AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,5

sur 110 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Mélancolique, Max retourne vers son passé. Il revoit les courbes de Grace, son premier fantasme, comme d'autres trouvent la paix dans les élans de la mer.

Le vent fouette le visage de cet homme, caban noir col remonté jusqu'aux oreilles, le regard absent, il fixe l'au-delà, derrière les vagues. Ces vagues qui se projettent en avant, des rouleaux compresseurs qui déchirent le sable. Les nuages s'amoncellent à l'horizon, affichant une barrière infranchissable. Derrière lui, les falaises de granite s'élèvent vers les cieux et les Dieux. le bruit se fait assourdissant entre la mer sauvage qui fulmine de sa vapeur et de sa rage, entre les cailloux qui glissent de la falaise pour s'éventrer une centaine de mètres plus bas se fracassant contre la paroi comme les corps plongeant des suicidés. L'homme porte toujours le regard au loin. Un regard fixe qui contemple autant sa vie que sa dérive.

Mélancolique, on peut le dire. Il revoit son passé, premier amour et ses vacances, au bord de ces falaises irlandaises. Sa femme vient de mourir, il a besoin de se replonger dans les souvenirs, seuls instants qui le tiennent encore hors de l'eau. Jusqu'à quand ? Alors la mélancolie, cela le connait, la tristesse aussi. Cette histoire est triste à l'image de sa vie. Putain de vie. Il se sert une bouteille de whisky, un rouge gorge par exemple, au coin de la cheminée, les volets clos signes que sa vie est derrière lui, maintenant.

Mélancolique, le silence plongé dans son regard, le regard plongé dans la mer, les noyés plongés dans la mer. Il aime ce silence, un silence imperturbable de ses pensées face à l'immensité de la mer, l'infini de l'horizon, ce ciel lourd qui se mêle au bleu foncé de la mer. Les vagues se déchiquettent contre lui, mais son silence reste constant, ligne de conduite, ligne de fuite. Sa vie n'a été que silence face à l'adversité de sa vie. Il garde en lui cette rage qui le compose depuis des années. La perte de sa femme ne fait qu'accentuer son mal-être, se demandant pourquoi elle et pourquoi pas lui. Il voudrait prendre sa place, en silence. S'enfoncer dans la mer, nager le plus loin possible, s'enfoncer dans la nuit, dans l'eau, froide et noire.

