Drag : un art queer qui agite le monde

"Le désir de liberté est précédé par l'oppression", écrivait la grande Toni Morrison.
Et à l'immense oppression que connaît la communauté queer, répond un désir de liberté immense lui aussi.
(Je rappelle que l'homosexualité a été considérée en France comme un délit jusqu'en 1982, et comme une maladie mentale jusqu'en 1992.)
Faire du drag, c'est être homme, femme, les deux à la fois, ni l'un ni l'autre... ou n'importe qui entre les deux. C'est devenir à loisir une pin-up fluo, ou une princesse à barbe. C'est exagérer, être dans l'excès de tout : costume étincelant, maquillage outrancier, perruque monumentale.
"Si je peux sortir en ressemblant à un monstre fou, à une licorne, à un dieu ou à n'importe quoi d'autre, et que je peux être célébré pour être si radicalement différent, alors les gens peuvent sûrement accepter la transidentité, par exemple." (Cheddar Gorgeous)
Cet ouvrage, tout d'abord, fait partie de la catégorie "très beaux livres" : couverture irisée, tranches dorées, photos d'excellente qualité.
Il retrace toute l'histoire du drag, ou du travestissement, depuis l'Antiquité – et bien évidemment, les personnes queer ne sont pas "une mode", elles ont toujours existé, dans toutes les cultures et sur tous les continents.
Puis le livre met l'accent sur le drag aux 20è-21è siècles, et plus particulièrement son rôle dans la lutte pour l'égalité des droits.
Et c'est pas gagné : conter des histoires bienveillantes en tenue drag, à des enfants dans les bibliothèques, encore aujourd'hui c'est agiter un chiffon rouge devant les réacs.
"Lire des histoires peuplées de princes sensibles et de princesses rebelles est aujourd'hui l'une des facettes les plus politiques et les plus importantes du drag."
L'ouvrage trace les portraits de drag-queens parmi les plus emblématiques, et n'oublie pas les drag-kings : que des histoires tragiques de violences homophobes, de rejet, d'exclusion.
"Pour tant de personnes queers, cet art est une réponse créative et joyeuse à la violence du monde. Leur capacité à sublimer des histoires terribles est l'une des plus belles choses que l'on puisse voir : c'est un pouvoir magique."

Club de lecture février 2024 : "La PAL fraîche"