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EAN : 9782923550855
Alto (01/07/2011)
3.53/5   15 notes
Résumé :
Depuis 2006, Nicolas Dickner signe dans les pages de l’hebdomadaire Voir la chronique «Hors champ». Il y traite avec humour et (im)pertinence de l’univers sauvage du livre et disserte sur les moeurs des lecteurs et des auteurs. En tout, un peu plus de 200 chroniques ont été publiées. 52 chroniques «à emporter» ont été sélectionnées pour ce recueil dont les bénéfices sont remis à la Fondation pour l’alphabétisation.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Excellent recueil de ses chroniques. À lire.
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Ce recueil de textes aurait pu être présenté comme Stimuler sa créativité tout en appuyant la cause de l'alphabétisation. Ce livre est du carburant pour les créatifs et chaque vente soutient financièrement la Fondation pour l'alphabétisation!
Lien : http://julielitaulit.com/201..
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Un alambic qui mijote au fond des bois

Ah, le pouvoir subtil des citations : elles apparaissent hors contexte, quand on s’y attend le moins, brefs éclairs de sagesse ou d’humour dans la morosité d’un mercredi matin de novembre.

J’envie ceux qui ont le chic pour les choisir et les placer. Jean-François Chassay, par exemple, signe ses courriels avec deux ou trois fragments mémorables. C’est toujours un vif plaisir, à la fin d’une de ses lettres, de tomber non pas sur une liste de coordonnées ou une notice légale, mais plutôt sur ces quelques mots de Frank Zappa : « L’esprit est comme un parachute : il ne fonctionne que s’il est ouvert. »

Je m’étais juré de l’imiter et de conclure moi aussi mes messages par quelque réjouissante citation de, mettons, Kurt Vonnegut. Pour ce faire, la manière rapide consiste à visiter un de ces répertoires Web contenant des milliers de citations classées par thèmes, par mots clés ou (naturellement) par auteurs — encore qu’il faille se méfier des nombreuses citations apocryphes.

Prenez cette citation : « Le futur n’est plus ce qu’il était. » On l’attribue tour à tour à Robert De Niro, Arthur C. Clarke et Yogi Berra — alors qu’en fait, elle serait de Paul Valéry. La paternité intellectuelle est un concept vaseux, de nos jours.

Qui donc compile ces citations ? Quel anonyme et laborieux lecteur parcourt la littérature mondiale afin de la découper en petits lopins ?

Réponse : tout le monde. La citation est l’inévitable sous-produit de la lecture.

Je me suis longtemps targué d’avoir une mémoire visuelle impeccable et de pouvoir retracer presto tel ou tel passage d’un roman, plusieurs années après l’avoir lu. L’ironie, c’est qu’entre ces passages bien indexés s’étendent des chapitres et des chapitres dont je ne garde qu’un souvenir flou — si bien qu’en feuilletant des romans chers à ma mémoire, il me vient parfois l’impression désagréable qu’ils ont en fait été lus par quelqu’un d’autre.

Lorsque j’affirme avoir aimé un livre, c’est parfois que deux ou trois paragraphes mémorables se sont imprégnés dans mon esprit. Osons poser une épouvantable question : quel est le strict minimum de pages mémorables nécessaire pour qu’un livre laisse un bon souvenir à son lecteur ?

Je sais que, pour ma part, une seule page peut suffire à sauver un roman — et je n’arrive pas à décider si cela est rassurant ou désespérant.

Cela révèle au fond l’étrangeté fondamentale de la lecture. Nous nous absorbons pour une période prolongée dans un livre — cela peut durer de quelques heures à plusieurs mois — qu’il sera impossible de mémoriser dans ses moindres détails. La mémoire est une faculté puissante, mais pas à ce point, si bien que la plus grande part d’un livre est larguée après usage.

Le livre agit, en définitive, comme un réacteur nucléaire dont les entrailles gigantesques, après d’innombrables et complexes opérations, se contentent de chier une infime crotte de plutonium, une noisette de matière incroyablement dense : la citation.

Les pages qui séparent ces précieuses phrases ne forment qu’un dispositif : à la fois indispensable et accessoire.

Vous croyez que j’exagère pour les besoins de la chronique ? À peine. J’estime que nos cerveaux — et par conséquent nos cultures — fonctionnent réellement ainsi. Nous trions, nous distinguons, nous distillons. Lecteur, tu es un alambic qui mijote au fond des bois.

