L'historisme donne à voir l'image éternelle du passé; le matérialisme historique, chaque expérience, toujours unique, qu'on fait de ce passé. Le remplacement du moment épique par le moment constructif se révèle être une condition de cette expérience. Ce procédé libère les forces gigantesques qui sont entravées dans le "Il était une fois" de l'historisme.
En la personne du flâneur, c'est l'intelligence qui va faire son marché.
Un tableau de Klee intitulé Angelus Novus représente un ange, qui donne l'impression de s'apprêter à s'éloigner de quelque chose qu'il regarde fixement. Il a les yeux écarquillés, la bouche ouverte, les ailes déployées. L'Ange de l'Histoire doit avoir cet aspect-là. Il a tourné le visage vers le passé. Là où une chaîne de faits apparait devant nous, il voit une unique catastrophe dont le résultat constant est d'accumuler les ruines sur les ruines et de les lui lancer devant les pieds.
Il aimerait sans doute rester, réveiller les morts et rassembler ce qui a été brisé. Mais une tempête se lève depuis le Paradis, elle s'est prise dans ses ailes et elle est si puissante que l'ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse irrésistiblement dans l'avenir auquel il tourne le dos tandis que le tas de ruine devant lui grandit jusqu'au ciel. Ce que nous appelons le progrès, c'est cette tempête.
[Eduard Fuchs, le collectionneur et l'historien]
La réification ne rend pas seulement opaques les relations entre les personnes ; au-delà, ce sont les véritables sujets des relations eux-mêmes qui sont plongés dans le brouillard.
Entre les générations passées et la nôtre existe un rendez-vous mystérieux : le passé réclame une rédemption, il exige que nous répondions à cette attente.
« Comme le pêcheur de perles qui va au fond de la mer, non pour l’excaver et l’amener à la lumière du jour, mais pour arracher dans la profondeur le riche et l’étrange, perles et coraux, et les porter, comme fragments, à la surface du jour, il plonge dans les profondeurs du passé, mais non pour le ranimer tel qu’il fut et contribuer au renouvellement d’époques mortes . »
Habiter, c'est laisser des traces. Dans l'intérieur, ces traces sont soulignées.
Pour la personne privée, l'intérieur, c'est l'univers. En lui, il rassemble le lointain et le passé. Son salon est une loge dans le théâtre du monde.
[Paris, la capitale du XIXe siècle]
La personne privée qui, dans le comptoir, tient compte de la réalité, exige que son intérieur l'entretienne dans ses illusions.