Me serais-je trompée sur le compte de
Frédéric Beigbeder ? C'est une question que je me suis plusieurs fois posée et à laquelle je ne parviens décidément pas à répondre, tant il suscite en moi de sentiments contraires... Mais reconnaissons-lui au moins une chose : c'est un cas.
Violemment irritée par l'histrion télévisuel, accablée par la piètre qualité de l'un de ses films - était-ce
99 francs ? -, je ne pensais pas pousser plus loin la découverte de ce personnage. Mais à ma grande surprise, j'ai été littéralement envoûtée par l'un de ses romans d'inspiration autobiographique,
Un roman français, que le hasard avait mis sur mon chemin. Au point d'avoir tenté la lecture d'un autre de ses livres,
Windows on the world, qui confirma le charme que l'écrivain exerçait sur moi. Contre toute attente,
Frédéric Beigbeder y donnait libre cours à une sensibilité, voire une intelligence, que le personnage public prenait un malin plaisir à camoufler sous le masque d'une exaspérante désinvolture.
C'est donc confiante et pleine d'enthousiasme que j'entamai la lecture de son dernier opus, dont le sujet était plus qu'intrigant : pensez donc,
Beigbeder en quête d'immortalité ! C'est que ce jeune père - quoique ayant découvert les joies de la paternité sur le tard -, confit d'amour pour sa fille, incapable de lui refuser quoi que ce fût, tétanisé devant l'angoisse que celle-ci exprimait de voir ses parents disparaître un jour, lui fit la promesse que la mort ne passerait pas par lui et qu'il serait le premier immortel de l'humanité. Après avoir pris un tel engagement, ne restait qu'à trouver les moyens de l'honorer...
De ce que j'avais pu entrevoir entre la quatrième de couverture et un rapide feuilletage du livre, l'écrivain explorait ce thème avec un humour réjouissant - quoique un peu potache, je vous l'accorde. En outre, je me suis très vite aperçue qu'il avait fait pour mener à bien son projet littéraire, sinon existentiel, des recherches assez poussées sur le transhumanisme et les derniers «progrès» en matière de lutte contre le vieillissement.
Plutôt intéressant comme approche. Sauf que... voilà que le publicitaire friand de formules clinquantes avait repris le dessus. A défaut de Faust, j'avais le sentiment ici d'avoir plutôt à faire à Dr Jekyll et Mr Hide ! Où était donc passé l'homme sensible et sincère que j'avais débusqué dans ses précédents ouvrages ?
Une déception d'autant plus grande que le motif se doublait de considérations sur la parentalité d'une terrifiante mièvrerie. Car la grande découverte de
Beigbeder, au bout du compte, n'est pas le secret de la vie éternelle, mais celui du bonheur de regarder grandir ses enfants. Oh ! come on, Fred ! On n'en fait pas tout un livre, on garde ce type de considération pour soi, sauf à vouloir faire fuir ses lecteurs !
L'homme ayant du savoir-faire, j'ai néanmoins poursuivi ma lecture, concédant ici ou là un sourire. Et j'avoue que la fin ne m'a pas déplu. le second degré l'emporte alors franchement et la représentation grandguignolesque des intelligences artificielles qu'il propose autour du personnage de sa fille ne manque ni de sel ni d'à-propos.
Disons que
Beigbeder aura réussi à me rattraper par la manche. Cela suffira-t-il à m'inciter à lire son prochain roman ? C'est bien possible...
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