Le roman est assez long et l'autrice prend donc le temps de développer son histoire. Nous suivons principalement Alex, qui travaille dans le milieu de l'édition, mais qui reste tourmentée par une rupture amicale avec Wren, l'amie de ses années de jeune adulte. Alex et Wren sont passionnées d'écriture et d'une autrice en particulier : Roza Vallo. Autrice au succès indéniable, elle a publié 6 romans noirs et gothiques. Adulée par les féministes, elle a choisi de se retrancher dans un manoir isolé au sombre passé, Blackbriar. Un peu plus d'un siècle plus tôt, Horace Hamilton et sa femme Daphné y ont été retrouvés morts, chacun à un bout du manoir. La légende raconte que Daphné avait l'habitude de faire des séances de spiritisme et aurait convoqué l'esprit d'une démone, Lamia, qui rôderait encore dans le manoir.
Roza Vallo propose donc un concours : cinq jeunes romancières pourront venir passer un séjour d'un mois dans son manoir, afin de rédiger le prochain grand roman américain. L'occasion pour chacune de ces femmes de déconnecter des réseaux, se couper du monde extérieur et se consacrer à l'écriture. Triées sur le volet par la grande Roza Vallo elle-même, Alex ainsi que Wren, son ancienne meilleure amie, devenue son ennemie, sont convoquées au manoir. Trois autres jeunes femmes, Taylor, Keira et Poppy, seront aussi de la partie.
Le début est tout ce qu'il y a de plus banal : la vie d'une jeune femme new-yorkaise tourmentée, qui n'arrive plus à écrire et vénère une autrice. Puis la découverte du manoir et des règles mises en place par Roza, ainsi que l'ambiance délétère entre Alex et Wren. Tout cela contribue à rendre l'atmosphère pesante. D'autant plus que l'extérieur n'est guère mieux : les premières voisines du manoir sont des bonnes soeurs vivant dans un couvent à une vingtaine de kilomètres et une tempête de neige empêche toute sortie.
À partir du milieu du roman, l'intrigue se fait plus sombre et intense et elle s'enchaîne sur un mode "action". Il y est moins question de réflexion que de prendre rapidement de bonnes décisions. Quelques longueurs apparaissent par moments. Puis vient le dénouement, qui nous permet enfin de respirer un peu.
Pour un premier roman, j'ai trouvé qu'il y avait une très bonne gestion de la tension et des rebondissements. Hormis le début qui peut paraître lent et la fin un peu longuette, le roman bénéficie d'un rythme haletant et d'un suspense qui nous empêchent de poser le livre.
L'autrice dresse des portraits de femmes tout en nuance, leur psychologie est développée et d'une grande justesse. Je me suis retrouvée dans leurs questions, leurs tourments, leur façon de voir les choses. C'est sûrement le grand point fort de ce roman : malgré ce qui se passe d'assez fou, on parvient à s'identifier à certaines de ces femmes.
En revanche, Roza Vallo est dès le départ un personnage insupportable, toxique et manipulatrice. Les journalistes qui l'ont suivie ont donné du grain à moudre à des milliers de jeunes femmes, en faisant d'elle une icône féministe et charismatique, alors qu'elle est un horrible personnage mal élevé, publiquement et en privé. On retrouve un phénomène qui ne cesse de me surprendre : le fait qu'une personne soit exécrable la rend plus intéressante. Ce genre de personne arrive toujours à trouver des gens prêts à lui manger dans la main.
Quelques scènes de s*xe peuvent surprendre le lecteur. En effet, je n'ai pas toujours trouvé ça pertinent, mais puisque nous sommes dans une époque où les auteurs en saupoudrent allègrement pour se faire publier et que les éditeurs y voient là une manne financière... nous sommes obligés d'en passer par là.
Un rythme haletant, des rebondissements qui servent l'histoire, des personnages attachants. Des réflexions peut-être un peu communes (l'idée qu'il faut souffrir pour écrire), mais une grande maîtrise dans la construction des personnages et leurs réactions. C'est prometteur et ça m'a fait passer un bon moment.
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