Citations sur Arcadie (151)
Car j'ai un peu le sentiment d'avoir été le dindon de la farce, ce qui, à notre table végétarienne, est tout de même un comble.
Je connais trop bien les ruses rhétoriques de mon mentor, sa capacité à attendrir les cœurs, à ouvrir les esprits, à tirer le meilleur de nous-mêmes. J'attends la suite, l'obligation qui va nous être faite d'ôter nos œillères et de faire bon accueil à tous les migrants, à commencer par Angossom le magnifique. Or, la suite tarde à venir : Arcady patauge, trouve des excuses à tout le monde, aux demandeurs d'asile comme à ceux qui le leur refusent, et au bout d'un quart d'heure de
ratiocinations et circonvolutions acrobatiques, finit par trancher en faveur du protectionnisme et de la vigilance citoyenne :
— Bon, nous allons cadenasser ce qui doit l'être : les chambres inoccupées, le cellier, le grenier. De votre côté, ouvrez l'œil. Et si vous tombez sur des intrus, demandez-leur gentiment et fermement de quitter les lieux. Au besoin, menacez-les d'appeler les gendarmes.
Pages 307-308, P.O.L, 2018
Cela dit, je ne connais aucun adulte qui s'imagine faire son âge : tous sont convaincus qu'on leur donne dix ans de moins.
L'amour est faible, facilement terrassé, aussi prompt à s'éteindre qu'à naître. La haine, en revanche, prospère d'un rien et ne meurt jamais.
C'est drôle, la vitesse à laquelle la plupart des gens se spécialisent : à vingt ans, c'est plié, non seulement ils aiment les hommes à l'exclusion des femmes, ou l'inverse, mais encore ils vont préférer les bruns aux blonds, les sportifs aux intellos, les Noirs aux Arabes, etc.
C'est bien joli de se faire lutiner, mais je n'aurai pas toujours la chance de tomber sur des amoureux omnivores et pas regardants : si je veux une suite à ce bel été, je dois déterminer si je suis une fille ou un garçon au lieu de rester dans l'indétermination à laquelle mon corps incline irrésistiblement.
Heureux les riches, car non seulement ils sont riches mais ils ont le droit de profiter du royaume enchanté avant tout le monde. Malheureux les autres, les exilés, les réfugiés, les démunis ! Je pense à eux, bien sûr, mais à quoi bon penser quand ce qu'il faudrait c'est ouvrir grand les portes, abattre les grillages, lever le siège, partager les récoltes, céder la citadelle.
Je ne sais toujours pas qui je suis, mais la liste de mes envies est infinie - et celle de mes détestations ne l’est pas moins. Hors de question que je vive comme tout le monde et que je consacre l’essentiel de mon temps à me remplir de nourritures industrielles, d’images ineptes et de musiques dépourvues d’âme. On se résigne toujours trop vite à être une poubelle.
L’arrivée de l’été m’ayant provisoirement délivrée de toute obligation scolaire, je n’ai rien d’autre à faire que d’être moi à temps plein.
je n'en veux pas, moi, de ce programme : ça ne m'a jamais fait envie, l'attirail masculin, la panoplie complète, les attributs génitaux pourpres et fripés, les tambours battants, la sonnerie au clairon, les efforts incessants et sans cesse ruinés pour être à la hauteur, toute une vie d'inquiétude, non merci! Je préfère la conque close sur ses triomphes, la victoire sans chanter, les grappes de ma vigne : le château de ma mère, ce royaume bien administré, plutôt que la gloire de mon père, toujours fragile et menacé.