Les vagues affluent, elles déchirent la côte, elles assomment les âmes. Face à elles, sa vie plonge dans un silence lourd dont il ne peut plus s'échapper. En regardant la mer, en écoutant son silence, il a senti que sa vie était derrière lui. Il n'attend plus rien. Il n'est plus homme. Juste un type reclus dans son silence avec sa flasque de whisky dans sa poche. Il garde en lui ses souvenirs, ses instants heureux, ses silences pour une autre vie. Son passé, c'est maintenant sa vie, celui qui le fera vivre encore un peu, pendant qu'il marche le long des falaises, face au soleil couchant, avec toujours cette pointe d'envie de rejoindre à la nage l'astre qui illumina son coeur.
Lien : http://memoiresdebison.blogs..
Commenter  J’apprécie          679
Un décès comme un électrochoc, l'occasion de faire le point et de se rappeler...
Max vient de perdre sa femme Anna, morte des suites d'un cancer. Il en profite pour retourner dans la station balnéaire de son enfance en compagnie de sa fille Claire. Les souvenirs surgissent de sa mémoire, ceux d'un autre drame...
Paradoxalement ses souvenirs à lui concernent plus les vacances qu'il passait avec ses parents dans un bungalow rustique dans cette petite ville côtière et moins les moments heureux aux côtés de sa femme (y en a-t-il eu, on se le demande).
« La mer » ne se raconte pas, on suit les pensées du narrateur. C'est comme un recueil de sensations, de sentiments, d'impressions.
L'auteur nous enchante par son vocabulaire étoffé, son lyrisme et les descriptions oniriques des paysages et de ses personnages. Son écriture est élaborée. On est porté comme dans un songe, écartelé entre les souvenirs d'enfance et les derniers mois de l'épouse du narrateur jusqu'au dénouement où la tragédie nous est révélée.
Une belle lecture et une curiosité éditoriale.
Traduction de Michèle Albaret-Maatsch.
Editions Robert Laffont, Pavillons Poche, 272 pages.
Commenter  J’apprécie          440
Pour comprendre pourquoi Max, veuf depuis peu, éprouve le besoin impérieux de retourner sur le lieu de ses vacances d'enfance, il faut lire le roman jusqu'au bout. C'est là, dans les dernières pages, qu'il prend toute sa splendeur, un peu comme le soleil après l'orage.
Mais la mer, dans ce roman, est angoissante dès le début: "gonflée comme une ampoule", s'aventurant là où elle n'arrive jamais, d'un bleu intense sous un ciel laiteux. Et quand le tout jeune Max et les deux amis qu'il a rencontrés, Chloé et Myles, passent leurs journées près des vagues, on ne peut s'empêcher de ressentir un malaise. Chloé et Myles: frère et soeur jumeaux, lui muet, elle un peu sournoise, passant leurs vacances dans la villa des Cèdres que Max connaît bien, en tant que vacancier plus pauvre séjournant dans l'un des bungalows un peu plus loin. Max est tout de suite attiré par la famille Grace et très vite entre dans l'intimité de la famille.
Ces souvenirs de vacances, qui remontent à la surface lors de son séjour dans la villa plus de cinquante ans plus tard, font écho à la dernière année d'Anna, sa femme, atteinte d'un cancer incurable. Et ce séjour est peut-être le moyen pour lui de surmonter son chagrin, replongeant dans ce lointain été qui marque le début de ses émois amoureux et sexuels.
Tout au long du roman, le ton détaché voire un peu cru du narrateur provoque un certain trouble dérangeant, auquel se mêle les réminiscences mélancoliques de la maladie d'Anna.
Ce que j'ai préféré, finalement, est cette fascinante présence de la mer, immense et silencieuse.
Commenter  J’apprécie          200
Ma mémoire n'a pas d'amarres. Comme celle de l'auteur, elle navigue sur l'océan incertain de mon passé entre tempêtes et tourments, houles et calmes pas vraiment plats. Comme lui, j'ai vu mourir en une seule année ma compagne d'un même cancer impitoyable et comme lui, je retourne dans le passé lorsque le présent ne m'accroche pas de ses tumultes ou de ses bonheurs.
Je ne connaissais pas le talent de John Banville, c'est en fouinant dans la liste des « 1001 livres qu'il faudrait avoir lus » que je suis tombé sur celui-ci qui semblait tant faire écho en moi.
J'admire sa sincérité car j'ai cru que tout ce qu'il nous narre est vrai et je veux encore le croire. J'admire aussi son ironie et cette autodérision si britannique, dit-on. J'admire enfin cette liberté de ton et de style.
Je lis que son ouvrage « La lumière des étoiles mortes » semble construit sur les mêmes bases mémorielles : drames croisés, premier amour pour une femme plus âgée. le livre a déjà rejoint ma chère liseuse…
Commenter  J’apprécie          160
Max est veuf depuis peu. Il revient aux Cèdres, un endroit au bord de la mer où il a passé ses plus belles années d'enfance. Pourtant, c'est un été bien précis que ce retour va évoquer. Un été où il rencontre les Grace, une famille bourgeoise de deux enfants, deux jumeaux Myles et Chloé. Ces deux enfants turbulents et moqueurs sont surveillés par Rose, jeune fille au pair.

Au gré des jours qui passent, Max va mélanger la maladie d'Anna, sa femme, et les émois sensuels qu'il connut lors de cet été. Il tombe amoureux de la mère des jumeaux, puis de Chloé.

C'est lent et pesant. C'est volontaire. C'est à l'image de ce qu'est devenue la vie de Max. L'expression est "vivons heureux en attendant la mort"... Pour Max, ce serait plutôt "ne vivons déjà plus en attendant la mort"... Entre sa flasque de whisky, les désillusions, les regrets, les remords, sa fille Claire, le souvenir du premier baiser avec Chloé, les seins en poire de la mère de Chloé, le petit chalet de la honte montrant leur pauvreté... Max n'a que l'embarras du choix pour ressasser un passé qu'il aimerait réécrire.

