Tout le monde admet que, pour réaliser l'amour dans sa beauté, sa poésie, sa gloire, son caractère de grandeur sinon de divinité, il faut que le couple qui aime possède la triple couronne de la beauté physique, de l'intelligence, et de l'élévation des sentiments. A défaut des deux premières qualités, la troisième au moins est indispensable ; elle est la condition sine qua non de l'existence du parfait amour. Or, combien d'amants en sont doués, même faiblement ? Ils sont rares, ils sont l'exception. C'est ce qui nous amène à définir Don Juan : un voluptueux doublé d'un idéaliste, un païen lyrique, épris de la beauté au-delà de sa forme réelle, éternellement dupe de la chimère qui consiste à vouloir trouver l'infini dans l'amour terrestre.
Le donjuanisme contemporain se rattache donc à deux causes : le retour de l'esprit humain à l'idéal païen, tel que le comprennent les vrais artistes, et la résistance de plus en plus osée de l'individu aux lois restrictives ou trop étroitement régulatrices de la liberté d'aimer.