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Une grande inspiration, un oeil décidé et c'est parti pour cette critique qui me tient tant à coeur. C'est que j'ai peine à vous dire tout l'amour que j'ai pour Balzac en général et pour les Illusions Perdues en particulier.

Il est tellement malmené au lycée ; on lui fait porter un tel chapeau à mon pauvre petit Honoré ; on nous donne souvent tellement peu envie de s'aller essayer à la Comédie Humaine que c'en est presque consternant. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir varié tant la taille que le type de ses écrits, mais tout tourne autour de 4 ou 5 titres qu'on se refile d'année scolaire en année scolaire, comme un vilain rhume.

Ici, vous êtes au centre de l'édifice, énorme, labyrinthique, monumental que constitue la Comédie Humaine, vous êtes au coeur du donjon, vous admirez le pilier médian, porteur essentiel, pour ne pas dire porteur DE l'essentiel. Quand bien même n'aurait-il écrit que cet unique roman, Balzac eût été, sans nul doute, l'un de nos plus grands écrivains de langue française.

En effet, l'auteur déploie dans ce livre sa quintessence, celle qui en fait un géant de la littérature française et mondiale. Pas UN Balzac, mais LE Balzac, le MAGIC-BALZAC comme on le rêve : riche, tonique, corrosif, lucide, drôle et tout, vraiment tout, ce qu'on peut attendre d'un roman du XIXème siècle.

Chapeau bas Monsieur Balzac ; on a beau dire, on a beau faire, ils ne sont pas si nombreux ceux qui vous arrivent à la cheville et, s'il fait moins vibrer les trémolos du pathos que ne le fait Victor Hugo, ne nous y trompons pas, cette oeuvre est du calibre des Misérables, aussi franche et savoureuse que le Comte de Monte-Cristo, les deux seuls romans francophones de ce siècle à pouvoir faire moindrement le poids face à ce monstre sublime que nous a légué Honoré de Balzac.

Si vous ne souhaitez pas savoir du tout de quoi parle ce roman, je vous conseille de vous arrêter ici dans la lecture de cet avis. En revanche, si vous voulez en connaître un peu les grandes lignes, je vous en taille à la serpe les pourtours dans ce qui suit :

La première partie intitulée Les Deux Poètes nous présente, vous l'imaginez, les deux amis : l'un, David Séchard, fils d'un imprimeur d'Angoulême, économe, la tête sur les épaules, qui a fait des études à Paris et qui a surtout compris qu'il ne pourrait jamais compter sur son père, aussi avare dans son genre que le père Grandet (voir Eugénie Grandet) ce qui n'est pas peu dire.

L'autre, Lucien Chardon, fils d'un apothicaire, issu d'une branche noble par sa mère, les " de Rubempré ", possède un talent littéraire indéniable et semble attiré par le grand monde et les lumières de la grande ville comme les papillons sur les lampes à incandescence.

La question étant de savoir s'il se brûlera les ailes auprès de Madame de Bargeton, une célébrité aristocratique locale. le titre du roman pourrait presque, à l'extrême limite, vous donner un tout petit indice, mais je n'en suis pas bien sûre...

La deuxième partie, Un Grand Homme de Province À Paris, comme son nom l'indique, déplace l'un des personnages principaux, Lucien Chardon (ou de Rubempré selon qu'on considère ou non son ascendance noble du côté maternel), d'Angoulême à Paris.

Lucien quitte tout pour les beaux yeux de cette aristocrate provinciale, Madame de Bargeton, qui s'est éprise de lui. Très vite, le grand monde va se charger d'exclure ce rejeton illégitime de la noblesse et donc, de faire cesser l'admiration de Mme de Bargeton pour son petit protégé de poète.

En moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, seul et avec le coût exorbitant de la vie parisienne, Lucien se retrouve dans l'indigence la plus noire, avec pour seul espoir, sa jeunesse et son talent de plume. Il a le bonheur de faire la connaissance de Daniel d'Arthez, jeune écrivain incorruptible, initiateur du Cénacle, cercle d'amoureux des arts, prêts à tout pour aller jusqu'au bout de leur art sans tremper jamais dans aucune compromission, d'aucune sorte.

Lucien sera très vite fasciné par cet droiture morale, cet ascétisme de pensée et de travail, dont les résultats commencent à porter leurs fruits dans son esprit critique et dans son maniement de la plume.

Cependant, Lucien, pauvre comme les pierres, va lorgner abondamment vers les lumières du journalisme et ses succès faciles, richement rétribués. L'ascension de Lucien va être fulgurante, lui permettant au passage de tailler des costards à ses vieilles connaissances angoumoisines qui l'ont si lâchement laissé tomber à son arrivée dans la capitale.

