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Bataille, c'est l'obsession de l'érotisme et de la transgression dans un horizon de médiocrité, de petitesse et d'aigreur.
Comme il l'écrivait dans l'avant-propos à L'expérience intérieure :

« N'importe qui, sournoisement, voulant éviter de souffrir se confond avec le tout de l'univers, juge de chaque chose comme s'il l'était, de la même façon qu'il imagine au fond, ne jamais mourir. Ces illusions nuageuses, nous les recevons avec la vie comme un narcotique nécessaire à la supporter. Mais qu'en est-il de nous quand, désintoxiqués, nous apprenons ce que nous sommes? Perdus entre des bavards, dans une nuit où nous ne pouvons que haïr l'apparence de lumière qui vient des bavardages. »(10)

Cet état d'existence qu'il explore de manière qui paraît si authentique qu'il sera compris comme un malade nécessitant des soins par Breton (qui en a pourtant vu d'autres), voilà qu'il l'expose ici par le biais d'un roman au titre on ne peut plus trompeur.
Le titre est en effet l'antithèse du contenu de la trame principale du roman, consacrée à la noirceur la plus plate et déchéante qui soit.
Lorsque quelque chose comme un « ciel bleu » apparaît tout de même, c'est par le biais de personnages secondaires féminins qui croisent la route du personnage principal et à chaque fois, c'est pour être contaminé, sali, rabaissé et finalement rejeté à l'extérieur des possibilités actualisées par le personnage principal.
Manifestement, pour Bataille, la femme comporte quelque chose de beau, de bien, de saint qui doit être rabaissé, traîné dans la boue, maltraité. Chacune des femmes qui croise sa route est détentrice d'une qualité (beauté physique pour Dorothée (surnommée Dirty dans le roman)), empathie pour Xénie (nom qui évoque l'étranger, l'extérieur), implication politique idéaliste pour Lazare (qui ne ressuscite pas d'ailleurs) que le personnage s'ingénie à entraîner dans son désarrois vers quelques mauvais quarts d'heures de mal être profond.
Rien ne résume mieux le contenu du roman que la citation suivante :

« Un soir, à la lumière du gaz, j'avais levé mon pupitre devant moi. Personne ne pouvait me voir. J'avais saisi mon porte-plume, le tenant, dans le poing droit fermé, comme un couteau, je me donnai de grands coups de plume d'acier sur le dos de la main gauche et sur l'avant-bras. Pour voir... Pour voir, et encore : Je voulais m'endurcir contre la douleur. Je m'étais fait un certain nombre de blessures sales, moins rouges que noirâtres (à cause de l'encre). Ces petites blessures avaient la forme d'un croissant, qui avait en coupe la forme de la plume. »(149)

Ces méchants chapitres défilent en effet comme de petits coups sournois sur l'âme bonne, sur l'esprit serein, sur l'existence saine, pour en faire gicler le sang en le maculant d'encre noire et sale.
Bref, ce roman sans âme, souillé, rance, où la déchéance est si complète et dénuée de grandeur qu'elle en devient franchement ennuyante saura à coup sur affecter la bonne humeur la plus radieuse et ne décevra certainement pas son lecteur averti.
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Écrit en 1935, ce court roman ne sera publié qu'en 1957. L'auteur, dans l'Avant-propos, affirme avoir renoncé de lui-même à faire publié le texte dans les années 30, mais encouragé par des amis qui trouvaient de l'intérêt au texte, il finit par le présenter au public, même s'il considère que les événements survenu depuis l'écriture du texte ont diminué sa pertinence « devant la tragédie elle-même, quelle attention prêter à ses signes annonciateurs ? »

Parce qu'en effet, on peut lire le texte en partie comme prémonitoire des guerres et horreurs à venir en Europe. Henri Troppmann, le personnage principal et narrateur semble être un riche oisif, marié avec une femme que nous ne verrons jamais, et qui se livre à des excès divers, en particulier avec sa maîtresse, Dirty. le livre commence à Londres, dans un bouge, puis dans un hôtel, dans lequel Dirty et Troppmann se réfugient, dans un état plus que lamentable, et se livrent à des excès. le reste du roman est une sorte de fuite en avant, à travers le continent européen. Finalement, le narrateur, abandonné par Dirty, se retrouve à Barcelone, juste avant le début de la guerre civile. Il arrive à y faire accourir Xénie, une jeune femme rencontrée à Paris, sur laquelle il a assis son emprise, bien qu'il ne lui ai pas caché grand-chose de ses turpitudes (impuissance, nécrophilie etc). Et Dirty s'apprête aussi à le rejoindre, ce qui provoque une situation pour le moins compliquée, dans un monde en train de s'embraser. le livre se clôt en Allemagne, à la fois sur les excès du couple, et sur la violence qui monte dans le monde.

