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Citations sur Autre Étude de Femme (13)

Ces fleurs de Paris éclosent par un temps oriental, parfument les promenades, et, passé cinq heures, se replient comme les belles-de-jour. Les femmes que vous verrez plus tard ayant un peu de leur air, essayant de les singer, sont des femmes comme il en faut ; tandis que la belle inconnue, votre Béatrix de la journée, est la femme comme il faut. Il n’est pas facile pour les étrangers, cher comte, de reconnaître les différences auxquelles les observateurs émérites les distinguent, tant la femme est comédienne, mais elles crèvent les yeux aux Parisiens : c’est des agrafes mal cachées, des cordons qui montrent leur lacis d’un blanc roux au dos de la robe par une fente entrebâillée, des souliers éraillés, des rubans de chapeau repassés, une robe trop bouffante, une tournure trop gommée. Vous remarquerez une sorte d’effort dans l’abaissement prémédité de la paupière. Il y a de la convention dans la pose. Quant à la bourgeoise, il est impossible de la confondre avec la femme comme il faut ; elle la fait admirablement ressortir, elle explique le charme que vous a jeté votre inconnue. La bourgeoise est affairée, sort par tous les temps, trotte, va, vient, regarde, ne sait pas si elle entrera, si elle n’entrera pas dans un magasin. Là où la femme comme il faut sait bien ce qu’elle veut et ce qu’elle fait, la bourgeoise est indécise, retrousse sa robe pour passer un ruisseau, traîne avec elle un enfant qui l’oblige à guetter les voitures ; elle est mère en public, et cause avec sa fille ; elle a de l’argent dans son cabas et des bas à jour aux pieds ; en hiver, elle a un boa par-dessus une pèlerine en fourrure, un châle et une écharpe en été : la bourgeoise entend admirablement les pléonasmes de toilette.
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Entre tous, l'hôtel de madame d'Espard, célèbre d'ailleurs à Paris, est le dernier asile où se soit réfugié l'esprit français d'autrefois, avec sa profondeur cachée, ses mille détours et sa politesse exquise. Là vous observerez encore de la grâce dans les manières malgré les conventions de la politesse, de l'abandon dans la causerie malgré la réserve naturelle aux gens comme il faut, et surtout de la générosité dans les idées. Là, nul ne pense à garder sa pensée pour un drame ; et, dans un récit, personne ne voit un livre à faire. Enfin le hideux squelette d'une littérature aux abois ne se dresse point, à propos d'une saillie heureuse ou d'un sujet intéressant.

[…]

Ne fallait-il pas ce préambule pour vous initier aux charmes du récit confidentiel par lequel un homme célèbre, mort depuis, a peint l'innocent jésuitisme de la femme avec cette finesse particulière aux gens qui ont vu beaucoup de choses et qui fait des hommes d'état de délicieux conteurs, lorsque, comme les princes de Talleyrand et de Metternich, ils daignent conter.
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Un seul mensonge détruit cette confiance absolue qui, pour certaines âmes, est le fond même de l'amour. Pour vous exprimer ce qui se fit en moi dans ce moment, il faudrait admettre que nous avons un être intérieur dont le nous visible est le fourreau, que cet être, brillant comme une lumière, est délicat comme une ombre... Eh ! bien, ce beau moi fut alors vêtu pour toujours d'un crêpe. Oui, je sentis une main froide et décharnée me passer le suaire de l'expérience, m'imposer le deuil éternel que met en notre âme une première trahison.

[…]

Il y a toujours un fameux singe dans la plus jolie et la plus angélique des femmes ! À ce mot, toutes les femmes baissèrent les yeux comme blessées par cette cruelle vérité, si cruellement formulée.

[…]

Guéri de mon rhume et de l'amour pur, absolu, divin, je me laissai aller à une aventure dont l'héroïne était charmante, et d'un genre de beauté tout opposé à celui de mon ange trompeur. Je me gardai bien de rompre avec cette femme si forte et si bonne comédienne, car je ne sais pas si le véritable amour donne d'aussi gracieuses jouissances qu'en prodigue une si savante tromperie.