Néanmoins, être talentueux n'est pas sans risque, comme vous le découvrirez à la lecture de cette partie. Balzac nous offre des pages sublimes et dresse un portrait corrosif et peu flatteur tant du journalisme que du monde de l'édition. Un portrait qui sent éminemment le vécu et qui ne semble pas avoir pris une ride.

Les requins et les fourbes d'aujourd'hui ne sont guère différents de ceux d'hier. C'est en cela que l'universalité et le talent de visionnaire De Balzac étaient (Baudelaire s'en émerveillait), sont et demeureront impressionnants.

Dans la troisième et dernière partie baptisée Les Souffrances de L'Inventeur, après ce long épisode parisien ayant Lucien pour protagoniste principal, Balzac poursuit en synchronique avec la destinée de sa soeur Ève et de David Séchard, restés à Angoulême dans le même temps.

L'auteur y développe, avec un luxe qui sent trop le vécu pour ne pas avoir son origine dans ses propres mésaventures personnelles, la savante machinerie de l'extorsion de l'invention d'un concurrent par le biais des lois, le concours des créanciers et l'entremise des hommes sensés être les garants de l'équité sociale. Ainsi, David Séchard, mis dans de cruels draps par les trois faux billets de mille francs signés à son insu par Lucien, se retrouve entre les griffes voraces des frères Cointet, imprimeurs, usuriers et banquiers d'Angoulême.

Malgré la défense héroïque du secret de fabrication de David par les deux infortunés époux Séchard, le destin s'acharne à leur vider les poches (enfin, le destin, c'est surtout les frères Cointet, Petit-Claud, l'avoué véreux, le fourbe Cérizet, l'avare père Séchard et Lucien involontairement par-dessus le marché).
Lucien, voyant dans quelle déroute il a mis sa soeur et son beau-frère est prêt au sacrifice suprême, mais il rencontre un bien singulier prêtre, qui ressemble comme deux gouttes d'eau à un ancien bagnard qu'on a bien connu dans le Père Goriot...

Balzac règle ses comptes avec les usuriers, banquiers, notaires, avocats et autres juges. Bref, une fin sublime pour ce roman qui ne l'est pas moins, et de bout en bout, mais tout ceci, vous l'aurez compris, n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand chose, le mieux, et de loin, que vous ayez à faire, c'est de le lire. Je vous rembourse la différence si vous n'y trouvez pas votre compte et n'êtes pas satisfaits.

P. S. : c'est dans ce roman que Balzac invente un néologisme qui fera long feu, notamment via Jacques Brel, à savoir la " soulographie ".
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Ce roman est d'une richesse incroyable, il nous brosse un tableau des plus précis de la vie aussi bien parisienne que provinciale au tout début du XIX ème siècle.
Balzac tire à boulets rouges sur la presse, le monde du spectacle, la banque, la justice et les tout débuts du système capitaliste. Et encore une fois, à travers des personnages magnifiquement bien campés, il expose aux yeux du lecteur toute l'étendue des bassesses dont l'homme est capable.
A travers le personnage de Lucien et ceux de sa famille, il illustre la question de l'ascension sociale à cette époque et nous en montre les redoutables obstacles.

Le roman se compose de 3 parties (selon mon découpage personnel). La première présente la famille de Lucien, son environnement provincial et relate son introduction dans la haute société angoumoisine. Dans la deuxième partie, Lucien vise plus haut encore et débarque dans ce Paris qui le fait tant rêver et lui semble si prometteur mais qui ne sera pour lui que désillusions. Dans la troisième partie, c'est le retour à Angoulême avec une plongée dans les affaires de la petite imprimerie familiale aux prises avec ses concurrents et l'espionnage industriel.

Ce qui rend ce roman extrêmement réaliste et vivant, c'est que Balzac s'est inspiré de sa propre expérience et qu'il y parle de ses propres désillusions. Comment ne pas faire le rapprochement entre l'auteur et Lucien qui souhaite à tout prix devenir un écrivain reconnu et qui se heurte à un milieu difficile, fermé et surtout soumis au bon-vouloir de la presse ? Même chose lorsque Lucien embrasse la profession de journaliste.
Bref on sent que Balzac maîtrise à fond son sujet nous offrant des pages incroyablement détaillées sur le monde de l'imprimerie, de la banque et de la justice ( il y est même allé un peu fort là, je n'ai rien compris du tout …)
Plus que ça encore, Balzac était quand même plutôt visionnaire. C'est incroyable de constater qu'au tout début du XIXème siècle, il a pu sentir la dimension que prendrait le pouvoir de la presse et ses propos sonnent de façon très actuelle :

