Avant d'être rouge, Orm est le préféré de sa mère Asa qui, épouvantée à l'idée de le perdre, le garde au chaud dans ses jupons de laine, et le prive de raids malgré ses seize ans. Dans l'attente de jours meilleurs, l'adolescent gardera les moutons. C'est compter sans Krok, qui ayant échoué à plusieurs reprises, les temps sont durs, à s'emparer des richesses d'autrui, passe par là avec ses trois navires, avec l'idée précise de passer enfin à l'action. Faute de réussir à arraisonner des navires solitaires ce valeureux chef a décidé de se rabattre, pour l'heure, sur ses moutons. A la suite d'une courte lutte, Orm, capturé, intègre malgré lui l'équipage de Krok, et le voilà embarqué dans d'épiques aventures narrées avec truculence. le ton du narrateur, observateur sage, doux philosophe, poète fougueux, peint avec un humour complice et pince sans rire les expéditions de ces guerriers friands de palabres et d'exotisme.
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Les hommes de l’équipage voulaient savoir pourquoi ce curieux étranger repoussait avec horreur un plat de lard, mais se montrait vorace devant toute autre nourriture. Berse répondit qu’il semblait bien que ce refus du lard eût la même cause que l’inactivité du samedi : le dieu des Juifs se fâchait s’il voyait un Juif manger du lard ; pourquoi le dieu se mettait-il en colère à propos de choses pareilles, Berse avoua n’avoir pas pu se l’expliquer. Peut-être le dieu aimait-il tant cette nourriture qu’il voulait la garder pour lui-même. Les hommes jugèrent cette explication très vraisemblable et se déclarèrent heureux d’avoir des dieux qui ne se mêlaient pas de pareilles choses.
Toke poussa des soupirs et commença à marmonner tout bas, puis il dit :
Assoiffé, j’ai laissé
de la bonne bière se perdre
mais je ne tarderai pas à boire
l’hydromel du dieu des guerriers.
Orm, couché sur le dos, leva les yeux vers les nuages, et dit :
Au pays, dans la demeure
qui me vit naître
je me trouverais mieux
avec du lait caillé et du pain.
Krok était le plus abattu, car pendant tout le voyage il s’était cru un homme favorisé par la fortune et un héros. Il venait de voir sa chance le trahir ; voyant jeter à la mer les tués, il prononça :
Le salaire des jours de peine
du laboureur de la mer
fut le malheur
et la malemort.
Toke se déclara stupéfait de constater qu’il y avait parmi eux trois scaldes.
Frère Willibald se baissa et ramassa une bonne pierre qu’il jeta de toute sa force contre les assaillants.
« Tu aimeras ton prochain ! » hurla-t-il.
La pierre atteignit violemment le roi Sven en plein sur la bouche ; avec un cri de rage, il s’affaissa sur son cheval et glissa à terre.
« Voilà ce qui s’appelle un bon prêtre ! » fit Rapp.