Il n'était pas prévu que P'tit Cousu sorte de ma pile à lire si tôt. Mais étant donné qu'aller récupérer le véritable objet de ma quête « en bas de la 2e rangée de la pile de cartons désormais plus grande que moi » en ayant une épaule détruite n'était pas vraiment l'idée du siècle, j'ai jeté mon dévolu, un peu au pif, sur des volumes plus accessibles. Voilà comment je me suis retrouvé à entamer en plein mois de Février une lecture jusque-là précieusement gardée de côté pour Halloween...
Le truc, c'est qu'avant même de commencer ma lecture, je savais que j'allais adorer. D'une part parce qu'à l'époque de son achat, la série m'avait séduit par son niveau de langue et la beauté des objet-livre : somptueuses illustrations monochrome dans un style très burtonien, pages filigranées, tranches teintes, couvertures satinées rehaussées de vernis sélectif et d'effets métallisés... : clairement, c'est ÇA qu'on aimerait voir partout ! Et pourtant, malgré le soin apporté à cette version française, Bayard a (comme trop souvent...) choisi d'interrompre la publication de la série en plein milieu. Pendant ce temps, en Angleterre, les aventures de P'tit Cousu sont toujours en cours, avec 6 tomes parus à l'heure où j'écris ces lignes.
Mais bon, ne boudons pas notre plaisir : si la série n'est désormais plus disponible qu'en occasion en France (le troisième tome se négociant d'ailleurs assez cher), chaque volume se suffit à lui-même, laissant intact le plaisir de lecture et évitant toute frustration. Tout au plus un goût de trop peu, mais pas d'inachevé.
Bon, on s'en doute un peu avec tout ce noir, aussi bien sur le livre que dans les illustrations, ce n'est pas une lecture à l'ambiance joyeuse. le professeur Erasmus, qui a donné la (presque-) vie à P'tit Cousu, est en quelque sorte un artiste : pour lui, seul le processus créatif compte et les résultats de ses expériences se retrouvent totalement livrées à elles-mêmes à partir du moment où elles s'animent. Autant dire que les plus dangereuses feraient des dégâts prodigieux dans le village du coin si P'tit Cousu ne s'était pas donné pour mission de protéger son maître à tout prix. Et ce, bien que l'homme, qui l'a abandonné bien des années plus tôt, n'ait même pas conscience de sa présence...
Ça a beau être un roman jeunesse, c'est quand même très LE GLOOM. Trahi une fois, P'tit Cousu n'éprouve aucune envie de se mêler à ceux qu'il a aidé au fil des ans, se contentant de la loyauté à sens unique qu'il éprouve pour Erasmus, étouffé par son besoin d'être aimé, d'être unique. Quitte à se laisser aveugler par de belles paroles et faire de mauvais choix...
L'histoire de P'tit Cousu se montre assez prévisible dans sa première moitié, mais n'en reste pas moins accrocheuse, tant l'univers créé par
Guy Bass se révèle enchanteur. On sourit un peu, la gorge se serre à plus d'une reprise, on se sent un peu agacé par un meilleur ami autoproclamé et pétri d'un peu trop de bonnes intentions... le tout se déroule en huis-clos au château, mais ce n'est pas gênant, l'intrigue étant centrée autour des protagonistes et surtout des sentiments de P'tit Cousu. le texte s'avère fluide, aéré par de très nombreuses (et belles) illustrations, mais aussi des polices variées qui rendent le texte encore plus dynamique. Et le meilleur, c'est que l'auteur réussit par-dessus à nous surprendre, avec un petit retournement de situation bien troussé.
Le seul petit bémol, c'est la façon dont s'exprime l'un des personnages, avec des majuscules partout, tout le temps, sans raison, qui rendent la lecture assez désagréable. Et c'est tout. Vraiment, c'est le seul défaut du livre. Même en cherchant la petite bête, il n'y a rien d'autre à reprocher !
P'tit Cousu, c'est donc l'exemple typique du roman plus « tous publics » que « jeunesse » ; avec son fond plus sérieux qu'il n'y paraît et sa forme finement ciselée, l'oeuvre a tout pour séduire sans mal un lectorat adulte.
Quel dommage que l'éditeur français ait abandonné la série...