Parce que s'ils sont vraiment morts, ils emportent avec eux tout le reste, les aubes d'été, le vent dans les saules, les rires éclatants, la caresse d'être. La vie est affreusement courte et tragiquement dépourvue de sens.
Arrête de dire « secte », c’est pas une secte ! Et Arcady, il a attendu que j’aie plus de quinze ans, je te rappelle ! C’est lui qui n’a pas voulu coucher avant : moi, j’étais prête ! Même à treize ans, j’étais archiprête ! C’est même moi qui l’ai harcelé ! – Ca change rien ! Tu le considérais comme ton père spirituel, tu m’as dit ! Alors, c’était carrément de l’inceste ! Ca me dégoûte ! Si vu de l’extérieur mon histoire avec Arcady ressemble à de l’abus sur mineur par personne ayant autorité, j’en suis désolée, et ça m’apprendra à la raconter à des gens qui ne sont pas en mesure de la comprendre voire d’en admettre l’existence. Désormais, je vais garder pour moi le récit de mon enfance hors normes dans une confrérie du libre esprit. Je vais même y penser aussi peu que possible, à cette enfance. J’ai dix-sept ans : l’âge adulte, c’est maintenant.
Mon heritage est là aussi, dans la certitude que l'infraction dout primer sur la norme, dans la conviction qu'il ne peuty avour de vie qu'irrégulière et de beauté que monstrueuse.
Crétine. Je suis ce que tu ne t'autoriseras jamais à être : une fille aux muscles d'acier, un garçon qui n'a pas peur de sa fragilité, une chimere dotée d'ovaires et de testicules d'opérette, une entité inassignable, un esprit libre, un être humain intact.
-Regarde, rien que les titres sont tout un programme : seul un homme pouvait écrire Guerre et paix, et seule une femme pouvait écrire Raison et sentiments!
Mis bout à bout, nos rêves disent la même chose : ils disent que nous avons peur de la fin -même moi, qui n'en suis pourtant qu'à mon début. Un début mal engagé, mais un début quand même.
Nous avions peur et nos peurs étaient aussi multiples et insidieuses que les menaces elles-mêmes. Nous avions peur des nouvelles technologies, du réchauffement climatique, de l'électrosmog, des parabènes, des sulfates, du contrôle numérique, de la salade en sachet, de la concentration de mercure dans les océans, du gluten, des sels d'aluminium, de la pollution, des nappes phréatiques, du glyphosate, de la déforestation, des produits laitiers, de la grippe aviaire, du diesel, des pesticides, du sucre raffiné, des perturbateurs endocriniens, des arbovirus, des compteurs Linky, et j'en passe.
Il avait tort, bien sûr, mais depuis quand les torts sont-ils impardonnables?
A Liberty House, on a le droit d'être vieux, laid, malade, drogué, asocial ou improductif, mais apparemment pas jeune, pauvre et noir
Car à quoi bon prêcher l'altruisme à tous crins, le désir ardent, à la grande mansuétude, la bonté, le pardon, si c'est pour renâcler au premier obstacle, au premier demandeur d'asile, au premier migrant noir et désargenté ?