Écrire pour se souvenir ? Non pour me souvenir, mais pour combattre le déchirement de l’oubli en tant qu’il s’annonce absolu. Le - bientôt - « plus aucune trace », nulle part, en personne.
Nécessité du « Monument ».
Memento illam vixisse.
Je ne puis, symboliquement, m'abstenir d'aller, à chaque séjour à Urt, à l'arrivée et au départ, voir la tombe de mam. Mais arrivé devant, je ne sais que faire. Prier ? Qu'est ce que ça veut dire ? Quel contenu ? Simplement l'ébauche fugitive d'une mise en position d'intériorité. Je repars donc tout de suite.
Partager les valeurs du quotidien silencieux (gérer la cuisine, la propreté, les vêtements, l'esthétique et comme le passé des objets), c'était ma manière (silencieuse) de converser avec elle. - Et c'est ainsi qu'elle n'étant plus, je peux encore le faire.
Quand mam. vivait 'c'est-à-dire toute ma vie passée), j'étais dans la névrose par peur de la perdre.
Maintenant (c'est là ce que le deuil m'apprend), ce deuil est pour ainsi dire le seul point de moi qui ne soit pas névrotique : comme si mam. par un dernier don, avait emporté loin de moi la mauvaise partie, la névrose.
Qu'ai-je à perdre maintenant que j'ai perdu la Raison de ma vie - la Raison d'avoir peur pour quelqu'un.
Suis ou déchiré ou mal à l’aise
et parfois des bouffées de vie
Je ne souhaite rien d'autre que d'habiter mon chagrin.
Solitude = n'avoir personne chez soi à qui pouvoir dire : je rentrerai à telle heure ou à qui pouvoir téléphoner (dire) : voilà, je suis rentré.
Tout recommençait aussitôt: arrivées de manuscrits, demandes, histoires des uns et des autres et chacun presant devant lui, impitoyablement, sa petite demande(d'amour, de reconnaissance): à peine eut-elle disparu, le monde m'assourdit de :- ça continue.