« En retard comme d'habitude… ». le Lapin Blanc qui court toute la journée dans le conte d'
Alice au Pays des Merveilles, on se le représente avec une montre à gousset et une veste en tweed. Mais a-t-on un jour imaginé sa famille ?
Dans son journal,
Madame le Lapin Blanc se confie… car elle est un peu la Lynette de « Desperate Housewives », une mère de famille qui a enfoui ses rêves pour s'occuper de ses enfants et gérer une maisonnée hyperactive. Elle aurait aimé écrire des histoires, elle ne fait que raconter son quotidien dans son journal.
Six enfants. Il y a l'aînée Béatrix, une adolescente anorexique qui se voit plus tard mannequin (qu'elle était mignonne quand elle voulait être pompière, scaphandrière, trapéziste… la belle époque !), les jumeaux Gilbert et George, complices en tout et si sages dans leurs bêtises (hum…), Betty qui rentre à l'école dans la classe de Madame Lelièvre (elle y va en reculant), Eliot l'avant-dernier qui se plaît à être encore le petit (tout en étant curieux des choses des « grands »), et la benjamine, le bébé Emily qui a un joli timbre de pleurs (faut bien qu'elle se fasse entendre !!!).
Six enfants et un mari toujours absent, dévoué aux affaires du royaume. Ah ! j'oubliais le chat du Cheshire (un chat transparent) qui s'est invité un jour pour ne plus partir, et une étrange fille, Alice, qui grandit et se ratatine sans manière.
Six enfants, un mari toujours absent, un chat du Cheschire, Alice et… la vaisselle, le repassage, l'aspirateur, la cuisine…
Madame le Lapin Blanc est bien occupée, un peu triste, fatiguée, et si seulement le Lapin Blanc voulait bien de temps en temps lui accorder un peu de son attention…
Tout au long des confidences, on désire tirer les oreilles de Lapin Blanc, mais l'histoire a une belle fin, tendre, amoureuse, et c'est avec le sourire qu'on retourne à la première page car une lecture ne suffit pas ! L'histoire et sa morale sont dans tous les petits détails.
Il faut relire et s'attarder avec plus de concentration sur les illustrations. Des dessins très expressifs (les regards ahuris sont tordants !), fins, intelligents, riches, avec un humour éloquent parfois piquant et fantaisiste, comme quand Madame essaie d'attirer l'attention de Monsieur. L'auteur apporte au XIXème victorien notre modernité et cet anachronisme a de quoi faire sourire. On découvre dans ce deuxième temps des petits clins d'oeil comme un livre de
Beatrix Potter ouvert sur
Pierre Lapin, une photo de mariage où Madame Lapin Blanc regarde son mari avec un regard langoureux lorsque celui-ci regarde… sa montre, on s'arrête sur les « 100 façons d'accommoder les carottes » (donuts, entremet, pièce montée…), on admire la double page qui représente la classe de Madame Lelièvre, une classe qui nous plonge dans l'univers d'
Alice au Pays des Merveilles et dont le personnage mis à l'honneur dans un cadre n'est pas
Lewis Caroll mais
John Tenniel, l'illustrateur du conte… On frémit d'indignation pour ce malotru Lapin Blanc, on soupire d'exaspération avec Madame… on compatit… on pense que la répartition des tâches dans une maison, c'est aussi pour les lapins… militons !… et on souhaite que toutes les copines puissent voir cet album !
Petite (même grande), je n'ai jamais pu apprécier le personnage d'Alice mais j'ai toujours eu une affection pour ce lapin si désordonné, toujours en retard. Désormais, il partagera cette estime avec sa famille.
Un auteur à noter, un livre à conseiller ++
Primé au salon jeunesse de Montreuil en 2012.