Lorsque Rose aborde le Japon, à l'occasion de la succession de son père qui vient de mourir, un père qu'elle n'a jamais connu, elle est une femme dans la quarantaine, seule, sans attache, fade, et plutôt triste. Elle arrive à Kyoto dans un pays qu'elle ne connaît pas, se laisse guider par le chauffeur qui vient la chercher, et par l'intendante qui l'installe dans la demeure de son père.
Tout est mystérieux au départ, mais rien n'accroche vraiment Rose qui ne sait pas ce qu'elle recherche.
Pourtant le Japon s'offre à elle à travers un parcours initiatique prévu par son père, qui la conduit de temple en temple, accompagné du mystérieux Paul, un belge maitrisant parfaitement la langue japonaise.
Tous les personnages qu'elle croise ont bien connus son père, elle seule n'en a jamais entendu parler, une censure imposée par sa mère toujours triste, une femme que la maladie a emportée récemment.
Peut-on nouer des relations amicales ou amoureuses lorsqu'on n'a pas connu ses racines ?
Muriel Barbery, que l'on connaissait tous pour avoir écrit «
L'élégance du hérisson » nous parle à nouveau d'êtres qui souffrent intérieurement, de ces « cabossés de la vie » qui tâtonnent et se cherchent, et qui parfois trouvent en leur semblable un peu d'apaisement.
Heureusement il y a Kyoto et le Japon, que l'autrice décrit si finement, et heureusement il y a la nature.
Et de la nature il y en a, avec d'abord des fleurs partout : des pivoines, des oeillets, des azalées, des iris, des fleurs de pruniers, de cerisiers, des violettes, des camélias, et bien sûr des roses. Parce que Rose est botaniste. On parlera aussi d'érable, de pin et de ces arbres qu'on imagine omni présents dans la culture japonaise. On célèbrera bien sûr le thé, sous toutes ses formes, et l'autrice nous plongera dans un univers sensuel et poétique.
Placé sous la tutelle de
Rainer Maria Rilke avec son titre,
Muriel Barbery alterne, à chaque nouveau chapitre un petit conte japonais, sorte de koan zen, en lien avec le chapitre suivant.
Nous cheminerons avec Rose qui va peu à peu s'ouvrir à la vie, comme une fleur qui s'épanouit, au contact de ce pays dont elle tombe amoureuse, à la découverte de ce père marchand d'art et grand amateur d'esthétique qui lui a tant fait défaut jusqu'ici.
«
Une rose seule » parle de racines, au sens propre et figuré, de
poésie et de Japon, mais aussi de résilience, puisque les êtres fragilisés et sensibles ont droit au bonheur, eux aussi.
Un très bel hommage à la
poésie en général, aux haïkus et à ce poème de
Rilke en particulier :
«
Une rose seule, c'est toute
les roses
et celle-ci: l'irremplaçable,
le parfait, le souple vocable
encadré par le texte des choses".