François Augieras - encore un des 53 Désemparés de
Patrice Delbourg - est ce jeune poète abusé sexuellement par un oncle colonel en Algérie alors qu'il n'a pas 20 ans.
Dans le désert algérien, il découvre une sensualité faite de soumission et de révolte, la magie des nuits sahariennes sur les toits d'un bordj algérien, une homosexualité revendiquée , le paganisme innocent d'une religion quasi panthéiste et ...la libération souveraine de l'écriture!
Dans de petits carnets de papier coloré -un ocre, un bleu, un rose- , il récite, comme une prière incantatoire, cette étonnante initiation où l'esclavage est brisé par l'alchimie libératoire de l'écriture. Il envoie ces petits carnets par la poste et les publie , d'abord à compte d'auteur, sous le pseudonyme d'
Abdallah Chaamba. Les éditions de Minuit reprendront en un volume les trois brochures. La quatrième édition, cette fois signée
François Augieras et préfacée par lui, paraît en 1963. En 1971, épuisé moralement et physiquement,
François Augieras meurt, à 46 ans , dans la grotte de Domme, en Perigord , où il s'est retiré pour peindre, écrire et méditer loin du bruit et de la fureur des hommes.
Le vieillard et l'enfant est donc un récit initiatique -et non le récit quasi autobiographique d'une adolescence marquée du sceau de l'inceste, du viol et de l'emprise sexuelle. Voyeurs, passez votre chemin...
Le vieillard et l'enfant est un long poème, qu'on ne se lasse pas de relire, un bréviaire d'un genre assez iconoclaste dont les 80 pages se glissent dans la poche et se relisent avec le même délice....
On pense aux
Illuminations de
Rimbaud, version nocturne, car les nuits sahariennes semblent, beaucoup plus que les journées d'écrasante chaleur , la clé de voûte de chaque page, le point d'orgue de chaque cantate.
On pense au Nathanaël gidien, qui aurait ravi la parole au vieil
André Gide, et lui aurait rivé son clou, préférant aux Nourritures terrestres elliptiques et prudentes de son vieux mentor la proclamation triomphante d'une sensualité assumée, juvénile et incroyablement mature dans sa forme et son langage .
Gide ,d'ailleurs, l' apprecia beaucoup .
Peut-être jalousa-t-il secrètement la fraîcheur jaillissante, la musique envoûtante de ces petits carnets d'un Nathanaël vengeur et sauvageon...
Une pépite, une gemme!
Je vais me précipiter sur les autres livres de François
Augieras et sur ce qui a subsisté de son oeuvre peint...Le peu entrevu sur internet m'a laissée admirative...