Au XVIe siècle sous le règne de Akbar, petit-fils de Bâbur l'envahisseur de l'Hindoustan, dans la ville impériale moghole d'Agra, vit un petit garçon rebelle, plein de vie et de malice, scrutant tout ce qui l'entoure pour s'en inspirer dans des miniatures égalant celles, entre autres, de Bihzâd d'Herat et de Tabriz ,ce qui le fera nommé Petit Bihzad. Son père le Khwaja, maître des artistes du Kitab-khana, atelier royal de miniaturistes de la cour, espère le voir lui succéder.
«Dès le début, il avait traité l'enfant avec précaution, évitant toute punition. Il avait interdit qu'on lui enseigne le Coran... Ce garçon devait vivre dans ses propres rêves, pas dans ceux des autres. Il avait laissé Bihzâd illettré, pour qu'il découvre ses propres secrets avant de découvrir ceux des livres, avant que les mots et les chiffres ne polluent son amour pour la beauté des images.»
Zuleika sa belle-mère va elle-aussi parfaire son éducation en lui lisant des contes, en éveillant ses sens. Elle va et vient librement, exerçant ses talents de parfumeuse et pourvoyeuse d'onguents au sein du harem. Zuleika ,«la marchande de beauté».
«Le faisant asseoir sur le lit, elle lui versait une goutte odorante entre les paumes et les frottait l'une contre l'autre. En un instant, mille boutons de roses fleurissaient. Elle lui interdisait alors de se laver les mains»
Confié par son père à l'atelier de Mir Sayyid Ali, Bihzad, tout en restant fidèle à lui-même, va atteindre la perfection dans l'art de la miniature.
Ce roman, en partie historique, va nous conter la vie aventureuse de Bihzad qui aurait du succéder à son père mais que des dessins réalistes, avouant son amour pour Akbar l'empereur, découverts par la malveillance de ses concurrents, vont faire bannir loin de la cour où il aurait du briller. Nous le suivons alors dans sa vie d'errance, aventureuse et parsemée de rencontres pittoresques.
La lecture de ce livre rend palpable la vie de cette époque et donne l'impression d'être sous l'emprise d'un de ses conteurs orientaux qui capte l'attention et font rêver et palpiter à leur écoute. Il nous fait traverser la période du règne d'Akbar la plus florissante de l'empire Moghol, d'une très grande richesse artistique mais aussi pleine de fureur , de violence et de cruauté.
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Superbe roman qui parle avec délicatesse des miniaturistes d'Agra à l'époque de la splendeur de l'Inde. L'écriture est sensuelle et très onirique. A conseiller à tous ceux qui admirent les miniatures persanes et l'histoire...
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Ce qui flottait sur les toits des havelis (demeures,petits palais, maisons de maître parfois fortifiés) avait été créé par les doigts habiles de Bihzâd. Sur les cerfs-volants, il avait fait des dessins, délicatement peints, comme tous ses portraits. Il avait tracé le visage de ses voisins dans les moindres détails. Puis y avait ajouté sa malice. Le général veuf se pavanant comme un paon.
Un artiste, Bihzâd, tu sais ce que c'est ? Le plus pur d'entre les purs. Le seul à oser faire ce qu'Allah a fait : donner vie à la forme. La souillure, chez un artiste, ce n'est ni le vin, ni les suçons des prostituées, mais la cupidité. C'est sacrifier son talent, et ses rêves, à l'agilité de ses doigts.
Un eunuque vit de la haine. Chaque jour de sa vie. Comme un artiste vit de l'amour, l'amour de sa peinture. Que se passe-t-il lorsque sa haine se tarit ? Quand l'esprit meurt, Bihzâd, le monde entier se fait exil. Et tout se ressemble : le palais de l'empereur comme le désert.
Même si tu l'aimais, elle n'aurait pu être tienne. L'art, c'est tout ce qui reste à l'artiste : une blessure qui ne guérit jamais, qui l'entraîne vers sa tombe, son ultime amante.
Souviens-toi, Bihzâd, l'oiseau qui chante vit en cage. Le hibou vole en toute liberté.