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Citations sur Le Confort intellectuel (21)

Page 117 :
Autrefois, l’art était tout bonnement une façon de faire. Il y a un peu plus de trois cents ans que le mot a commencé à se draper dans un brouillard majestueux et par la suite, il s’est tellement sublimé qu’il est devenu je ne sais quelle angoisse cosmique. quel infini indivisible dont le principe imprégnerait certaines créations de l’homme. Tout ça me paraît fleurer la mysticité et ressemble fort à une invention de cuistres laïques en mal de religion. L’Art majuscule, prétexte à com­bien de doctrines, théories, invocations, prédica­tions, et qui a ses rites et ses augures, je lui trouve un air de famille avec le Bon Dieu. Et quant à l’art sans majuscule, quant à ce participe divin dont les initiés éprouvent si vivement la présence dans un poème ou dans un tableau, ne vous semble-t-il pas qu’il est au chef-d’œuvre ce qu’est l’âme à la chair d’un chrétien? Je vous dis que ce ne sont pas là des façons claires de parler. Quand on parle de l’Art, tout le monde se comprend et personne ne sait au juste de quoi il s’agit. Voilà bien le pire danger. Se comprendre à demi-mot entre initiés tout en ne comprenant rien, c’est, je crois, le véritable mal du siècle — un mal qui n’est peut-être pas particulier à la bourgeoisie, mais dont elle est tout de même seule à crever.
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On devrait pouvoir dire à propos de la littérature ce que la déclaration des droits a dit de la liberté de l'individu. Quoi de plus simple et plus logique ?
"La liberté de la littérature finit où commence celle des autres activités humaines."
- Ce serait une définition bien vague, dis-je. Si la littérature devait s'insérer entre les autres activités humaines, j'ai idée qu'elle serait plutôt à l'étroit. Son rôle deviendrait bien effacé.
- Pourquoi donc ? Elle serait l'huile qui graisserait les rouages de la machine sociale. Elle aurait là un rôle plus estimable, du reste beaucoup plus difficile à tenir, que celui de la nébuleuse divinité qu'elle s'est assignée depuis cent cinquante ans. Il y faudrait au moins autant de talent et de génie et, à coup sûr un sens plus profond et plus complet de l'humain..
Je crois aussi que l'art n'aurait rien à y perdre. Mais je vous concède que ma définition n'est pas tout à fait au point. Disons plutôt : "la liberté de la littérature finit où commence celle des autres activités de l'esprit." Voilà qui n'est pas mal...
(extrait du chapitre VII)
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Pourquoi diable, dans leurs assemblages invertébrés et insignifiants, croient-ils devoir supprimer les points et souvent jusqu'aux majuscules qui pourraient imposer à l'esprit du lecteur l'idée de pause, de respiration ? Ne savent-ils donc pas que la musique est d'abord ponctuation ? 
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Mais les riches sont souvent insatiables. Il ne leur suffit pas d'être installés dans leurs abus et d'en jouir avec lucidité. Il leur faut encore le frisson du pauvre. C'est un luxe qui finit par leur coûter cher et, en premier lieu, leur confort intellectuel. 
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Dans mon milieu, on ne juge plus guère un individu sur ses capacités professionnelles, sur ses talents d'organisateur ou sur ses vertus familiales, mais sur des nuances de son tempérament, des aptitudes mineures et exquises, des préférences artistiques. On le classera avantageusement parmi ses pairs s'il a en tête quelque marotte littéraire, si on lui connaît des goûts délicats, un peu maladifs ou mieux encore, dans la manière de vivre et de se comporter, quelque dépravation curieuse ou dégoûtante.
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"Pourquoi diable, dans leurs assemblages invertébrés et insignifiants, croient-ils devoir supprimer les points et souvent jusqu'aux majuscules qui pourraient imposer à l'esprit du lecteur l'idée de pause, de respiration ? Ne savent-ils donc pas que la musique est d'abord ponctuation ? "
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"Baudelaire est le plus nocif et le plus contagieux de nos poètes, celui dont l'art nous aura préparés à comprendre la poésie d'un docteur Petiot. Ne vous étonnez donc pas si j'exècre l'homme qui aura le plus contribué à ruiner notre confort intellectuel."
"Il réunit en lui, poussées à l'extrême, toutes les caractéristiques du romantisme: le flou, le mou, le ténébreux, le narcissisme, les infinis faciles. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir un petit fumet assez personnel de viande décomposée et de savonnette.
Romantique, il l'est au maximum, mais avec une certaine hypocrisie et c'est précisément de quoi je lui en veux. Son flou, son mou et ses ténèbres et toutes les conquêtes faciles de ses aînés, il nous les présente sous un uniforme classique, comme militairement ajusté et tellement sanglé et avec tant de sacerdotale gravité que le lecteur n'y voit que du feu et les critiques que profondeur."
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Quand vous y aurez soigneusement réfléchi, vous vous demanderez peut-être si le romantisme d'un homme intelligent et sensible n'est pas préférable au bon sens d'un confortable et prudhommesque imbécile et si la bourgeoisie aurait tellement à gagner en échangeant son cheval borgne, mais tout de même assez fringant contre une vieille carne aveugle.
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- [...] Le fait qu'une oeuvre d'art n'ait pas autant d'emprise sur ses contemporains qu'en peut avoir une ânerie ne prouve rien du tout. L'oeuvre d'art et d'abord quelque chose en soi.
- Point de vue d'écrivain. Le mien est celui du consommateur. Su rla recommandation de la critique, j'achète des livres pour les lire. Ce n'est pas que j'y prenne plaisir, puisque, comme je vous l'ai dit, je les trouve d'une qualité détestable, mais je crois devoir les lire afin de mieux connaître le cerveau et les nerfs de mon pays. Or, vous m'affirmez, vous écrivain, que cette littérature de choix a une importance conventionnelle et beaucoup moindre que celle des littératures à grosse consommation. S'il en est ainsi, je me demande pourquoi je continuerai à dépenser mon bel argent et à m'abreuver de sornettes qui n'ont même plus, depuis beau temps, le mérite de la nouveauté.
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[ ... ] Quand vous y aurez soigneusement réfléchi, vous vous demanderez peut-être si le romantisme d'un homme intelligent et sensible n'est pas préférable au bon sens.d'un confortable et prudhommesque imbécile et si la bourgeoisie aurait tellement à gagner en échangeant son cheval borgne mais tout de même assez fringant, contre une vieille carne aveugle.

pp. 173-4
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