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EAN : 9782877069700
164 pages
Editions de Fallois (07/06/2017)
4.17/5   3 notes
Résumé :
Le baron Palamède de Charlus, quinzième du nom, traverse de part en part À la recherche du temps perdu comme un génie tragicomique de l'homosexualité. Caricatural, il l'est, de l'aveu même de Proust. Mais si complexe, si contrasté, il rayonne d'une aura si magnétique qu'il est impossible de le réduire à une formule simple, et moins encore à un cliché. Entre l'oracle des salons du noble Faubourg, l'aristocrate transcendantal, l'esthète jusqu'au bout des ongles, l'ama... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Occasion de retrouvailles pour certains ayant lu la Recherche, matière à curiosité pour d'autres, cet essai peut séduire par son portrait réussi d'un « people » hors norme, et comme on n'en fait plus, de la littérature mais aussi par l'analyse interprétative qui est faite du personnage à partir des textes extraits de l'oeuvre, mettant Charlus « en situation », et des correspondances de Proust. Unique et multiple comme toute grande figure de création romanesque le baron est une source d'inspiration d'autant plus inépuisable que le personnage stupéfie par son apparence d'abord, puis par la paradoxale complexité de son caractère, imprévisible et obscur, enfin par l'inépuisable curiosité provoquée par son « inversion » et plus exactement ce que Berthier appelle sa « chimie sexuelle ». Charlus est, dit-il, ce corps tenaillé par l'assouvissement de désirs s'accordant mal avec le prestige lié à son rang. Court essai d'une dizaine de chapitres aux titres assez égayants sur le plus emblématique, sans doute, le plus déviant, le plus saillant, le plus dissonant personnage de la Recherche, issu d'une fratrie « Haute époque », très fin de siècle, comptant aussi le duc de Guermantes son frère aîné, époux de la belle Oriane à la langue acérée, et madame de Marsantes, leur soeur, dont le fils Saint-Loup a déjà fait l'objet d'un précédent livre du même auteur. Un diptyque très ciblé appariant donc l'oncle et le neveu et qui se limitera à ces deux spécimens, promet Philippe Berthier, au lecteur réjoui ou déçu c'est selon, craignant sans doute de le lasser avec ce qui pourrait ressembler tôt ou tard ou plus ou moins à une banale « revue » des personnages de la Recherche si la liste venait à trop s'élargir. Sous la plume de l'auteur, et en référence à la dernière édition de la Pléïade qu'il est utile d'avoir en main à la lecture, revoici donc Palamède de Charlus veuf et "homo" non éploré – on oublie souvent que ce vrai/faux mari a rendu une femme « heureuse » par le passé !

Splendide et décadent baron affublé du petit nom de « Mémé » tellement insolite dans sa galaxie aristocratique (les Guermantes) dont on découvre en préliminaire la généalogie aussi sophistiquée que comique… dandy, esthète raffiné et érudit, brillant névrosé, théâtral(e), « La véritable grande théâtreuse de la Recherche » (p. 49), c'est lui. Allumeur, amant grotesque et pitoyable, moqué chez les Verdurin, adulé chez d'autres, vaquant d'un giletier (Jupien) à un musicien virtuose (Morel), l'oeil en alerte et toujours à l'affût de partenaires potentiels. Mimiques et gestuelles d'une figure de « tante » qui ne sauraient le résumer (celle qui horrifiait André Gide). Personnage composite s'il en fût, pieux à ses heures, sans être torturé car il n'est pas né chez Bernanos encore moins chez Julien Green souligne Berthier avec humour (« Folle en Christ », fait beaucoup rire). Mais un Charlus également « pédagogue » – au sens où, comme dans la Grèce antique, « désirer c'est éduquer » –, faisant des propositions à ce narrateur naïf que dès le départ l'auteur prend le parti d'identifier nommément, mettant celui qu'il appelle « Marcel » face à sa propre créature pour en fouiller l'énigme. « le corps de Charlus est « une Egypte », et Marcel son Champollion aurait dit Deleuze (p. 47). Pierre de Rosette que cet essai, avec un décryptage du tête-à-tête Charlus/Marcel (le narrateur) illustré d'extraits savoureux de la Recherche, assorti d'un vis-à-vis Proust/Montesquiou (censé avoir été l'un des modèles du baron) illustré dans ce cas d'extraits de leurs correspondances. Effets de miroirs garantis. Mais si Proust a mis en scène un personnage, l'âme du baron Charlus semble plutôt vagabonder et gagner en autonomie au fil de l'analyse pour échapper peu à peu à son créateur ou ses modèles. Charlus apparaît bien comme le propre ordonnateur de sa vie. Il y a un territoire Charlus et un langage Charlus, selon Berthier, dont les frontières insaisissables gisent dans les soubassements de « l'écriture en palimpseste de Proust ». L'une des clés Charlus pour notre auteur, qu'on ne révèle pas pour maintenir certain suspens, pourrait résider alors au coeur d'une autre exceptionnelle figure littéraire du XIXe siècle... Tout cela tient bon et est littérairement convaincant. Quelques coquetteries lexicales de style ou autres latineries mises à part, que le climat proustien fait aisément pardonner, ce moment de lecture « charlusien » reste hautement stimulant. Tous les amis de la Recherche devraient y trouver leur compte.








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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Ne disons rien des incarnations de Charlus au cinéma qui, quels que soient par ailleurs les mérites des comédiens (Alain Delon chez Volker Schlöndorff, John Malkovitch chez Paul Ruiz, Didier Sandre dans le téléfilm de Nina Companeez), étaient voués à décevoir, non seulement parce qu'une heureuse fatalité propre à la littérature condamne les mêmes mots à suggérer chez les lecteurs des images différentes, mais aussi parce que les notations proustiennes sur le corps du personnage sont si riches et si précises qu'il est sans doute impossible de les reproduire toutes à la lettre dans le corps d'un interprète, quel qu'il soit. Et c'est fort bien ainsi, puisqu'au lieu de proposer une tautologie servile, le cinéma, avec ses moyens propres, laisse le dernier mot, le plus libre et le plus irresponsable, au texte qui l'a sécrété. On en arrive presque à se réjouir que Visconti (qui avait songé à Marlon Brando pour Charlus) ou Losey n'aient jamais pu mettre à exécution leurs projets d'un film tiré d'À la recherche du temps perdu.

Hiéroglyphes, p. 32 - 33
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Pastichant la fière devise des Rohan ("Roi ne puis, Prince ne daigne, Rohan je suis"), Roland Barthes disait que celle de l'artiste pourrait être : "Fou ne puis, sain ne daigne, névrosé je suis"*.
C'est celle de Charlus.

Le chevalier à la név(rose), p. 71
* Le Plaisir du texte, Seuil, 1973, p. 13
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En jargon de tréteaux, Charlus est un de ces comédiens qui "en font des tonnes" et poussent à bout les signaux de la théâtralité.

Monstre sacré, p. 51
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Qui du cul d'un chien s'amourose,/ Il lui paraît une rose.
Françoise dixit (La Recherche, Gallimard 1987/89, I, 122)

Risibles amours, p. 131.
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