qu'avait-elle connu de la vie, cette brebis née en décembre ! Je chantai doucement, pour elle. Elle ne bougea plus. Avait-elle passé ? La vie reprit dans son corps chaud, mais faiblement, comme soutenue par ma présence; il me semblait mourir moi-même.
Elle mourut à six heures du soir, ses yeux grands ouverts.
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Avant de prendre la mer, je passai devant la librairie où un Noir très jeune, un veilleur de nuit, lisait. Il avait un beau visage intelligent, il leva les yeux sans me voir, j'étais dans l'ombre d'un passage voûté, à l'entrée d'un hall pour les camions et les cars. Que lisait-il ? Son visage semblait le vivant symbole de la méditation, il y avait en lui de la santé, il était noble, humain. Enfin l'histoire de la pensée échappait à l'Occident. Les vagues écumaient sur la plage, un soir, au début des temps modernes.

Dans la vitrine: des revues, des livres, des reproductions en couleurs, tous les signes de l'esprit humain retrouvés dans les nécropoles. Près de la nuit étoilée, l'art de Paris - cet infâme abâtardissement de tous les styles - ne tenait pas vraiment devant les vrais visages des dieux; un fétiche est infiniment plus émouvant qu'un Picasso, l'un a une âme, l'autre n'en a pas; l'un relève d'une profonde méditation, l'autre d'un jeu rapide, inadmissible; qu'on ait permis à cet ouvrier de Barcelone de toucher à tous les arts sauvages sans rien y comprendre, n'est pas précisément à la gloire de l'Europe; enfin, les dieux rencontraient au bord de l'océan des regards aussi purs que les miens et reprenaient avec les hommes un dialogue interrompu entre les mains de l'Occident.
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Un homme avait bâti sa vie et jusqu'à son érotisme face au ciel nocturne; dans une retraite, sans femme, sans autre passion que l'astronomie, il avait construit un lieu au monde ouvert sur le ciel. Qu'un tel homme existât me semblait d'un intérêt très supérieur à celui de mes livres.
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C'était le souffle de sa vie que je désirais. Les garçons ne cherchent pas la langue; lèvres closes nous bûmes notre haleine. Nos mains allèrent jusqu'à nos hanches grasses, dures. Sous les couvertures, les yeux fermés, je l'aimai de toutes mes forces.
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La peur de la mort donnait un style à notre amour. Ses beaux yeux aux prunelles blanches me regardaient bien en face. Tout en lui me plaisait : sa pudeur dans l'amitié, son silence. Je pris sa main ; nos doigts unis sur la terre un peu ocre, j'embrassai son visage demi-obscur dans la nuit transparente. Sous l'étoffe, je devinais une épaule tendre et chaude, un cœur jeune et pur ; j'étais frappé de la beauté ses traits. J'éprouvais pour lui des sentiments venus du plus lointain passé, nos mœurs dataient des premiers soirs du Monde, je n'aurais pas couché avec mon frère avec plus de respect, il était l'image la plus belle que j'avais conçu de l'amour.
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Je pris un fusil, des cartouches, et partis vers l'Est. Le désert était sombre, silencieux : un silence absolu sauf le bruit de mes pas sur le sable. Rien n'égale la douceur de la fin de la nuit, l'air est frais, les odeurs fines ; rien n'annonce le jour, sauf justement cette douceur et cette joie de vivre, c'est l'heure où l'esprit de l'homme est le plus libre ; on est fort, on est faible, à trois heures du matin, l'été, sur les sentiers, dans le chaos des rocs.
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Dans les champs de blé vert, près de grands arbres et du cri des insectes, quand je croyais l'atteindre, d'autres cris, ailleurs, me gênaient à l'écoute de cette splendeur sonore. La nuit était belle. Je rentrai dans la bibliothèque avec une telle joie de vivre - une telle apparition de la joie au cœur de l'aventure humaine - que c'est l'esprit très libre que je continuai d'écrire sous sa dictée.

Voix, volupté dans les marges de l'aventure scientifique. A la lueur violente de ma vie, l'effort désespéré de l'Occident qui veut peindre encore m'exaspérait. Il y a longtemps que la peinture est morte ; mais qui ose le dire ? La découverte que je faisais de l'espace et de la force des mots coïncidait avec la mort des arts; l'Occident n'aura pas impunément ouvert les tombes; l'art moderne achevé, apparaît enfin cette évidence : nous sommes autres que les hommes qui ont sculpté et peint. A chaque époque sa sépulture.

Tout grand art est un art des tombeaux. Cette dictée dans la nuit m'exaltait; les voix - celle de mon oncle et le cri des insectes qui nous parvenaient - graves et terribles approbations, ne cessaient pas d'accompagner sourdement l'hymne de ma joie; des forgerons aveugles battaient mon âme dans la nuit.
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