Le moment populiste

Tout est fait en réalité pour substituer à la décision populaire la gestion des choses, la souveraineté des marchés financiers, l'autorité des "experts" et le gouvernement des juges. Les citoyens n'ayant plus les moyens de demander des comptes à leurs représentants, le système se transforme en une oligarchie qui n'est plus responsable que devant les intérêts privés qui la soutiennent.
La démocratie, qui implique normalement le primat du politique sur l'économique, devient un mode de légitimation électorale de la souveraineté des oligarchies, des marchés financiers et des multinationales. Dans cette optique, les classes populaires doivent être empêchées le plus possible de se mêler de politique. La démocratie ne sera jamais aussi belle que lorsqu’elle se sera débarrassée du démos ! On est en bonne voie puisque la grande majorité de ceux qui exercent de nos jours un pouvoir sont désignés ou cooptés, et non pas élus. Le peuple n'est finalement que du bois mort.

L'opposition entre les dominants et les dominés fait ainsi son grand retour. Les "people" ont remplacé le peuple. L'idéologie dominante, majoritairement dans les milieux du pouvoir, de plus en plus minoritaire dans les couches populaires, renvoie comme toujours à une classe dominante. A la recherche des repères qu'il a perdus, le peuple manifeste son allergie à une Nouvelle Classe qui s'estime exemptée de la règle commune à laquelle doivent se soumettre les "gens du peu" et donc le mode de vie séparé, à l'écart (et au dessus) du peuple, manifeste une irrésistible propension au nomadisme, au changement perpétuel, au rejet des racines, au mépris des valeurs communautaires et populaires, à la fuite en avant dans la recherche frénétique du profit, à une permissivité sans limites, à une fascination pour les "gagnants". Élue par la mondialisation néocapitaliste, cette Nouvelle Classe politico-médiatique s'est formée sous l'effet d'une intensification des mobilités dans un climat marqué par la déréglementation des marchés et des innovations technologiques rétrécissant l'espace et le temps. Elle associe dans un même élitisme de la richesse et du paraitre dirigeants politiques, hommes d'affaires et représentant des médias, tous intimement liés les uns aux autres, tous convaincus de la "dangerosité" des aspirations populaires.

Devenu un parti social-libéral- de plus en plus libéral et de moins en moins social -, le PS ne conçoit plus la société que comme une addition d'individus. Rallié au système de l'argent, il est devenu un parti de fonctionnaires, de technocrates et de bobos, qui ont oublié le socialisme depuis belle lurette et ne s'intéressent qu'au "pourtoussisme", à la "lutte-contre-toutes-les-discriminitations", aux interventions "humanitaires" et à la défense des "victimes" sur la mode émotionnel lacrymal. Ce n'est pas sur ses dirigeants qu'il faut compter pour expliquer que la crise actuelle est d'abord une crise du mode de production capitaliste, c'est à dire une crise généralisée de la logique de valorisation du capital, et moins encore pour tenter d'y remédier.

L'assimilation, qui suppose une progressive harmonisation des comportements, n'est possible lorsqu'un certain nombre de conditions sont remplies : il faut que l'immigration soit d'un volume relativement modéré ou qu'elle soit très étendue dans le temps, que la culture des immigrés soit assez peu différente de celle de la population d'accueil, que les mécanismes institutionnels permettant d'assimiler les individus soient bien vivants et en état de fonctionner, que la population autochtone ne réagisse pas de façon excessivement négative à l'arrivée et la présence des nouveaux venus, que les immigrés manifestent eux-mêmes une réelle volonté de s'intégrer, etc. Or, aucune des conditions n'est plus remplie aujourd'hui. L'assimilation ne peut donc plus fonctionner, notamment pour les raisons qui ont été exposées par le démographe Michèle Tribalat.
Rappelant que l'assimilation est un processus "qui résulte" de la bonne volonté des nouveaux venus et de l'engagement du corps social avec l'approbation de ses élites", Michèle Tribalat estime que l'assimilation est devenue impossible du fait de la séparation grandissante entre populations natives et populations immigrées. Pour justifier son opinion, elle s'appuie notamment sur le retour en force du marqueur identitaire religieux chez les descendants d'immigrés - le différentiel de fécondité variant en fonction de l'affiliation religieuse - et sur le fait que, contrairement à ce que l'on escomptait, l'endogamie religieuse reste chez eux la règle. Elle observe par ailleurs qu'en réaction, les classes populaires françaises, premières victimes des pathologies sociales liées à l'immigration, "font sécession et habitent, lorsqu'elles le peuvent, là ou elles sont en mesure de protéger leur mode de vie".
Les communautés peuvent être niées, elles crèvent les yeux.