Dans ce maelstrom de souvenirs, la mer tient le premier rôle, bien sûr. Et se révèle impitoyable.

Pour apprécier Banville, il faut aimer le non-événement, le lent déroulement de la douleur intérieure, le spleen. Il faut être un peu voyeur. L'écriture est splendide. Incroyable de netteté, de pudeur, d'évocation poétique. Banville est un orfèvre. Et même si on n'est pas dans un thriller, loin de là, il réserve quelques surprises de taille pour les dernières pages.

Le destin d'un homme brisé en face-à-face avec la mer... avec John Banville comme chef d'orchestre. Il y a quelque chose d'hypnotique dans la façon de raconter l'histoire de Max. J'ai eu beau me dire que j'allais arrêter, je me suis rendu compte que j'étais captivé et que savoir le fin mot m'importait. Ce n'est pas si fréquent.
Commenter  J’apprécie          120
Défi ABC 2016-2017
Défi Atout prix

Le titre dit tout: le personnage principal n'est ni le narrateur, ni sa défunte épouse, ni Rosie, l'intrigue n'est pas (seulement) celle qui se dévoile au fil des pages. Non, l'essentiel de ce roman, c'est bien la mer. La mer et les marées, la mer et sa menace, la mer et sa beauté, la mer et ses bruits.
Après la mort de sa femme, Max revient sur les lieux de son enfance, d'un été en particulier. Il s'est lié avec une famille voisine: deux enfants, faux jumeaux, une jeune gouvernante et les parents. Tout se passe bien, presque. John Banville saisit délicatement les petits riens qui rompent l'harmonie apparente, une femme endormie, une jeune fille un peu trop éloignée, une confidence inattendue. Et le drame que l'on sent arriver n'est pas celui qu'on croit.
Un roman à déguster doucement, d'une grande sensibilité, qui donne envie de découvrir les autres livres de l'auteur.

Commenter  J’apprécie          120
J'ai lu ce roman en 2009 (il a été couronné du prestigieux Booker Prize en 2005) et, bizarrement, je n'en ai gardé quasi aucun souvenir. C'est en découvrant cette jolie réédition chez Dialogues à Brest en septembre dernier que j'ai, un peu par hasard, décidé de le relire – tout ce qui évoque la mer m'attire vraiment irrésistiblement en ce moment, héhé.

« Le passé cogne en moi, comme un second coeur. »

La mer, c'est le flux de conscience d'un vieil homme en deuil de son épouse, qui revient sur les lieux où il est tombé amoureux l'été de ses dix ans, en villégiature sur la côte irlandaise. « L'enfant d'autrefois métamorphosé en un quasi-vieillard corpulent et à moitié gris ». La narration dans ce roman a parfois une aura de rêve mouvant, un souvenir flotte dans la pénombre entre deux éclats saillants. J'ai beaucoup aimé la façon dont John Banville fait jouer la netteté approximative de la mémoire et nourrit ses esquisses, tel un véritable peintre des instants disparus.

La mer m'a ainsi éblouie par certaines fulgurances, sublimes arcs-en-ciel, hélas fugitifs, aussi vite dissous que lus, comme la pluie espérée est absorbée par le sol, avant même que l'on ait pu s'en désaltérer. le flux de conscience ne rend pas grâce au narrateur, vaniteux et un brin dérangeant. On n'a pas envie d'être sans filtre dans la tête des gens, parfois. La construction est brillante et l'écriture fine, précise, ciselée et froide. Au début, j'ai eu du mal à me concentrer dessus. Je n'arrivais pas à être dans les mots et dans l'histoire en même temps. Et puis je me suis laissé tourbillonner. Les époques se succèdent et se côtoient, tandis qu'un léger malaise prend racine. Une tension rôde, dont on ne sait si elle vient des émouvants souvenirs des derniers mois de sa femme, ou d'autre chose ; et les pages se mettent à tourner plus vite.

