Ce tome contient les épisodes 31 à 37 parus en 2003/2004. Il fait suite à Les traîtres (épisodes 25 à 30). Ce tome contient une histoire complète qui peut être lue indépendamment de la série, mais qui s'enrichit avec la connaissance des tomes précédents.
À l'aube de l'humanité, un groupe de 7 individus se désaltère au bord d'une mare dans un paysage désolé. L'un d'eux est reconnaissable à une mèche blanche dans les cheveux, un autre par une mèche rouge. Ils sont tous les 2 beaucoup plus costauds que les autres. La compétition entre alpha-mâles prend une envergure inattendue. Des millénaires plus tard, un guerrier barbare à la carrure impressionnante avec une mèche de cheveux blancs arrive dans un village, il cherche un endroit où passer quelques jours.
Ce tome comprend également le script du premier épisode avec le commentaire de
Brian Michael Bendis (en abrégé BMB). Il explique qu'avec le premier épisode de cette histoire, il prenait un gros risque en s'éloignant du schéma bien établi de la série : une enquête policière avec des superhéros. Son objectif est de raconter la première apparition d'individus dotés de superpouvoirs au sein de l'espère humaine, puis de montrer comment ils ont agi au sein de la société. Ce premier épisode est resté dans les annales des comics pour les relations sexuelles quasi animales, ainsi que pour son hommage à 2001, l'odyssée de l'espace de
Stanley Kubrick. le constat est que BMB et
Michael Avon Oeming (MAO) se sont lâchés pour une description crue qui reste longtemps en mémoire, mais qui fait partie intégrante du récit. Comme pour la première scène du tome précédent, BMB et MAO commence par une scène choc, sans tomber dans le voyeurisme (difficile de se sentir séduit par cette femelle), justifiée par le récit.
BMB développe donc une histoire à l'échelle de l'humanité qui va lui permettre d'expliquer au lecteur la place des superhéros et supercriminels dans la société où se déroule les enquêtes de Walker et Pilgrim. Il fait reposer cette fresque sur quelques personnages aux accents tragiques. Au fil des époques, BMB montre en filigrane la manière dont les Powers se mêlent à la société, mais il raconte avant tout l'histoire de ses personnages, leur quête du sens de leur différence, le poids des responsabilités liées à leurs pouvoirs (sans tomber dans l'axiome cher à Peter Parker). le lecteur est emmené dans ces différentes époques en appréciant la proximité avec les personnages, leur questionnement, et les clins divers et variés à différents genres romanesque. C'est ainsi que le récit rend par exemple hommage aux pulps, tout en invitant
Albert Einstein pour une discussion habile. L'intelligence de Bendis apparaît également dans la manière où le personnage de Mèche Blanche évolue, sans qu'i ne devienne brusquement un génie. Bendis garde à l'esprit que des pouvoirs physiques extraordinaires n'impliquent pas une intelligence extraordinaire.
Évidemment ce parti pris de visiter plusieurs époques différentes (une par épisode) fait reposer une forte responsabilité sur le dessinateur pour engendrer à chaque fois des décors crédibles et assez fournis pour que le lecteur puisse s'y plonger rapidement. Les qualités d'Oeming éclatent à chacune des époques concernées. le premier épisode repose entièrement sur sa capacité à montrer les actions, mais aussi les sentiments des personnages par le biais du langage corporel (ces hommes préhistoriques ne communiquent que par grognements inintelligibles). Son style à base de gros traits convient à merveille à ce passage et chaque émotion est perceptible avec une intensité impressionnante. Au fil des épisodes, MAO se permet quelques clins d'oeil facilement détectables. Par exemple dans le deuxième épisode, le lecteur repère la silhouette sombre d'un cavalier avec une hache à la main qui évoque le Death Dealer de
Frank Frazetta. Il est possible également de détecter plusieurs pastiches des images les plus célèbres de Conan. Toutefois ces références restent au second plan et elles ne prennent jamais le pas sur la narration.
MAO trouve des solutions élégantes pour introduire les éléments visuels propres à chaque époque et pour décrire les combats entre Powers. Toujours dans le premier épisode, il décrit le combat entre mèche blanche et mèche rouge dans une double page comprenant une soixantaine de cases. le script de BMB montre que l'idée provient de Bendis, mais qu'Oeming l'a amenée plus loin avec une solution visuelle remarquable de simplicité et d'efficacité. Et il reprend par 2 ou 3 fois cette mise en pages très spécifique créant ainsi un leitmotiv visuel simple à assimiler et créant une résonnance magistrale entre différents moments.
Avec cette histoire, Bendis et Oeming s'affranchissent du cadre qu'ils s'étaient eux-mêmes imposés pour raconter une histoire remarquable pour plusieurs points. (1) Ils enrichissent l'environnement de la série, sans la dénaturer. (2) L'histoire est portée par les personnages au portrait psychologique développé, sans tomber dans le travers de flux de pensées artificiels. (3) Les séquences d'action et de dialogues s'entremêlent harmonieusement pour une narration fluide. (4) La progression narrative tient le lecteur en haleine de bout en bout, avec des visuels marquants. (5) Derrière ce divertissement intelligent, le lecteur peut distinguer un commentaire sur les composantes immuables de la personnalité d'un individu. le lecteur pourra être inquiet par la conclusion un peu trop stéréotypée, mais à ce point de la série je fais confiance à ses auteurs pour éviter de se reposer sur des clichés. La série se poursuit dans "Légendes" (épisodes 1 à 6 de la deuxième époque).