Un petit livre pas facile à classer. Normal, il s'agit d'une compilation d'articles écrits pour différentes revues tout au long de la décennie 80. Au moment donc où l'insouciance et la confiance des trente glorieuses sombrent dans les duretés du libéralisme.
Une petite partie du livre est consacrée à une visite impressionniste de quelques villes: Salzbourg, Sienne, ou Lisbonne. Chacune illustre une déambulation dans un monde préservé, une sorte de négation du temps, et pourtant bien vivant.
Mais ce que j'ai trouvé de plus intéressant dans les propos de l'auteur concerne ses tentatives imparfaites, comme il le reconnaît lui-même, d'analyser ce qui fait l'essence d'une ville, ce qui fait que l'on s'y sent bien ou pas. L'échec des grands ensembles par exemple, ces machins conçus pendant les années fastes, délibérément construits à l'écart, pour parquer des habitants destinés à travailler ailleurs et, s'ils voulaient se distraire, à gagner le centre de Paris, ville-musée ainsi préservée.
Il convient ici de réfléchir à ce qu'est vraiment la ville: où est le Paris véritable? Provocateur, il soutient qu'ici, la vraie ville, est constituée par la banlieue. Après tout, ne concentre-t'elle pas 80% des "parisiens"? Et même si Paris intra-muros présente une façade homogène, une rupture très marquée avec ses banlieues avec la saignée du périph', Neuilly ou Boulogne lui ressemblent beaucoup, alors que certains arrondissements plus populaires, seraient tout à fait à leur place à Montreuil ou à Arcueil...
Mais la banlieue n'a pas de visage uniforme. Saint Denis par exemple peut être qualifiée de ville, Aubervilliers beaucoup moins, et Sarcelles pas du tout.
La question des frontières, de la répartition des fonctions (dormir, travailler, se divertir) entre ville-centre, banlieues, et zones périphériques, devrait être au centre de l'aménagement urbain. Cette frontière est de plus en plus floue, au point que l'on arrivera peut-être un jour à ce cauchemar: le monde réduite à une ville unique.
En attendant, on a droit à des projets mégalos de type NEOM en Arabie Saoudite, ou alors, le metaverse qui nous permettra d'habiter virtuellement n'importe où, sans avoir besoin de sortir de nos petites boîtes standardisées?
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Il ne s'agirait pas de dresser le portrait d'une ville idéale, sorte de panacée propre à assurer indistinctement le bonheur, mais il faudrait, au contraire, dresser, point par point, le paysage entier des manques. Absence de rues, absence de places, absence de marchés, d'échoppes et de boutiques, absence de proximité (échangée contre la promiscuité), absence de cafés, de restaurants, absence de passages, absence de jardins, et aussi absence souvent tragique de services (et ceci, jusqu'à l'absence de l'élémentaire dans les villes du tiers-monde), absence, en un mot, de tous ces petits points de focalisation, de rassemblement, par lesquels une communauté peut se percevoir, et donner au hasard qui l'a assemblée une raison d'être.
Lecture de Jean-Christophe Bailly : une création originale à partir d'une série de créations littéraires originales inspirées par les collections de la BIS.
Ce cycle est proposé par la Maison des écrivains et de la littérature (Mel) en partenariat avec la BIS. Un mois avant la restitution, l'écrivain est invité à choisir un élément dans les fonds de la BIS. Lors de la rencontre publique, « le livre en question » est dévoilé. Saison 4 : Chaque saison donne lieu à la publication d'un livre aux éditions de la Sorbonne "Des écrivains à la bibliothèque de la Sorbonne", saison 1 : Pierre Bergounioux, Marianne Alphant, Arlette Farge et Eugène Durif paru en septembre 2018. Saison 2 : Jacques Rebotier, Marie Cosnay, Claudine Galea et Fanny Taillandier, à paraître septembre 2019. Saison 3 : Christian Prigent, Hubert Haddad, Laure Murat, Mona Ozouf
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