[…]

Elle me dit tout ce que j'avais le droit de lui dire avec une simplicité d'effronterie, avec une témérité naïve qui certes eussent cloué sur place un autre homme que moi.
— Qu'allons-nous être, pauvres femmes, dans la société que nous fait la Charte de Louis XVIII ! ... (Jugez jusqu'où l'avait entraînée sa phraséologie.)
— Oui, nous sommes nées pour souffrir. En fait de passion, nous sommes toujours au-dessus et vous au-dessous de la loyauté. Vous n'avez rien d'honnête au coeur. Pour vous l'amour est un jeu où vous trichez toujours.
— Chère, lui dis-je, prendre quelque chose au sérieux dans la société actuelle, ce serait filer le parfait amour avec une actrice.
— Quelle infâme trahison ! Elle a été raisonnée...
— Non, raisonnable.
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Depuis cinquante ans bientôt nous assistons à la ruine continue de toutes les distinctions sociales, nous aurions dû sauver les femmes de ce grand naufrage, mais le Code civil a passé sur leurs têtes le niveau de ses articles.
Quelque terribles que soient ces paroles, disons-les : les duchesses s'en vont, et les marquises aussi ! Quant aux baronnes, j'en demande pardon à madame de Nucingen, qui se fera comtesse quand son mari deviendra pair de France, les baronnes n'ont jamais pu se faire prendre au sérieux.

[…]

— Les comtesses resteront, reprit de Marsay. Une femme élégante sera plus ou moins comtesse, comtesse de l'empire ou d'hier, comtesse de vieille roche, ou, comme on dit en italien, comtesse de politesse. Mais quant à la grande dame, elle est morte avec l'entourage grandiose du dernier siècle, avec la poudre, les mouches, les mules à talons, les corsets busqués ornés d'un delta de noeuds en rubans. Les duchesses aujourd'hui passent par les portes sans qu'il soit besoin de les faire élargir pour leurs paniers. Enfin, l'Empire a vu les dernières robes à queue ! Je suis encore à comprendre comment le souverain qui voulait faire balayer sa cour par le satin ou le velours des robes ducales n'a pas établi pour certaines familles le droit d'aînesse par d'indestructibles lois. Napoléon n'a pas deviné les effets de ce Code qui le rendait si fier. Cet homme, en créant ses duchesses, engendrait nos femmes comme il faut d'aujourd'hui, le produit médiat de sa législation.

[…]

Notre époque n'a plus ces belles fleurs féminines qui ont orné les grands siècles de la Monarchie française. L'éventail de la grande dame est brisé. La femme n'a plus à rougir, à médire, à chuchoter, à se cacher, à se montrer. L'éventail ne sert plus qu'à s'éventer. Quand une chose n'est plus que ce qu'elle est, elle est trop utile pour appartenir au luxe.
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— La Presse a hérité de la Femme, s'écria le marquis de Vandenesse. La femme n'a plus le mérite du feuilleton parlé, des délicieuses médisances ornées de beau langage. Nous lisons des feuilletons écrits dans un patois qui change tous les trois ans, de petits journaux plaisants comme des croque-morts, et légers comme le plomb de leurs caractères. Les conversations françaises se font en iroquois révolutionnaire d'un bout à l'autre de la France par de longues colonnes imprimées dans des hôtels où grince une presse à la place des cercles élégants qui y brillaient jadis.

[…]

Nous ne verrons plus de grandes dames en France, mais il y aura pendant longtemps des femmes comme il faut, envoyées par l'opinion publique dans une haute chambre féminine, et qui seront pour le beau sexe ce qu'est le gentleman en Angleterre.

