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EAN : 9782367250373
257 pages
Kontre Kulture (30/11/-1)
4.1/5   5 notes
Résumé :
Édouard Berth (1875-1939), théoricien du syndicalisme révolutionnaire, fut le principal disciple de Georges Sorel dont il diffusa les idées à partir de 1911 dans les Cahiers du Cercle Proudhon, Cercle Proudhon qu'il fonda avec Georges Valois et qui rassembla syndicalistes révolutionnaires et monarchistes dans une commune aversion pour la démocratie parlementaire bourgeoise.

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Platon chassait les poètes de sa République, nous comprenons pourquoi. La liberté a toujours été odieuse à tous les dogmatistes sociaux, à tous les intellectualistes, à tous ceux qui rêvent d'enfermer la société dans des cadres figés et qui ne tolèrent d'autres liberté que celle du bien – le bien décrété par leur despotisme éclairé. Tous ces gens, fanatiques d'unité, supportent mal l'inévitable variété des êtres et des choses; ils voudraient tout résorber dans l'Un. Pourquoi, en effet, des patries ? Pourquoi des langues diverses ? Pourquoi des classes ? Pourquoi des sexes ? Pourquoi pas une seule humanité, une seule langue, un seul sexe, une association unique – sans guerre, sans antagonismes, sans luttes, dans la bienheureuse paix d'une idylle éternelle ? Tout devrait être interchangeable, les races, les patries, les classes, les sexes. Mais, voilà, il y a la liberté, c'est-à-dire la capacité d'inventer du nouveau, de frayer hors des chemins battus, d'ouvrir de nouveaux horizons, d'errer aussi, de tomber, de trébucher, comme de monter et de marcher droit. Si nous ne parlons pas tous encore l'espéranto, c'est que nous sommes, malheureusement, des êtres libres, et qu'étant libres, il nous faut ces langues diverses où s'exprime la diversité de nos âmes nationales. Si nous ne formons pas encore une seule humanité, c'est encore et toujours parce que nous sommes libres et que les patries, comme les a très bien définies Georges Valois, ce sont «les formes de l'expérience humaine». Si nous ne voulons pas nous laisse absorber tous par l'État, c'est encore et toujours parce que nous sommes libres, et qu'étant libres, nous formons des classes diverses invincibles à l'uniformité étatique. Si même il y a deux sexes, et si cette dualité est invincible à tous les féminismes du monde, c'est encore que nous sommes libres et que la diversité sexuelle était nécessaire la formation du couple conjugal, organe de la Justice. Donc, partout et toujours, la liberté, «ce grand Juge et ce souverain Arbitre des destinées humaines», comme l'appelle Proudhon.
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Mais l'aristocratie véritable, je l'ai déjà dit, n'est nullement constitué par des qualités purement intellectuelles; elle est guerrière et héroïque, elle est traditionnelle, elle est historique; elle s'appuie sur des réalités charnelles, le sang, l'hérédité physique, la race : rien de plus anti-intellectuel qu'une aristocratie digne de ce nom; et ce qui, historiquement, perd les aristocraties, c'est précisément lorsque le noble, quittant la Terre pour la Ville et la Cour, et passant du régime de la guerre à celui du spectacle, devient un intellectuel, un bel-esprit, comme au XVIIIe siècle; il se mue alors en un «démocrate» qui, perdant le sens de réalités traditionnelles, se trouve à la merci de toutes les billevesées et nués idéologiques des sociétés en décadence. Au surplus, l'aristocratie véritable n'éprouve nullement pour le peuple ce mépris transcendantal, que nous découvrons toujours chez l'Intellectuel : au contraire, entre le peuple et l'aristocratie, il y a une véritable confraternité et intelligence réciproques. C'est lorsque le noble devient un intellectuel et un parasite, que l'on voit se creuser entre lui et le peuple ce fossé de haine et de mésintelligence qui aboutit aux «aristocrates é la lanterne» de la Révolution. La démocratie est, au contraire, profondément intellectualiste : antitraditionnelle, antiphysique, comme dirait Rabelais, antiréaliste, idéaliste échevelée, elle ne veut connaître que des «esprits purs», détachés de tout lien historique et naturel, planant au-dessus du Temps et de l'Espace, perdus dans la contemplation des Idées claire et distinctes. Et faut-il s'étonner que cette démocratie n'ait rien de populaire ? Qu'y a-t-il, en effet, de moins accessible au peuple que cet idéalisme transcendantal ? Le peuple, comme l'aristocratie, est une réalité historique, une réalité charnelle; ce n'est pas l'Idée pure qui le constitue, mais le sang, mais des traditions, mais la race, toutes choses physiques et non intellectuelles. La démocratie intellectualiste moderne, telle que notre Sorbonne l'incarne avec son rationalisme cartésien et encyclopédiste, est, comme Proudhon l'avait bien vue, une «aristocratie déguisée», et, je le répète, la plus dure, la plus néfaste, la plus ruineuse des aristocraties; car elle est la Pédantocratie et le Mandarinat de gens inaptes à la Guerre comme au Travail et dont le règne ne peut aboutir qu'à la ruine de la Patrie comme de la Production.
