Rarement un écrivain a mieux écrit sur les femmes, la femme, sa femme.
Le roman de
Michel Besnier s'ordonne comme une enquête : le narrateur, qui s'appelle lui-même "ton biographe" s'adresse à son «sujet à la deuxième personne pour raconter l'histoire de sa femme à partir des cahiers et des albums photos familiaux, de son carnet de santé, de ses bulletins de notes, de son manuel de catéchisme, de ses poèmes, de sa correspondance, de sa bibliothèque, de son journal intime et des magazines de l'époque. du jour de sa naissance, en 1945, au jour de leur rencontre, à l'orée de mai 1968 — avec une volonté têtue de ne rien négliger.
Une belle idée et une grande réussite.
Le récit est composé de 288 fragments numérotés et non strictement chronologiques, où se lit la chronique familiale des Brisart et l'histoire particulière d'Anne.
Le roman de
Michel Besnier, dont on connaît le goût pour la recherche et la recension historiques (comme le montrait déjà son roman "
Casser" précisément situé en 1956), rassemble une à une les pièces du dossier Anne Brisart, balayant plus de vingt années de feu le XXe siècle avec une attention remarquable aux grands et petits événements politiques, sociaux et artistiques. Avec précision, attention, passion.
Ainsi se succèdent les réflexions d'Anne, ses peurs, ses succès, ses échecs, ses émois, ses déceptions, ses habitudes, ses travers, ses doutes, ses jeux, ses illusions, ses lectures, ses cafards, ses maladies, ses chagrins, ses complexes, ses voyages, ses curiosités, ses rêves, ses amours. Autour desquels on croise les figures du docteur Schweitzer,
De Gaulle, Poujade,
Minou Drouet,
André Maurois, Gérard Philipe, Fausto Coppi,
Antoine de Saint-Exupéry, Farah Diba, Ray Charles,
Brigitte Bardot, Jean Lecanuet,
Sylvie Vartan, etc.
On ne peut parler de ce livre sans parler de l'écriture de
Michel Besnier, admirable. Son style simple et élégant, on le sait depuis ses premiers livres, poèmes et romans, est d'une précision rare, faisant mouche à chaque page sur une formidable justesse des mots : on a envie d'applaudir.
Et c'est souvent, très souvent, drôle, par l'anecdote elle-même ou la façon de la raconter. Drôle et tendre. L'émotion, dans tous ses degrés et tous ses registres, est constante, avec quelques moments d'une violente intensité.
L'attention aux personnages, à tous les personnages, de
Michel Besnier témoigne d'une belle humanité. Les auteurs ne sont pas si nombreux qui aiment leurs personnages.