[…]

L'esprit de cette femme est le triomphe d'un art tout plastique, reprit Blondet. Vous ne saurez pas ce qu'elle a dit, mais vous serez charmé. Elle aura hoché la tête, ou gentiment haussé ses blanches épaules, elle aura doré une phrase insignifiante par le sourire d'une petite moue charmante, ou a mis l'épigramme de Voltaire dans un hein ! Dans un ah ! Dans un et donc ! Un air de tête sera la plus active interrogation ; elle donnera de la signification au mouvement par lequel elle fait danser une cassolette attachée à son doigt par un anneau. C'est des grandeurs artificielles obtenues par des petitesses superlatives : elle a fait retomber noblement sa main en la suspendant au bras du fauteuil comme des gouttes de rosée à la marge d'une fleur, et tout a été dit, elle a rendu un jugement sans appel à émouvoir le plus insensible. Elle a su vous écouter, elle vous a procuré l'occasion d'être spirituel, et j'en appelle à votre modestie, ces moments-là sont rares.
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— Aussi l'esprit de la femme comme il faut, quand elle en a, reprit Blondet, consiste-t-il à mettre tout en doute, comme celui de la bourgeoise lui sert à tout affirmer. Là est la grande différence entre ces deux femmes : la bourgeoise a certainement de la vertu, la femme comme il faut ne sait pas si elle en a encore, ou si elle en aura toujours ; elle hésite et résiste là où l'autre refuse net pour tomber à plat. Cette hésitation en toute chose est une des dernières grâces que lui laisse notre horrible époque. Elle va rarement à l'église, mais elle parlera religion et voudra vous convertir si vous avez le bon goût de faire de l'esprit fort, car vous aurez ouvert une issue aux phrases stéréotypées, aux airs de tête et aux gestes convenus entre toutes ces femmes.[…]
Aussi, reprit Blondet, la femme comme il faut vit-elle entre l'hypocrisie anglaise et la gracieuse franchise du dix- huitième siècle ; système bâtard qui révèle un temps où rien de ce qui succède ne ressemble à ce qui s'en va, où les transitions ne mènent à rien, où il n'y a que des nuances, où les grandes figures s'effacent, où les distinctions sont purement personnelles. Dans ma conviction, il est impossible qu'une femme, fût-elle née aux environs du trône, acquière avant vingt-cinq ans la science encyclopédique des riens, la connaissance des manèges, les grandes petites choses, les musiques de voix et les harmonies de couleurs, les diableries angéliques et les innocentes roueries, le langage et le mutisme, le sérieux et les railleries, l'esprit et la bêtise, la diplomatie et l'ignorance, qui constituent la femme comme il faut.

[…]

— Où classeriez-vous la femme-auteur ? Est-ce une femme comme il faut ?
— Quand elle n'a pas de génie, c'est une femme comme il n'en faut pas, répondit Émile Blondet en accompagnant sa réponse d'un regard fin qui pouvait passer pour un éloge adressé franchement à Camille Maupin.
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Les comtesses resteront, reprit de Marsay. Une femme élégante sera plus ou moins comtesse, comtesse de l’empire ou d’hier, comtesse de vieille roche, ou, comme on dit en italien, comtesse de politesse. Mais quant à la grande dame, elle est morte avec l’entourage grandiose du dernier siècle, avec la poudre, les mouches, les mules à talons, les corsets busqués ornés d’un delta de noeuds en rubans. Les duchesses aujourd’hui passent par les portes sans qu’il soit besoin de les faire élargir pour leurs paniers.
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Il y a toujours un fameux singe dans la plus jolie et la plus angélique des femmes!

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L’aspect de la femme aimée a quelque chose de si balsamique pour le coeur, qu’il doit dissiper la douleur, les doutes, les chagrins : toute ma colère tomba, je retrouvai mon sourire.
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— Madame, il y a quelqu’un dans votre cabinet ! Elle regarda son mari d’un air calme, et lui répondit avec simplicité : — Non, monsieur. Ce non navra monsieur de Merret, il n’y croyait pas ; et pourtant jamais sa femme ne lui avait paru ni plus pure ni plus religieuse qu’elle semblait l’être en ce moment. Il se leva pour aller ouvrir le cabinet, madame de Merret le prit par la main, l’arrêta, le regarda d’un air mélancolique, et lui dit d’une voix singulièrement émue : — Si vous ne trouvez personne, songez que tout sera fini entre nous ! L’incroyable dignité empreinte dans l’attitude de sa femme rendit au gentilhomme une profonde estime pour elle, et lui inspira une de ces résolutions auxquelles il ne manque qu’un plus vaste théâtre pour devenir immortelles.
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