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Oui, oui, vous êtes démocrates, égalitaires; vous faites profession d'aimer la science et le peuple; mais vous pensez que chez vous «le savoir est tout entier retiré» et qu'il vous appartient, en conséquence, de conduire le peuple; la science démocratique, allons donc ! laissez-moi rire ! – la science alliée à la production, la science technique raisonnée, la science dépendance de l'atelier, la vraie science, en un mot, oui, à la bonne heure; le vrai savant, c'est, aujourd'hui, le producteur; et, comme dit Proudhon, l'industriel est devenu supérieur au savant classique; mais votre science à vous, vos théorie abstraites, cosmologiques, sociologiques , toutes ces choses qui n'ont rien à voir avec la production, qui prétendent planer au-dessus d'elle, nobles et immatérielles, et dont vous arrogez le monopole et la garde, ô possesseurs modernes de la Vérité laïque, ô dignes successeur des Encyclopédistes, mais c'est la quintessence de l'aristocratie ! Et de quelle aristocratie ! de la plus funeste des aristocraties, de l'aristocratie intellectuelle, c'est-à-dire la morgue, le pédantisme et la stérilité au pouvoir ! Et vous avez besoin, oui, d'une classe serve qui produise pour vous, qui vous entretienne, ô vous les éternels entretenus ! Vous avez besoin «des goujats de la création» pour vous dispenser du «servile» travail manuel, ô vous qui ne savez que penser, je veux dire assembler des fiches; vous êtes des mondains, vous aimez la science oisive, la physique, je veux dire la sociologie amusante (les temps ont changé depuis M. de Voltaire); vous êtes les éternels inutiles, les non-producteurs, l'État, le monde, le parasitisme incarné et le plus féroce des parasitisme, car vous exploitez sans vergogne, exploitant au nom de l'Esprit-Saint laïque moderne ! Et voilà pourquoi le syndicalisme vous épouvante, le syndicalisme, révolte de ces producteurs qu'une fois de plus vous espériez asservir, exploiter et dominer, car votre socialisme saint-simonien, soi-disant démocratique et égalitaire, serait l'exploitation portée au maximum, puisque ce serait l'État maître de tout, l'État, c'est-à-dire vous !
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«Le plan de l'instruction ouvrière, sans préjudice de l'enseignement littéraire qui se donne à part et en même temps, est donc tracé; il consiste, d'un côté, à faire parcourir à l'élève la série entière des exercices industriels allant des plus simples aux plus difficiles, sans distinction de spécialité; de l'autre, à dégager de ces exercices l'idée qui y est contenue, comme autrefois les éléments des sciences furent tirés des premiers engins de l'industrie, et à conduire l'homme, par la tête et pat la main, à la philosophie du travail, qui est le triomphe de la liberté. Par cette méthode, l'homme d'industrie, homme d'action et homme d'intelligence tout à la fois, peut se dire savant et philosophe jusqu'au bout des ongles, en quoi il surpasse, de la moitié de sa taille, le savant et le philosophe proprement dit […] L'enseignement industriel réformé, suivant les principes que nous venons d'établir, je dis que la condition du travailleur change du tout au tout; que la peine et la répugnance inhérentes au labeur dans l'état actuel s'effacent graduellement devant la délectation qui résulte pour l'esprit et le cœur du travail même, sans parler du bénéfice de la production, garanti d'autre part par la balance économique et sociale […] La science… est essentiellement spéculative et ne requiert l'exercice d'aucune autre faculté que de l'entêtement. L'industrie, au contraire, est à la fois spéculative et plastique; elle suppose dans la main une habileté d'exécution adéquate à l'idée conçue par le cerveau… Le savant, qui n'est que savant, est une intelligence isolée, ou, pour mieux dire, mutilée, faculté puissante de génération et de déduction, si l'on veut, mais sans valeur exécutive; tandis que l'ouvrier dûment instruit représente l'intelligence au complet… L'industriel, si longtemps dédaigné, devenu supérieur au savant classique, quel paradoxe !»

[Proudhon, De la Justice dans la Révolution]
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L'État a été jusqu'ici le support des concepts sociaux; au-dessus des volontés individuelles, isolées, dispersées et non organisées, il apparaissait comme le seul lien social, lien nécessaire, lien providentiel; et il semblait impossible qu'on puisse envisager un seul instant sa disparition : car, devant cet hypothèse, les hommes se reculaient, épouvantés, comme s'ils fussent soudain trouvés devant le vide. Eh quoi, être réduit à la chétive individualité, l'horizon individuel pour tout horizon ! L'individu lui-même sentait qu'une réduction équivalait pour lui à un vrai suicide. C'est pourquoi l'anarchisme ne fut et ne sera jamais populaire; quelques intellectuels, des esthètes, des littérateurs en mal de paradoxes, peuvent bien se dire anarchistes, rêver ce qu'ils appellent l'individu libre; leur vie réalise déjà cette sorte de vide social, cette réduction de la vie spirituelle à la seule fantaisie et au seul caprice individuels. Mais ce ne peut être là un rêve populaire. Le peuple se sent, s'éprouve un être collectif, un être social; et pour lui, comme pour Proudhon, l'être, c'est le groupe; le groupe, non la foule ou le troupeau, le tas grégaire : car il ne se rencontre peut-être nulle part ailleurs autant de types individuels originaux, de forte personnalités, aux traits accusés et vigoureux, que parmi le peuple. Voyez le peuple courir au passage d'un régiment, courir aux revues, aux parades militaires : des esprits forts déplorent cet engouement populaire pour l'armée, ils l'interprètent comme une manifestation de servilité, de fétichisme, de superstition : l'éternelle bêtise des foules ! Les esprits forts, les beaux-esprits, montrent par là qu'ils ne comprennent rien à l'âme populaire; ce sont des décadents, gens profondément désocialisés, qui ont perdu dans le culte de leur Moi et de leur profond génie tout sens social, et, par conséquent, toute entente de la vie vraiment spirituelle. La vérité, c'est que, dans l'armée, le peuple se reconnaît lui-même; l'armée est à ses yeux la manifestation glorieuse de son être collectif; l'armée, c'est l'État lui-même, c'est-à-dire le peuple s'hypostasiant, se divinisant lui-même, se voyant en beau, jeune, riche de vie, marchant à la victoire, ayant devant lui un infini de gloire et de conquête.
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