Mélancolique, Max retourne vers son passé. Il revoit les courbes de Grace, son premier fantasme, comme d'autres trouvent la paix dans les élans de
la mer.
Le vent fouette le visage de cet homme, caban noir col remonté jusqu'aux oreilles, le regard absent, il fixe l'au-delà, derrière les vagues. Ces vagues qui se projettent en avant, des rouleaux compresseurs qui déchirent le sable. Les nuages s'amoncellent à l'horizon, affichant une barrière infranchissable. Derrière lui, les falaises de granite s'élèvent vers les cieux et les Dieux. le bruit se fait assourdissant entre
la mer sauvage qui fulmine de sa vapeur et de sa rage, entre les cailloux qui glissent de la falaise pour s'éventrer une centaine de mètres plus bas se fracassant contre la paroi comme les corps plongeant des suicidés. L'homme porte toujours le regard au loin. Un regard fixe qui contemple autant sa vie que sa dérive.
Mélancolique, on peut le dire. Il revoit son passé, premier amour et ses vacances, au bord de ces falaises irlandaises. Sa femme vient de mourir, il a besoin de se replonger dans les souvenirs, seuls instants qui le tiennent encore hors de l'eau. Jusqu'à quand ? Alors la mélancolie, cela le connait, la tristesse aussi. Cette histoire est triste à l'image de sa vie. Putain de vie. Il se sert une bouteille de whisky, un rouge gorge par exemple, au coin de la cheminée, les volets clos signes que sa vie est derrière lui, maintenant.
Mélancolique, le silence plongé dans son regard, le regard plongé dans
la mer, les noyés plongés dans
la mer. Il aime ce silence, un silence imperturbable de ses pensées face à l'immensité de
la mer, l'infini de l'horizon, ce ciel lourd qui se mêle au bleu foncé de
la mer. Les vagues se déchiquettent contre lui, mais son silence reste constant, ligne de conduite, ligne de fuite. Sa vie n'a été que silence face à l'adversité de sa vie. Il garde en lui cette rage qui le compose depuis des années. La perte de sa femme ne fait qu'accentuer son mal-être, se demandant pourquoi elle et pourquoi pas lui. Il voudrait prendre sa place, en silence. S'enfoncer dans
la mer, nager le plus loin possible, s'enfoncer dans la nuit, dans l'eau, froide et noire.
Les vagues affluent, elles déchirent la côte, elles assomment les âmes. Face à elles, sa vie plonge dans un silence lourd dont il ne peut plus s'échapper. En regardant
la mer, en écoutant son silence, il a senti que sa vie était derrière lui. Il n'attend plus rien. Il n'est plus homme. Juste un type reclus dans son silence avec sa flasque de whisky dans sa poche. Il garde en lui ses souvenirs, ses instants heureux, ses silences pour une autre vie. Son passé, c'est maintenant sa vie, celui qui le fera vivre encore un peu, pendant qu'il marche le long des falaises, face au soleil couchant, avec toujours cette pointe d'envie de rejoindre à la nage l'astre qui illumina son coeur.
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