Il y a sans aucun doute le désir de choquer, de provoquer le lecteur chez Bataille, même si actuellement tout le contenu sulfureux est devenu bien plus banal qu'au moment de l'écriture du livre. Plus intéressant est le personnage de Troppmann, qui se débat dans l'absurdité du monde, auquel correspond un vide intérieur. Comme les excès et cruauté du personnage renvoient à la violence et aux excès du monde dans lequel il évolue. Cela annonce d'autres personnages du même acabit, comme le Meursault de Camus.

Ce n'est sans doute pas complètement convaincant, mais il y a des sortes d'intuitions, d'annonces, de fulgurances qui rendent le livre intéressant.

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Avec ce genre de texte, on ne se pose plus la question de savoir si c'est bien écrit... C'est écrit ! C'est-à-dire que c'est risqué, je suis du même avis que Bataille en ce qui concerne les oeuvres méritant d'être lues et les autres.. La différence est affaire de nécessité, d'urgence ; si l'on s'assoupit (à la lecture ou pendant l'écriture..), c'est raté !
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Ecrit en 1935, mais paru en 1957, le Bleu du Ciel annonce la Seconde Guerre mondiale qui ébranlera encore une fois toute l'Europe. On suit le narrateur, Henry Troppman, dans ses pérégrinations à travers l'Europe et ses désirs morbides, ses souffrances nauséeuses. Des bouges de Londres aux cabarets de Paris, des insurrections communistes de Barcelone aux défilés nazis de l'Allemagne, ce roman est un long cauchemar parsemé de quelques lueurs d'espoir. Henry Troppman annonce le Meursault de Camus ou le Corentin de Sartre, des êtres un peu perdus face à l'absurdité du monde, dégoûtés par les horreurs de la réalité. Mais plus qu'un simple regard lucide et froid sur notre condition, le personnage de Bataille fusionne les pulsions de mort et de vie, allie Éros et Thanatos.
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« Le bleu du ciel », écrit en 1935 mais publié dans son intégralité qu'en 1957, est un récit assez étrange parce qu'il n'y a pas de réelle évolution de la narration entre le début et le dénouement de l'histoire. On est très loin, ici, d'autres de ses oeuvres obscènes tel que « Histoire de l'oeil ».

On pourrait penser justement, en lisant l'introduction, que l'auteur succomberait encore une fois à ses vieux démons d'écriture, lors de cette soirée d'ivresse dans la chambre d'un bouge des plus crasseux d'un quartier de Londres, entre le narrateur Troppmann et sa femme surnommée Dirty.
Puis arrive la première partie et l'intrigue se resserre uniquement sur Troppmann à Paris et de sa rencontre avec Lazare, une femme pour laquelle il ne ressent aucune attirance aux premiers abords mais avec qui va finalement se nouer une amitié si l'on peut dire. Enfin, Il rencontrera, lors d'un dîner, Xénie. Son dégoût de lui-même ainsi que son instinct bilieux le mèneront jusqu'à Barcelone, en pleine guerre civile, là où sa femme le rejoindra dans un état aussi misérable que lui. Étrangers en partie de ce qui approche à grand pas, l'horreur de la seconde guerre mondiale, mais sous la nécessité de subir ses aléas, ils voguent de-ci de-là sur un torrent d'amertume et de douleur d'où ils se sortiront par la seule force de leur courage à vivre malgré tout.

On peut s'apercevoir que chaque protagoniste possède son lieu, son décor de prédilection : pour Troppmann et Xénie il s'agit de Paris, pour Dirty c'est toujours à l'étranger que ce soit Londres ou l'Allemagne et Barcelone pour Lazare.

