En 1960,
Albert Soboul avait noté que "De tous les hommes de la Révolution,
Marat, le plus décrié, demeure le plus méconnu".
La biographie de
Jean Massin, publiée la même année, fut une étape importante dans la redécouverte de
Marat, personnage central de
la Révolution française. Mais il revient à
Olivier Coquard d'avoir renouvelé en 1993 la biographie de
Marat, en restituant son portrait d'homme des Lumières, et en situant la manière dont s'est opérée sa transformation en L'Ami du Peuple.
Serge Bianchi ajoute à sa synthèse de l'ensemble des apports scientifiques précédents une vue d'ensemble des travaux de chercheurs réunis autour de
Jean-Claude Bonnet, d'abord sur les circonstances et les conséquences de la mort de
Marat, puis à propos de la panthéonisation de l'ami du peuple, et enfin sur la formation des mythes, voire de légendes, à propos de la personnalité multiple de
Marat, sous la forme d'une grande diversité de représentations.
Serge Bianchi se donne pour ligne de conduite de ne prendre en compte l'apport de tel ou tel chercheur que dans son lien avéré à l'archives, et de s'en tenir au plus près des évènements et des textes sans porter de jugements susceptibles d'influencer son lecteur.
La partie proprement biographique de l'ouvrage, retrace les efforts de
Marat pour se faire connaître comme homme des Lumières, en appui sur son cosmopolitisme, sa qualité d'homme de lettre, sa proximité avec Rousseau et surtout sa volonté d'atteindre la renommée scientifique.
Les années 1788-1789 montrent
Marat va sur le terrain de l'abbé Sieyès, et met sa plume au service d'une cause nationale. "L'aventure éditoriale hors norme de L'Ami du Peuple" en marque les étapes du parcours d'un journaliste d'abord modéré, puis radical - comme d'autres journalistes jacobins - mais avec une spécificité majeure, l'ancrage dans son quartier, le district des Cordeliers, devenu section du Théâtre-Français en 1790.
Serge Bianchi convient qu'il faut surtout suivre au plus près la ligne politique de
Marat d'évènement en évènement, en la qualifiant là encore au plus près des textes. C'est ici que
Marat se donne une image de sentinelle du peuple.
La description de la complexité de l'ascension de
Marat, ses rapports difficiles avec les autorités, en particulier la municipalité de Paris et sa proscription à diverses reprises.
Le portrait croisé de
Marat et
Robespierre est très intéressant : leurs relations sont quasi inexistantes, en dehors de causes et de combats menés en commun. le partage entre le légalisme de
Robespierre et la violence de
Marat les sépare, ou les rapproche en fonction des évènements ;
Marat considère que
Robespierre le voit avec effroi, ce qui s'explique par le fait qu'il n'a pas "l'audace d'une véritable homme d'Etat" tout en étant un "vrai patriote". de son côté,
Robespierre considère que
Marat dit des "vérités utiles" face aux évènements majeurs, mais à l'aide de "propositions absurdes et violentes".
Reste bien sûr la question essentielle posée par Serge Bianchi : "Quelle est la place de
Marat dans une Révolution font il est l'un des acteurs les plus controversés ?"
On peut en conclure que la singularité de
Marat, la multiplication de ces rapports en positif ou négatif avec d'autres révolutionnaires, puis avec les historiens, le condamnent à des jugements extrêmes de ses contemporains jusqu'à nos jours.
Extraits de la critique de
Jacques Guilhaumou dans les AHRF N° 393.
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https://ser.hypotheses.org/1..