« le Journal au lieu d'être un sacerdoce est devenu un moyen pour les partis ; de moyen, il s'est fait commerce ; et comme tous les commerces, il est sans foi ni loi. Tout journal est, comme le dit Blondet, une boutique où l'on vend au public des paroles de la couleur dont il les veut. S'il existait un journal des bossus, il prouverait soir et matin la beauté, la bonté, la nécessité des bossus. Un journal n'est plus fait pour éclairer, mais pour flatter les opinions. Ainsi, tous les journaux seront dans un temps donné lâches, hypocrites, infâmes, menteurs, assassins ; ils tueront les idées, les systèmes, les hommes, et fleuriront par cela même. »

L'intrigue est magistralement menée du début à la fin, on va de rebondissements en rebondissements, on s'apitoie sur le pauvre Lucien pour mieux pester contre lui quelques pages plus loin.
Les personnages De Balzac sont véritablement représentatifs de la nature humaine, aucun n'est tout blanc ou tout noir, on les voit changer, évoluer, se comporter différemment en fonction de leur situation.
On retrouve aussi de vieilles connaissances rencontrées dans le Père Goriot ou La Duchesse de Langeais et on réalise qu'on s'est probablement mépris sur certains d'entre eux ( n'est-ce pas Eugène ?). Une surprise attend le lecteur à la fin ( d'où l'intérêt de lire le Père Goriot avant) et qui me rend impatiente de savoir ce qu'il adviendra dans Splendeur et misère des courtisanes.

Beaucoup de thèmes sont donc abordés à travers ce roman qui constitue apparemment une sorte de concentré de ce que Balzac a pu écrire dans ses autres textes. Autant dire qu'on y trouve de tout et qu'on ne peut absolument pas s'ennuyer : amours déçus, trahisons, célébrité, déchéance, misère, jalousies en tout genre, égoïsme, amour familial, amitié, pardon, chantage, passion, fièvre et acharnement du chercheur et j'en oublie !
J'ai aussi adoré les descriptions de Paris ( celle de la Galerie des Bois ) où vraiment Balzac retranscrit l'atmosphère, l'ambiance du lieu à un point qu'on s'y croirait.

Voilà, je ne vois pas ce que je pourrais ajouter de plus sans trop en dévoiler. J'avais très peur de me lancer dans cette lecture, je m'imaginais un sujet plutôt austère et le nombre de pages m'intimidait aussi. Mais je suis ô combien heureuse d'avoir tenté l'aventure tout de même car Illusions perdues est, pour l'instant, le meilleur classique qu'il m'ait été donné de lire.

