Je me suis déjà frottée à la plume de
Violaine Bérot avec
Tombée des nues que j'avais beaucoup aimé pour l'originalité de la construction de son récit mais également pour la restitution qu'elle faisait des différents protagonistes d'un village. Je connais donc son talent, son univers et je les ai retrouvés ici, sous une autre forme mais en utilisant une manière différente d'aborder un événement, au sein d'un village ou seuls les habitants ou intervenants parlent, racontent.
Nous sommes placés en tant que témoin d'un interrogatoire où seules apparaissent les réponses mais sans que cela ne soit gênant car on arrive parfaitement à identifier chacun : son rôle, pourquoi il est là à répondre aux questions des enquêteurs mais aussi la question à laquelle il doit répondre. Il s'agit de savoir qui est cette fillette vivant nue, loin de la civilisation et des codes habituels, dont tout le monde (ou presque) ignorait l'existence et surtout l'origine. Qui est sa mère, son père et pourquoi vit-elle dans une grotte auprès de l'Ours, un homme d'une quarantaine d'années, fils de Mariette, un "
simple" comme on le nomme souvent, une "Bête" dirons d'autres.... Mais qui sont les Humains et qui sont les Bêtes ? Et d'ailleurs de qui s'agit-il ? de Bêtes humaines ou d'Humains revenus à l'état de Bêtes ?
Alors des questions sont posées : qui est-elle, d'où vient-elle, pourquoi vit-elle près de ce géant muet ou ne connaissant que les rugissements, un inculte, mais qui possède des mains guérisseuses et pourquoi vivent-ils dans la Grotte aux Fées, cet endroit sur lequel courent des légendes selon lesquelles des fées y recueillent les enfants fruits de violences ? Et pourquoi ne faudrait-il pas une Bête comme gardien du lieu ?
Tour à tour chacun va apporter une pierre à l'édifice, donnant son sentiment, son avis et peu à peu, au fil des interrogatoires, les portraits de l'Ours et de sa mère se dessinent peu à peu mais sans jamais vraiment y apporter une réponse, une vérité. Mais d'autres portraits se dessinent également, ceux de toute cette communauté car à travers leurs réponses ils parlent également d'eux. On le sait bien, dans ces villages où tout le monde se connaît, chacun a son mot à dire, son opinion mais finalement ne sait rien. du facteur, au randonneur, de l'éleveur à l'institutrice chacun apporte son témoignage, avec son franc-parler, ce qu'il sait et ce qu'il imagine et sans avoir besoin de les nommer
Violaine Bérot réussit à les situer, à leur donner personnalité et existence.
Elle fait d'un village un microcosme d'humanité, avec ce qu'elle peut avoir de plus violent mais également de plus humain et c'est un dénominateur commun de ses deux romans lus. Et puis elle y incorpore d'autres voix, celles des fées, elles qui détiennent des secrets, qui ont leurs vérités et parfois certaines sont tues car il n'y a pas parfois de mots pour les exprimer car trop humiliantes, trop dures, trop incomprises.
J'ai ressenti les mêmes émotions que lors de la lecture de
Simple de
Julie Estève qui évoque également l'attitude d'une communauté face à la différence, à l'Autre, si terrifiant parce qu'autre et surtout à ceux qui gardent leurs mystères, qui peuvent susciter l'incompréhension, la répulsion, la violence mais chez qui d'autres ont su voir la beauté.
Alors Bêtes ou Hommes et si finalement il s'agissait des deux.... Comment réagirions-nous car il est toujours facile de prendre position à distance, mais si cela nous touchait de plus près, si nous étions concernés, si nous avions un avis ? L'homme est une bête, dite civilisée, mais jusqu'où et les Bêtes ne seraient-elles pas plus civilisés, plus humaines que les Hommes.....
J'ai beaucoup aimé.
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