J'ignore si c'est très convenable, mais il est certain que nombre de sottises perdent de leur importance quand ce sont des gens intelligents qui les commettent, sans se soucier du qu'en-dira-t-on. La méchanceté reste toujours de la méchanceté, mais il n'en va pas de même avec l'extravagance. Tout dépend de la personne qui en use.
Des sentiments de sympathie s’éveillèrent tardivement pour la défunte. Mme Churchill se trouvait du reste réhabilitée à un certain point de vue ; elle avait passé toute sa vie pour une malade imaginaire, mais l’événement s’était chargé de la justifier. Les diverses oraisons funèbres s’inspiraient du même thème.
Pauvre Mme Churchill ! Elle avait sans doute beaucoup souffert et la souffrance continuelle aigrit le caractère. Que deviendrait M. Churchill sans elle ? Malgré les défauts de sa femme, ce serait pour lui une grande perte.
M. Knightley, toujours si plein d'attention pour tout le monde, ne méritait jamais d'être moins admiré ; d'autre part, il eût été téméraire d'espérer qu'Henriette elle-même fût capable de tomber amoureuse de plus de trois hommes dans une année.
Belle, intelligente et riche, jouissant d'une confortable demeure et d'un heureux caractère, Emma Woodhouse semblait dotée des plus précieux avantages de l'existence : et depuis près de vingt et un ans qu'elle était sur cette terre, elle n'avait guère connu le chagrin ou la contrariété. Fille cadette d'un père excessivement affectueux et indulgent, elle avait très tôt tenu le rôle de maîtresse de maison, du fait du mariage de sa sœur. Sa mère était morte depuis trop longtemps pour qu'Emma pût conserver de ses caresses autre chose qu'un vague souvenir, et à Mrs. Woodhouse s'était substituée la gouvernant, une excellente femme dont l'affection était quasiment celle d'une mère.
Non, Emma, votre jeune homme ne peut paraître aimable qu’à des Français, non à des Anglais. Il peut être très agréable, avoir d’excellentes manières, mais il n’a pas la délicatesse des Anglais envers les sentiments d’autrui ; il n’y a rien d’aimable chez lui.
La journée fut longue et mélancolique à Hartfield . Le temps ajoutait encore à la tristesse : la pluie ne cessait de tomber et on ne se serait pas cru au mois de juillet si les arbres et les buissons n'avaient rendu témoignage à l'été ; la longueur du jour semblait ajouter encore , par un interminable crépuscule , à la tristesse de ce désolant spectacle .
Il avait à la fois conquis la proie et l'ombre : l'argent et l'amour !
En attendant, Emma ne pouvait pas se dispenser d'inviter les Elton à dîner à Hartfield. Il n'était pas question d'en faire moins que les autres, sous peine d'éveiller d'odieux soupçons et de se voir prêter des sentiments de rancune tout à fait méprisables.
Aussi, quand elle aperçut une vieille femme soignée revenant de faire ses courses avec un panier bien rempli, deux chiens se disputant un os et une ribambelle d'enfants pieds nus, agglutinés à la petite devanture du boulanger pour admirer les pains d'épice, elle se dit qu'elle n'avait pas de raison de se plaindre.
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Rien, se dit-elle plus tard, rien ne vaut la tendresse du cœur. Rien ne lui est comparable. La lucidité de l'esprit n'a pas le moindre charme, comparée à la tendresse, à l'affection, et à la sincérité des sentiments. C'est une certitude.