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Excellente observation du comportement humain. Les temps ont changé ? Oh, pas tellement ! Un écrivain devra de toute façon traverser ces expériences humiliantes et perdre peu à peu ses illusions. Plus que jamais, l'homme est avide d'argent et de pouvoir, l'art n'a pas de valeur en soi...
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Le repos forcé m'a donc permis de lire en toute quiétude le roman entamé fin décembre. Toutes les conditions étaient requises pour l'apprécier dans les meilleures conditions car ce n'est pas le genre d'oeuvre qu'on peut lire dans le métro. le roman De Balzac est découpé en trois parties et il n'y a pas de chapitres intermédiaires permettant des pauses impromptues. Il faut se lancer dans la lecture de longs passages sans craindre d'être stoppé dans son élan et ne reposer le livre que lorsque l'intrigue le permet. Ce roman est le condensé ou l'illustration parfaite de sa géniale Comédie Humaine. Comment un homme peut-il écrire autant, si bien, avec une telle cohérence globale ? Je ne vais pas me lancer dans une analyse poussée du roman encore moins de l'oeuvre titanesque De Balzac, d'autres plus calés que moi l'ont déjà fait et le referont encore. Néanmoins je constate une nouvelle fois que la lecture des grands classiques de la littérature permet de remettre les choses à leur place, de nombreux livres sont édités, beaucoup sont très agréables à lire mais entre un bon livre et un chef-d'oeuvre il y a une différence que même le béotien remarque. Aussi quand je parcours certaines critiques dithyrambiques sur des best-sellers à peine éclos des imprimeries Brodard et Taupin à La Flèche (Sarthe) -par exemple- je leur accole un bémol d'emblée. Pour en revenir aux Illusions perdues (et non pas Les illusions perdues) « l'absence d'article défini – cas unique chez Balzac- montre clairement le caractère absolu de la désillusion » vous en sortirez étourdi et sonné par le machiavélisme des personnages où l'intérêt et l'ambition priment sur tout autre sentiment, les alliances se font et se défont au gré des rebondissements. Lucien de Rubempré pauvre poète monté d'Angoulême à Paris nous permettra d'évoluer dans le monde de la littérature, de la presse, du théâtre, de la bourgeoisie et de l'aristocratie où tous ont partie liée selon le sens du vent. L'intrigue est puissante, atterrante quand Lucien trahira ses amis ou ruinera sa famille, éblouissante quand Balzac démonte sous nos yeux tous les mécanismes économiques et moraux qui enrichissent ou ruinent ses personnages. Paru vers 1840 le livre reste terriblement moderne et tout aussi extraordinaire. Chef-d'oeuvre s'il faut encore le répéter.
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Lu il y a une quinzaine d'années, j'ai pris un très grand plaisir à retrouver cette histoire certes classique (mais bon Balzac c'est classique non ?) mais au combien intemporelle des papillons de province attirés par les lumières de la capitale et s'y brûlant les ailes. le papillon ici c'est Lucien de Rubempré qui pour arriver à ses fins (l'amour, la gloire et la fortune pour faire court) mettra en péril financier et plongera dans la désespérance sa soeur, sa mère, son beau-frère et ami. La description de la bourgeoisie de province angoumoise est redoutable et saisissante, mais les artifices de la société parisienne en prennent également largement pour leur grade. On retrouve dans ce livre le portraitiste au vitriol qu'est Balzac (deux exemples parmi tant et tant au fil de ces pages : le portrait du père Séchard, et de son avarice, type « le père Goriot », et celui de Louise de Bargenton, muse de Lucien tour à tour délaissée et sans états d'âme). On appréciera aussi les descriptions fines et détaillées de divers corps de métier liés à l'écriture: les imprimeurs, les journalistes, les éditeurs.
Une fois l'histoire connue, la relecture de ce livre est un régal, et le titre de l'oeuvre De Balzac (La Comédie Humaine) prend tout son sens dans ce roman fleuve aux accents de modernité. le volume unique constituant « Illusions perdues » est dû au regroupement de trois romans séparés publiés sur une petite dizaine d'années entre 1837 et 1845. Je conseille vivement cette version du livre de poche de 2006, et l'imposant travail d'explication et de notification effectué par P. Berthier, spécialiste de littérature du XIXème siècle. Ces apports au fil du texte sont souvent très érudites mais diablement intéressantes, en particulier sur le passage entre les trois romans initiaux et le roman unique (liens entre les différentes parties, problèmes de chronologie dans l'histoire,…). le texte De Balzac s'agrémente ainsi de nombreuses notes de bas de page décrivant par le menu les différentes versions publiées dans la très renommée édition Furne, les tournures de style typiques du XIXème siècle et aujourd'hui désuètes, les fautes de style assez nombreuses commises par Balzac. La langue française utilisée dans ce roman est une véritable gourmandise.
La lecture est parfois difficile, le mode « feuilleton » dans lequel ce texte fut initialement publié explique les longueurs du texte (Le feuilletoniste du XIXème siècle était rémunéré au mot), les passages abordant les problèmes d'argent sont assez complexes et parfois rébarbatifs. Mais l'universalité des personnages et des thèmes sociétaux abordés, la complexité des personnages et le regard féroce De Balzac sur ces contemporains et sur la société font pour moi de ce roman, avec sa suite « Splendeurs et misères des courtisanes » un véritable chef d'oeuvre de la littérature.
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Illusions perdues c'est le grand roman de l'ascension fulgurante d'un jeune provincial qui débarque d'Angoulême à Paris. Lucien Chardon, - de Rubempré par sa mère -, qui se dit poète et futur écrivain,quitte sa province, dans des conditions romantiques à ses yeux, pour Paris. Une ville brillante tant par sa vie culturelle que par les opportunités de réussite. Très vite Etienne Lousteau, journaliste, le prend sous son aile et l'oriente vers cette activité, Lucien montrant de vrais talents dans les idées et le style. Mais être trop brillant ou trop intelligent peut faire de l'ombre....Sa vie dissolue ainsi que sa naïveté vont vite l'entraîner sur une pente dangereuse.

