Dans cette pièce de théâtre (en deux actes avec deux personnages), ce que l'on peut remarquer de prime abord est l'abondance insistante de didascalies. En effet,
Beckett marque là toute l'originalité de son oeuvre. Son goût de la perfection, ressenti au travers de la lecture, nous permet de nous imaginer le décor, tel que
Beckett l'avait imaginé, avec une précision inouïe. On peut parfaitement fermer les yeux et voir Winnie (l'un des deux personnages) lors de l'entrée de l'acte premier, prônant un discours saccadé et incohérent tant elle est absorbée par les objets qu'elle sort de son sac et utilise : un brosse à dent, un tube de dentifrice, une glace, des lunettes, un mouchoir, etc. Sans ces didascalies d'une rigueur parfaite, nous ne comprendrions
pas le fait qu'elle n'est
pas à ce qu'elle parle, comme quand quelqu'un nous parle en cherchant un objet en même temps. Dans cette oeuvre, où semble ne se jouer que dialogues de sourds, la notion de "jour" prend une place importante : dans le titre, dans les monologues de Winnie. Tout le charme réside dans ces personnages hors norme, représentant quelque part le couple type : la femme, fouillant son sac, bavarde à tout va et l'homme (Willie), tranquille, lisant une revue, sans dire mot, presque "invisible" (mot qui revient si souvent pour le qualifier)
"Un temps long.
WILLIE – Dors.
WINNIE – (Revenant de face, joyeuse) Oh il va me parler aujourd'hui, oh le beau jour encore que ça va être !"
Tout le plaisir réside là : voir ce qu'elle va faire, guetter la chute, voir ce qu'elle va décider, va-t-elle abandonner ? Va-t-elle se laisser sombrer dans les "bouillons de la mélancolie" ? Winnie est cette femme, dont la voix se brise si souvent mais dont le sourire revient aussi vite, véritable bloc armé de courage et de patience devant sa vie : un vrai bonheur à voir jouer...