Le chagrin est égoïste, il ne parle que de soi.
27 octobre
-- Vous n'avez pas connu le corps de la femme !
-- J'ai connu le corps de ma mère malade, puis mourante.
4 novembre
Vers 18h: l’appartement est chaud, doux, éclairé, propre. Je le fais ainsi, avec énergie, dévouement (j’en jouis avec amertume): désormais et à jamais je suis moi-même ma propre mère.
Au deuil intériorisé, il n’y a guère de signes.
C’est l’accomplissement de l’intériorité absolue. Toutes les sociétés sages, cependant, ont prescrit et codifié l’extériorisation du deuil.
Malaise de la nôtre en ce qu’elle nie le deuil.
On ne parle jamais de l'intelligence d'une mère, comme si c'était amoindrir son affectivité, la distancer. Mais l'intelligence, c'est : tout ce qui nous permet de vivre souverainement avec un être.
Chacun son rythme de chagrin.
Beaucoup d’être m’aiment encore, mais désormais ma mort n’en tuera aucun.
Horrible acédie, la sécheresse du coeur: irritabilité, impuissance à aimer. Angoisse parce que je ne sais pas comment remettre de la générosité dans ma vie - ou de l'amour. Comment aimer?
15 avril 1977
L'infirmière du matin parle à maman comme à une enfant, d'une voix un peu trop forte, inquisitoriale, grondeuse et niaise. Elle ne sait pas que maman la juge.
[C'est cela bêtise]
On ne parle jamais de l'intelligence d'une mère, comme si c'était amoindrir son affectivité, la distancer. Mais l'intelligence, c'est : tout ce qui nous permet de vivre souverainement avec un être.
Pendant des mois, j’ai été sa mère. C’est comme si j’avais perdu ma fille (douleur plus grande que cela ? Je n’y avais pas pensé)