Quelle fresque sociale et sociologique que ce roman, dans lequel Balzac analyse de façon magistrale, la société du XIXème siècle. Que ce soit l'aristocratie provinciale et desargentée, les affairistes d'Angoulême qui veulent mettre la main sur une imprimerie pour ruiner son propriétaire ou à Paris, dans le milieu des libraires et des journalistes, tous prêts à rédiger des articles dithyrambiques pour assurer un succès artificiel d'une mauvaise pièce de théâtre ou descendre un roman de qualité, rien n'est laissé au hasard par Balzac. Cette galerie de personnages foisonne de caractères serviles, trompeurs, avaricieux, mus par la jalousie ou la candeur et la naïveté comme celle de Lucien, aveuglé par un succès éphémère, fat, et qui oublie vite sa famille en province, d'autres sont manipulateurs comme Lousteau, ou les imprimeurs de province, sans oublier l'avoué véreux.
Toute la panoplie de la nature humaine dans ce qu'elle a de plus vile, triomphe, en bernant les plus altruistes, détruisant les illusions de Lucien mais surtout celles de sa soeur Eve et son mari, deux êtres sincères qui restent englués dans les dettes en partie contractées par Lucien.
J'ai'apprécié cette vision lucide et cynique De Balzac sur la société du XIXeme siècle mais j'ai quelques bémols après cette lecture, de nombreux personnages dont il est quelquefois difficile de se souvenir, les détails, dans la troisième partie notamment les operations financières et les stratagèmes pour dépouiller certains protagonistes que j'ai eu du mal à suivre et quelques longueurs qui ont rendu ma lecture un peu ennuyeuse sur la fin.
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Je remercie Cannetille, qui m'a recommandé ce classique, et quelques autres !


On a tous quelque chose en nous de Tennessee ... Johnny aurait-il rencontré Balzac ? Tiens donc !

Et on a tous quelque chose en nous de Lucien. Ah, Lucien de Rubempré ! Qui n'a connu cette période, cette aube de la vie, où tous les rêves sont permis ? Ou le soleil, gardien bienveillant, illumine notre bonheur naissant ? le bien ne semble alors devoir céder le pas qu'au mieux, et l'horizon même recule pour mieux nous céder sa place, l'assurance de lendemains souriants, enfin, nous permet de jouir de l'instant qui s'éternisera, sans doute... Jours ensoleillés, cadeaux merveilleux, grâces même....

Justement. Pour Lucien, la grâce est un dû, le bonheur une évidence, l'amour un droit. Ce qui devrait s'effeuiller avec tendresse devient une chose à conquérir, à dominer, à épuiser. Un homme faible, pour qui l'amour n'est qu'émotion, et la littérature un vécu passionnel qui n'admet pas l'éffort. Un homme qui veut recevoir, mais qui ne sait donner que de ce qu'il recoit. Un enfant, qui veut voir en ses amantes, ses amis, ses collègues même autant de mères qui ne manqueront pas d'être attendries par son apparence d'éphèbe et son esprit pétillant. Quand la réalité s'annonce autre, il enrage, il se venge, il désespère . Quoi ! le pacte qu'il pensait avoir signé avec la vie ne tiendrait pas, les hommes, le monde joueraient d'un autre air ? Mais comment ose t-on !

Après quelques succès, dus au talent, certes, mais un talent affamé d'études qui ne se font pas et accablé d'alcool et d'orgies, après quelques triomphes, Lucien commence à faire les frais de ses immenses illusions. Les ennemis qu'il s'est fait, les dettes dont il s'est ri, les rivaux qui se disaient frères d'armes et qui maintenant se découvrent: le noeud se reserre, à lui couper le souffle.

