"Pourquoi avons-nous tant de mal à accepter que la vie soit un hasard?
Cette phrase qui ouvre pour ainsi dire le roman et que l'on retrouve à la dernière page est le moteur de ce livre d'
Alberto Barrera Tyszka, un livre qui parle d'amour et de mort.
Andrès Miranda est médecin. Il soigne et, parfois, il annonce leur fin prochaine à ses patients. Cela fait partie de son métier. Andrès sait qu'il ne peut pas vaincre
la maladie à tous les coups et que, souvent, c'est elle qui triomphe. Il a fait ce choix de toujours dire la vérité, quelles que soient l'angoisse et la souffrance de celui que cette vérité condamne. Au fil des ans, il s'est d'ailleurs peu à peu insensibilisé. Comment aurait-il tenu sans cela? Comment un médecin peut-il sans cesse cotoyer la mort sans prendre de la distance? Et puis un jour son père fait un malaise. Prise de sang, scanner, IRM. Javier, le père d'Andrès a un cancer. Il va mourir. Et cette vérité qu'Andrès a toujours défendue, cette vérité devient soudain imprononçable. Comment dire à ce père qu'il aime tant "Papa tu as un cancer"? le monde d'Andrès et toutes ses certitudes vacillent. Car si Andrès est un médecin rompu à ce genre de diagnostic, il est totalement dépourvu en tant que fils. Connaissait-il seulement ce père? Et n'est-il pas trop tard à présent pour lui parler?
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La maladie" est un livre sobre et grave sur un sujet tabou et pourtant universel, la mort. En moins de 200 pages, ce roman fort nous interroge sur ce que nous avons de plus intime: la peur de souffrir, celle de mourir, celle aussi de perdre ceux qu'on aime. C'est une lecture qui demande des pauses, qui nécessite de reprendre son souffle quand l'émotion devient trop forte. L'auteur nous ouvre toute une réflexion sur la fragilité de la vie mais aussi sur le désir que tout un chacun peut avoir de mourir dans la dignité.
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La maladie est un malentendu, une horreur bureaucratique de la nature, un manque absolu d'efficacité. Tout le monde désire une mort plus efficace, qui dure une seconde, aussi surprenante que fatale. C'est un désir profond qui fait partie de la condition humaine. Presque une utopie: mourir vite."
Mais la plus belle réussite de ce roman est de faire surgir la lumière d'un si noir terreau. Car "
La maladie" est un livre sur la mort, certes, mais c'est aussi un livre d'amour, l'amour entre un père et son fils. Et c'est peut-être cela que j'ai trouvé le plus bouleversant, cette relation pudique qui se dénoue enfin sur le fil de la vie. Parce qu'avant
la maladie, il y a eu l'incommunicabilité, l'incompréhension, le jeune homme qui grandit et les liens qui se distendent peu à peu. Et puis les mots qui se perdent. L'amour qui ne peut pas ou plus se dire. Alors "
La maladie" est aussi un livre sur le pouvoir des mots, ceux qui rassurent, ceux qui pardonnent, ceux tout simples qui disent le plus important: "Je suis là".
"Que veux-tu? Que puis-je faire pour toi?"
"Parle-moi, répète-t-il. Ne me laisse pas mourir en silence"