Et je le dis, en somme, sans savoir s’il faut s’en réjouir ou s’en affliger, mais sans le moindre cynisme — car enfin, ne lisons-nous pas nos propres vies de la même manière ?

À l’heure de mourir, prendrez-vous une minute pour penser à toutes ces déclarations de revenus entassées dans votre classeur ? Aux centaines d’heures d’attente passées à la clinique médicale, au garage, au bureau des passeports ? À tous ces matins où vous avez trié les matières recyclables, nettoyé le four, retiré les cheveux qui obstruaient le trou de la douche ?

Non, bien sûr.

En fait, vous ne prendrez même pas le temps de faire l’inventaire de tous les épisodes heureux de votre vie — car à moins que vous ne soyez très jeune ou très infortuné, la liste serait trop longue. Vous ferez une version abrégée. Un palmarès des moments les plus significatifs : ces quelques scènes qui condensent votre existence. De l’esprit-de-vie.

Que nous le voulions ou non, à l’heure de mourir, nos vies se transforment en l’équivalent métaphysique du Sélection du Reader’s Digest.

Vous voilà avertis.

9 mars 2011
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«Ca sert à quoi de lire des livres?...»

De nos jours, la plupart des objets culturels sont intégrés dans une approche multitâches. Autrement dit, on peut écouter de la musique en lavant la vaisselle, visionner un film en bavardant avec son voisin ou lire huit sites web en simultanée.

Le livre, en revanche, demeure l'un des seuls objets culturels qui exigent de tout arrêter. Pour exister, il exige une attention exclusive. Impossible de lire un bouquin en pensant à autre chose.

Dans un monde multitâches, consacrer tout son temps à une seule activité revient à perdre son temps - ce qui explique sans doute en partie pourquoi on lit moins de livres qu'auparavant. L'intérêt du livre se trouve pourtant là: il exige certes plus d'efforts, mais il dilate les heures.

Le livre est, en somme, une machine à courber le temps.

(...)

...je ne vois plus les libraires de la même manière. Je passe désormais leur porte avec un respect renouvelé - comme si j'entrais non pas chez un simple marchand de papier relié, mais chez un détaillant de machines à voyages dans le temps.
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Le problème c'est que tous ces livres dûment oubliés nous ont tout de même construits, et peuvent encore exercer une influence sur nous.

Heureusement, la mémoire est comme la mer: elle n'avale pas tout, et il lui arrive de recracher, de temps en temps, d'intéressantes carcasses. Poupées décapitées, espadrille orpheline, serpent de mer.
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Voilà ce qui, en réalité, distingue le livre d'un banal instrument: le livre ne cesse pas d'agir dès la seconde où il quitte votre champ visuel.

Un marteau ne plante des clous que lorsque vous l'avez en main. Le livre, au contraire, continue d'agir même une fois fermé (ou éteint). La lecture change la configuration de vos neurones: des fragments du texte se retrouvent entreposés dans différents endroits de votre cerveau, où ils continuent de fonctionner plus ou moins fréquemment.

Pour tout dire, un livre qui n'agirait pas de la sorte serait inutile, inutilisable.

Le livre est davantage qu'un instrument, davantage qu'une prothèse: il s'agit d'un dispositif qui, par définition, s'implante dans celui qui l'utilise. plus qu'un innstrument, plus qu'une prothèse, il contamine le lecteur, devient le lecteur.

Il existe un nom pour désigner une personne à laquelle on greffe des dispositifs inamovibles: il s'agit d'un cyborg.

Le marteau sert à construire des maisons. Le téléscope à observer des objets très éloignés. La cuillère à manger de la soupe. Le livre sert à créer des cyborgs.
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Cela révèle au fond l'étrangeté fondamentale de la lecture. Nous nous absorbons pour une période prolongée dans un livre - cela peut durer de quelques heures à plusieurs mois - qu'il sera impossible de mémoriser dans ses moindres détails. La mémoire est une faculté puissante, mais pas à ce point, si bien que la pllus grande part d'un livre est larguée après usage.

Le livre agit, en définitive, comme un réacteur nucléaire dont les entrailles gigantesques, après d'innombrables et complexes opérations, se contentent de chier une infime crotte de plutonium, une noisette de matière incroyablement dense: la citation.
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