On a tous un peu de Lucien – nous aimerions tous être aimés pour nous-mêmes, et, pensant ainsi recevoir, nous oublions, parfois, qu'il faut d'abord donner. Heureusement, rares sont ceux chez qui ce désir aboutit à la spirale déstructrice qui broyera Lucien. Tout au plus y aura-t-il, en écoutant un air, un moment de nostalgie, un souvenir d'anciens après-midis dorés qui semblaient ne jamais devoir finir … On a tous en nous quelque chose de Tennessee …
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Balzac était un homme très ambitieux. Jeune homme, il avait des rêves et des projets.Il voulait devenir riche, très riche même.A corps perdu, il s' est lancé dansl' écriture, le journalisme, l' imprimerie. Il s' est essayé à tout, ce qui fait qu' il connaît bien les rouages de cette société "brillante" et ses arcanes.A la fin de sa vie acculé par ses créanciers, l' amour lointain de Mme Hanska qu' il épousera à la fin,le grand homme flanchera et sera emporté par une crise cardiaque.
Pour écrire " les Illusions perdues", Bazac s' est inspiré de son vécu, de sa propre expérience de la vie.Ce roman nous décrit la vie provinciale et parisienne au début du XIXe Siècle. Balzac tire toute son artillerie et tire à grands boulets sur le monde de la presse qu' il connaît pour l' avoir côtoyé et pratiqué, la justice, la banque là où il y a toutes les magouilles financières,le monde des arts et précisément celui des spectacle et le capitalisme qui n' est qu' à ces débuts.
L' action se déroule à Angoulème, sous la Restauration, David Séchar, fils d' un imprimeur, est lié d' une profonde amitié avec Lucien Chardon,jeune homme beau et lettré. le père de David vend à son fils l' imprimerie à des conditions inacceptables, et David est acculé à la ruine. Il ne tient que grâce à l' amour et le dévouement de sa femme,Eve, qui est la soeur de Lucien.Il cherche en secret un procédé permettant de produire du papier à faible coût et de meilleure qualité.
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« Prolepse ».
La note au bas de la page 415 de mon exemplaire m'a appris le nom de ce procédé par lequel « Balzac ne permet jamais à son lecteur d'imaginer que Lucien s'en sortira ». Prolepse (ou anticipation) qui fait comprendre que, quoi qu'il puisse arriver au cours des 800 pages de l'ouvrage, Lucien court à l'échec. Procédé qui gâte sensiblement mon plaisir de lecture : à quoi bon découvrir toutes les péripéties puisque le résultat final est acquis ?

Ni billet, ni chronique, ni résumé. Juste mes impressions notées au fur et à mesure de la lecture, pour le cas où je me demanderais, dans un an ou deux : de quoi ça m'a parlé, Illusions perdues ?

Alors oui, à Angoulême, la vie était quotidienne, rétrécie, et prévisible : Lucien, prétendant poète, s'était fait tourner la tête par une petite aristocrate qui avait besoin de rêver. Eve, la soeur de Lucien, et David, son ami, venaient de former un beau couple, tendre et droit, mais qui allait se faire tondre la laine sur le dos, c'était évident, par le père rapiat de David (un cousin du père Grandet ?) et par Lucien l'inconséquent. Et je m'ennuyais un peu de tout ce qui était déjà annoncé sans être encore dit.

Et puis, Lucien était monté à Paris, avec son amoureuse et son ambition, et, indécrottable provinciale, j'avais découvert la capitale des années 1820 avec eux. Je ne m'ennuyais plus ! Mais que d'apprentissages, douloureux autant pour l'amour propre que pour le portefeuille : des codes, des modes, des usages, et, au total, du mépris des happy few de l'époque, pour celui qui arrivait esseulé, sans nom, sans fortune et sans réseau. Celui qui se construisait dans les salons, les théâtres ou au cours d'élégantes promenades en calèche. le même dont nous tentons aujourd'hui de nous entourer, virtuellement, avec nos téléphones et nos tablettes…
Imprudent Lucien, qui va délaisser un « Cénacle », difficilement mais magnifiquement intégré, d'amis écrivains, désintéressés, généreux, et désargentés, pour s'acoquiner avec de jeunes journalistes et de vieux éditeurs qui ont renoncé à toutes leurs ambitions littéraires depuis longtemps, et vivent de filouteries et de petits chantages. Première féroce description du journalisme de l'époque et de ses servants !

Voilà, pas besoin de consulter la boule de cristal pour envisager de nouveau que les choses vont mal se passer, que Lucien part dans la mauvaise direction et qu'il en fera souffrir sa jolie famille restée en Angoumois. Je ne suis pas sûre d'avoir envie d'avaler toutes les pages longues et minutieuses qui vont décrire en détail l'inévitable descente aux enfers.
Pourtant… pourtant, il aurait été dommage de ne pas lire le premier article publié de Lucien, la critique d'une verve ébouriffante, très « moderne », d'une pièce de théâtre. Une réussite incontestable qui lui attire aussitôt, évidemment, la jalousie et la méfiance de ceux qui, sous couvert de l'aider, ne pensent qu'à se servir de lui.
Mais Lucien ne voit rien et se laisse enivrer par ce premier succès, par la passion qu'il inspire à une ravissante actrice, par le luxe dont celle-ci est entourée grâce à son protecteur. Ce n'est pas faute d'avoir été averti de la réalité du métier de journaliste par ceux-là même qui en vivent : « Lucien ! il est beau, il est poète, et, ce qui vaut mieux pour lui, homme d'esprit ; eh bien ! il entrera dans quelques-uns de ces mauvais lieux de la pensée appelés journaux, il y jettera ses plus belles idées, il y dessèchera son cerveau, il y corrompra son âme, il y commettra ces lâchetés anonymes qui, dans la guerre des idées, remplacent les stratagèmes, les pillages, les incendies, les revirements de bord dans la guerre des condottieri.»