L'un des meilleurs romans de Georges Bataille, et on comprend également pourquoi le cinéaste Jean Eustache s'en est inspiré en filigrane dans son film fleuve "La maman et la putain" car la mort, la terre et la cendre y sont présents à chaque page.
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J'avoue ne pas avoir vraiment aimé ce livre écrit en 1934 ( en Espagne au moment des prémices de la guerre d'Espagne et de la deuxième guerre mondiale) et au sadisme omni-présent.
Le bleu du ciel relate la fuite d'un homme déchiré Tropmann, en quête d'identité à travers l'Europe
Un bleu chargé des lourds nuages noirs de la mort, de la maladie,de l'exhibitionisme et de la nécrophilie.
Tropmann va être, tour à tour, attiré par trois femmes et va osciller entre ses pulsions érotiques, sa perversion et ses pulsions de mort. En parrallèle, émerge le conflit du monde.
Tout d'abord un bordel de Londres: il croise Dirty (Dorothéa) qui prend son pied face aux représentations cadavériques et se laisse planter une fourchette dans la cuisse. Tropmann qui trompe sa femme Edith, se retrouve impuissant.
Puis, c'est Vienne.Paris.Il rencontre Lazare "oiseau de malheur"hideuse de haine.
Enfin, la gentille Xénie qui lui servira de garde malade lorsqu'il se noiera dans l'alcool et que son "existence" s'effritera "comme une matière pourrie.
Qui choisira t il, alors qu'à Francfort-sur-le-Main, la jeunesse hitlérienne monte "vers les temps nouveaux"?
Dur à lire! Surtout lorsque la mort est jouissive et que "la terre sous ce corps était ouverte comme une tombe, son ventre s'ouvrit à moi comme une tombe fraiche."
Mais bon, il en faut pour tous les gouts!
Une écriture douloureuse issue sans doute d'une enfance entre un père paralysé aveugle et une mère dépressive, à moins que ce ne soit de la vie dissolue entre sexe, jeu et beuveries dont Georges Bataille était friand ou tout simplement d'une psychopathologie sous-jacente.
Les thèmes de l'angoisse,la mort,les femmes,la recherche des limites,la provocation,l'interdit,la jouissance,encore et toujours.
Idem pour les autres oeuvres de Georges Bataille qui pourraient s'apparenter à Sade et au Procés de Gilles de Rais.

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Si je trouvais Les carnets du sous-sol de Dostoevski assez spécial dans le genre, je ne sais que dire pour ce livre-ci. Car si l'auteur y apporte des références, il va beaucoup plus loin pour ce qui est des fantasmes glauques de son personnage principal. Ce livre conte l'histoire de Jean qui erre entre France et Espagne (lors de la guerre civile) entouré de Dirty, Xénie et Lazare, trois femmes très différentes qui vivent à peu près les mêmes déchéances que le narrateur.

Car cet homme ne sait que faire pour s'élever parmi les siens. Il n'ose s'attacher à quiconque par peur, voire lâcheté, et à ces moments-là du récit, je n'ai pu que détester ce personnage qui n'essaye même pas de se battre, qui se flagelle en n'essayant nullement d'évoluer. En plus de cela, il s'adonne à des fantasmes assez spéciaux, dû en partie à son grand intérêt des cadavres et des travers humains.

Les trois femmes vont lui apporter chacune des choses différentes. Lazare le met hors de lui, il n'arrive pas forcément à la cerner et se sent toujours inférieur face à elle, même s'il essaye toujours de la représenter uniquement par sa laideur pour avoir quelque ascendant. Dirty qui se complaît dans ce style de vie et qui s'adonne à certains penchants communs avec Jean. J'ai eu l'impression qu'elle avait plus le contrôle d'elle-même que notre personnage, qu'elle était maître de sa vie. Et enfin Xénie, la gentille fille qui essaye d'aider Jean. On se demande pourquoi elle se retrouve mêlée à cette histoire sordide, moi qui l'est vu comme l'agneau blanc réuni avec les loups. Mais elle apporte une certaine douceur et un petit espoir pour Jean et toute cette vie dévastatrice.