Mais franchement, dans son ensemble, La mer m'a déçue, en tous cas laissée sur ma faim. Je n'ai pas compris où l'auteur voulait en venir, et le point d'orgue du roman ne m'a pas du tout convaincue. Peut-être John Banville s'attache-t-il tellement aux détails pour les ramener à la vie, que la vie elle-même s'échappe par tous les interstices entre ses mots. La mer est donc un roman remarquable, qui orchestre de somptueux instants de lecture, mais il m'a manqué la chaleur humaine et un peu d'empathie de la part du romancier pour ses personnages. Je comprends mieux pourquoi je n'ai presque gardé aucun souvenir de ma première lecture.

« Le bonheur était différent dans l'enfance. A l'époque, c'était surtout une simple affaire d'accumulation, d'engrangement de choses – nouvelles expériences, nouvelles émotions – qu'on posait, tels des carreaux vernissés, sur ce qui deviendrait un jour le pavillon merveilleusement achevé du moi. »
Lien : https://lettresdirlandeetdai..
Commenter  J’apprécie          92
Voilà un nouvel auteur que je n'aurais sans doute pas découvert, sans Les 1001 livres qu'il faut avoir lu dans sa vie!

Et quelle découverte! John Banville et La mer où comment un auteur peint avec les mots! En effet, par le style, les mots et l'histoire, j'ai eu l'impression de rentrer dans un tableau de Léon Spilliaert ( 1881 - 1946 ). C'est cru, mélancolique et avec une intemporalité qui bannit la notion de temps tout en regroupant toutes les périodes d'une vie...

On y suit les pensées de Max Mordon, historien en art, qui utilise comme prétexte la rédaction d'une étude sur un artiste de renom, pour revenir sur les lieux de son enfance et y faire son deuil de sa femme, Anna... Pourquoi là? Pourquoi pas dans la maison où ils ont vécus?

Un retour qui fait remonter les différents passés dans un présent douloureux et aussi nourrit de questions restés ouvertes... Entre souvenirs qui semblent être comme des tâches de couleurs fixes et les corps qui vieillissent, entre ce qui reste et ce qui part, entre ce qui est chargé et encore chargé d'émotions et ce qui fait partie de la banalité de la vie, John Blanville donne à la notion de deuil une épaisseur, une réalité bien plus riche que la douleur qu'on peut y associer!

Avec sensibilité sans y perdre de justesse, il montre toute la complexité des émotions, souvenirs et vécus qui resurgissent lors de la perte d'un être chers. Tout l'intime de chacun qui s'exprime... et qui témoigne du jardin secrets que chacun d'entre nous porte en lui!
Commenter  J’apprécie          40
Même lu en anglais, j'ai été saisi par l'atmosphère de ce livre qui est un long récit des sensations de l'auteur entre son enfance et aujourd'hui, la question du sens de la vie entre l'amour et la mort. Il ne se passe quasiment rien avant la fin et pourtant on est pris, attirés par les protagonistes d'hier et d'aujourd'hui qui nous deviennent aussi proche que l'auteur dont on partage les tourments. Un beau livre sur la vie qui va qui n'apporte pas de réponse mais qui nous a fait partager un moment d'humanité.
Commenter  J’apprécie          40
John Banville nous entraîne dans les souvenirs et la détresse de Max qui ne se remet pas du décès de sa femme Anna, il est revenu vivre aux Cèdres, une propriété dans laquelle il a des souvenirs d'enfance, il y a fréquenté la famille Grace, qui l'a fasciné, qui lui a offert ses premiers émois, mais dont la vie au bord de mer a basculé. Les moments que Max a vécu avec les Grace, ceux de l'agonie de sa femme, ceux des dernières rencontres avec sa fille et ceux qu'il vit dans sa vie présente, alternent dans sa mémoire brouillée par le chagrin. Les jours heureux, les jours de peines, tous se bousculent autour d'un personnage omniprésent: la mer.
Commenter  J’apprécie          20




Lecteurs (255) Voir plus



Quiz Voir plus

Quiz de la Saint-Patrick

Qui est Saint-Patrick?

Le saint patron de l’Irlande
Le saint-patron des brasseurs

8 questions
251 lecteurs ont répondu
Thèmes : fêtes , irlandais , irlande , bière , barCréer un quiz sur ce livre

{* *}