Et c'est la description détaillée, technique, chiffrée, des manoeuvres et des magouilles du milieu littéraire parisien. Les directeurs de théâtre, les éditeurs, les journalistes, ne cherchent que leur profit immédiat et la qualité des pièces et des textes est le dernier de leurs soucis. Je me dis qu'ils ont dû beaucoup faire souffrir Balzac pour qu'il les décrive avec un tel mépris. Et qu'il parle pourtant en connaissance de cause puisqu'il a été lui-même journaliste.

Et puis, tant qu'à faire d'avoir des illusions et des ambitions, Lucien se laisse dévoyer ; pour changer le nom de son père contre celui de sa mère, plus scintillant, avec particule, il accepte de renier ses convictions politiques (en avait-il vraiment ?).

Des intrigues du milieu littéraire, on arrive tout naturellement à celles des hommes des partis, puisque de toutes façons elles sont imbriquées les unes dans les autres. Ce n'est pas plus reluisant. C'est détaillé, c'est compliqué, pour un historien cela a sans doute de l'intérêt. Je constate, moi, que cela ne m'apprend pas grand-chose : aujourd'hui comme hier, les politiques ont le sens commun tourneboulé par le pouvoir.

Lucien tombe alors inévitablement dans le piège tendu par l'amoureuse d'Angoulême, qui, après l'avoir rejeté dans son insignifiance à leur arrivée à Paris, n'a pas supporté qu'il la dédaigne quand le succès de ses premiers articles a fait de lui un homme de nouveau séduisant. Elle fait en sorte que le nom de Rubempré lui soit refusé, et dans de telles circonstances que ses nouveaux amis du parti royaliste lui tournent le dos, s'estimant trahis.

C'est le premier pas vers la grande misère et le malheur. La belle maîtresse de Lucien, actrice pourtant talentueuse, fait les frais de la cabale, se trouve sans emploi, tombe malade et meurt dans le plus extrême dénuement, malgré tous les efforts de Lucien qui est allé jusqu'à faire des faux en écriture pour obtenir quelques subsides. Ce dont on sait bien sûr (prolepse) que cela ne restera pas impuni.

Et j'arrive à la troisième partie de l'ouvrage, le retour de Lucien à Angoulême. Je crois que je vais jeter l'éponge. Je n'ai aucune délectation à voir défiler toutes les mesquineries, les bassesses, les concurrences déloyales, les corruptions, les reniements qui s'accumulent contre la soeur et le beau-frère de Lucien. N'en jetez plus, je connais la petitesse humaine, et je comprends mal le plaisir qu'a Balzac à la seriner, la détailler au plus près, dans la moindre nuance, nous en assommer.

Ah, mais Balzac me récupère par la peau du cou ! Avec la lettre écrite à Eve par un ami (un vrai) parisien de Lucien. Enfin, une écriture qui a du souffle et de la vigueur ; et de l'honnêteté dont on n'avait pas vu la couleur pendant 650 pages. Balzac est au meilleur de lui-même quand il fait écrire les autres.

Et puis arrive le personnage de l'avoué débutant d'Angoulême, Petit-Claud, à qui l'on promet monts et merveilles - une femme bien dotée, en finances et en relations - s'il participe au projet des concurrents de David de ruiner celui-ci ; un sommet dans l'infâme et la noirceur, ce Petit-Claud. Une intelligence admirable, à la hauteur de son ambition et de sa duplicité. Là, enfin, Balzac m'esbrouffe complètement, avec le portrait de ce pervers diabolique ; il était temps (p 673…).

Mais ça ne dure pas : les stratagèmes montés par Petit-Claud, par les imprimeurs concurrents de David, par son ancien employé retourné par ces méchants, tournent au grand-guignol. N'importe qui se prendrait les pieds dans la complexité de leurs machinations (qui m'échappent en grande partie, mais je ne suis ni avoué, ni imprimeur, et peut-être moins retorse que ceux-là) alors qu'à eux tous, ils ne les fassent pas échouer, cela relève du miracle ! Enfin, bref (façon de parler…) Lucien se fait encore berner, donc son beau-frère part en prison, et sa soeur s'évanouit ! Lucien, désespéré de ses inconséquences, décide de mettre fin à ses jours. Or, ne voilà t'il pas que sur le chemin du trou d'eau où il a décidé d'aller se noyer, il rencontre par le plus grand des hasards, un ecclésiastique ibérique, arrivant tout droit de Tolède et prêt, sur juste la bonne mine (un peu défaite quand même) de Lucien, à les tirer, lui, sa soeur et son beau-frère, de leurs embarras… Guignol, je vous dis !