Donc, malgré toute cette atmosphère poreuse et noire, cette fin sans grand espoir, j'ai réussi à être captivée par ce récit. Les pensées parfois floues, parfois glauques de ce personnages m'ont intéressé, j'ai eu envie de le connaître davantage pour en comprendre toute sa psychologie (ce que j'aurais aimé si ça fait été encore plus approfondi). Ce livre a su se montrer intriguant, et le sera pour ceux qui aiment ce genre (littéraire ou autre). À ne pas laisser cet ouvrage entre toutes les mains. Mais si j'ai apprécié ce livre, je recommande largement Les carnets du sous-sol, référant du genre !
Lien : http://entournantlespages.bl..
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Georges Bataille met quasiment 20 ans à publier le bleu du ciel, et c'est une chose qu'on peut comprendre une fois le livre terminé. le personnage principal, Troppman est ce qu'on appellerait aujourd'hui un véritable sadique, un paranoïaque, un manipulateur obscène. Mais l'est-il complètement, comparé au décor du roman qui gronde derrière les lignes ?

On le suit à travers toute cette Europe pré Seconde Guerre Mondiale, à chaque fois entouré de femmes (dont la sienne) avec qui il ne cherche qu'à se détruire tout en les détruisant à leur tour psychologiquement.

De Paris aux bars malsains londoniens, des insurrections communistes de Barcelone aux rues d'Allemagne peuplées d'enfants nazis, on suit toute cette histoire comme un cauchemar moite, un lendemain de cuite sans alka seltzer, et pourtant. Pourtant.

C'est un regard lucide sur ce à quoi peut ressembler la crasse de cette époque ; les personnages sont perdus et tentent par tous les moyens de réduire leur vie face aux dégoûts des horreurs de la réalité.

On ne pourrait pas offrir le bleu du ciel à n'importe qui à part à soi-même, disons pour les moments de désespoir et c'est beaucoup trop beau et nihiliste pour l'échanger. C'est exactement ce petit éclat d'encre noir, que j'aime par dessus tout !
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~ Eros & Thanatos ~

« Un peu plus, un peu moins, tout homme est suspendu aux récits, aux romans, qui lui révèlent la vérité multiple de la vie. Seuls ces récits, lus parfois dans les transe, le situent devant le destin. Nous devons donc chercher passionnément ce que peuvent être des récits - comment orienter l'effort par lequel le roman se renouvelle, ou mieux se perpétue »
Avant-propos

Ne vous fiez pas au titre, ce livre est un ciel en dépression, il nous entraîne avec lui de manière vertigineuse !

Un homme fuit tout le monde et surtout lui-même à travers une Europe qui gronde entre deux guerres, tourmenté de ses pulsions perverses & ses pulsions de mort, Troppman fréquente trois femmes qui suscitent en lui tantôt, l'amour et le désir, tantôt la répulsion et l'écoeurement.

Bataille a un style très maîtrisé, aucun mot n'est laissé au hasard, paradoxalement poétique en dépit de l'ambiance macabre qui y règne !

Transgressif, vertigineux, moite & violent ! Force est de constater que l'oeuvre Bataillienne est Beaucoup plus faite pour les alcôves que pour les bibliothèques.
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Le livre commence dans un bouge de Londres et se termine dans une gare de Francfort. Entretemps, entrelieu, nous suivons Henri Troppmann à Paris et Barcelone.

Que dire à propos de ce livre? Que Bataille l'avait abandonné et qu'il ne fut publié qu'à la suite de l'encouragement de ces amis? Que le livre est écrit en 1935? Qu'il y déploie les salissures de l'âme humaine et de sa passion morbide pour la mort. Troppmann ne fantasme-t-il pas sur la nécrophilie? ne va-t-il pas jusqu'à imaginer faire l'amour à sa mère qui vient de mourir?

C'est un peu tout cela. Tous les personnes du roman sont mus par une vague autodestructrice, malades, illusionnés et désillusionnés, au bord des fenêtres à de multiples reprises, au bord de l'abîme.

Des débuts de la guerre civile espagnole à la rencontre avec les jeunesses hitlériennes, la fin du roman donne une ampleur insoupçonné au reste du livre qui, il faut bien l'écrire, n'est pas agréable à lire.
Ses relations aux femmes de "sa vie" sont nauséabondes et obscures, sujets de passion et de d'exécration.

A la fin du roman, Dirty s'inquiète de l'arrivée de la guerre, de l'inévitabilité de la mort des enfants, souhaitant la guerre tout en sachant qu'elle est un monstre.

Un concentré de misanthropie à l'aube d'une décennie effroyable pour l'humanité.
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