Guignol certes, mais ce jésuite sorti de nulle part permet à Balzac un moment exceptionnel, de ceux où il s'affranchit de toute réserve, où il déploie toute sa fougue provocatrice et cynique. le talent oratoire de l'abbé s'impose à Lucien qui revient à la vie, celle fastueuse et sans scrupules qui lui est proposée sans ambages, sauvetage de sa soeur et son beau-frère compris.

Donc, en-dehors de trois, peut-être quatre, mettons cinq, dizaines de pages exceptionnelles, croisées ici et là, je n'ai pas trouvé de vrai plaisir à ce long anéantissement des illusions. Balzac absolument misanthrope, misogyne à peu près autant, ne sauve personne, alors que je gardais le souvenir de quelques beaux personnages, attachants, dignes de respect, dans d'autres ouvrages : le père Goriot, Eugénie Grandet, Ursule Mirouet et son tuteur, Chabert… Sans colonne vertébrale, talentueux mais velléitaire, intelligent mais naïf, avide de succès mondains plus que de réussite littéraire, ayant beaucoup d'amour-propre à protéger mais peu d'amour à donner, Lucien est du genre dont on sait très vite qu'on n'aurait pas envie de le fréquenter dans la vraie vie. Alors, huit cents pages en sa compagnie…
Même la jolie famille de Lucien paraîtrait niaise à force de bonté. Seule, Eve, sa soeur, sait révéler, face à cette adversité catastrophique, une perspicacité, une finesse et une droiture qui, dans nos temps où la femme a davantage d'autonomie, auraient pu lui permettre de redresser la barre. Mais en 1820, elle était à peine un sujet de droit et n'avait le pouvoir de décider pour rien.

Illusions perdues, c'est 19ème, comme les menus des banquets pesants de l'époque : richesse garnie, plats en sauce à tous les services, à chaque page. Au point que lorsque je trouvais une phrase sans affèterie, je la remarquais, m'arrêtais et la savourais comme un sorbet : un peu de légèreté ! La satiété m'arrive vite, avec le style Balzac, j'ai eu souvent envie de sortir de table (puisque je lis pendant mes repas) et du livre avant la fin du chapitre.

Pierre Michon a dit récemment dans l'émission La Grande Librairie, qu'il était le dernier écrivain du 19ème siècle. Alors, il y a 19ème et 19ème. Celui tout en fulgurances fabuleusement effilées de Pierre Michon enchante mes papilles, l'abondance longuement mijotée De Balzac n'est pas vraiment ma tasse de thé !








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Illusions perdues, le pan-roman De Balzac ? Je me le demande, tant ce roman en trois volets contient de richesses et de dimensions !
Au-delà du personnage de l'ambitieux mais naïf Lucien Chardon, anti Bel-ami qui, contrairement à ce dernier qui détenait dans son ADN les codes des univers surfaits, se brûlera les ailes aux lumières des palais parisiens, c'est toute la France du début du 19ème siècle que Balzac anime et met en perspective :
En province pour le premier livre (les deux poètes), les noblesses surannées, parfois désargentées mais portant toujours beau, enchâssées dans la haute ville et dans leurs conservatismes, pendant que dans la ville basse l'industrie naissante pose les bases d'un siècle nouveau.
A Paris pour la seconde partie (Un grand homme de province à Paris), les cercles de pouvoir aussi poreux à la corruption qu'impénétrables aux âmes simples, fortifiés par une classe journalistique servile à laquelle Balzac taille une redingote cintrée jusqu'à la fin des temps, maelstroms tourbillonnants dans lequel le jeune Lucien parviendra à prendre un temps l'ascendant pour retomber de plus haut dans la fange.
Retour à Angoulême avec le dernier opus (Eve et David), dans lequel entrent en scène la banque et la filouterie légale qui viendront arsouiller jusqu'à l'asphyxie l'inventif beau-frère de Lucien, David, qui au passage nous livre des trésors d'informations sur la pratique de la papeterie de l'époque.
De ce roman qui foisonne et rebondit, je retiens que Lucien, personnage que l'on adore détester tant il est antipathique et égoïste, s'en sort avec fort peu d'égratignures bien qu'ayant, par ses actions, précipité tous ses proches dans l'abîme. Cap donc sur Splendeurs et misères des courtisanes pour peut-être comprendre pourquoi !
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