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EAN : 9782207142219
168 pages
Denoël (03/10/2019)
4.02/5   388 notes
Résumé :
Après le très remarqué Sukkwan Island et son premier album personnel, Paiement accepté, Ugo Bienvenu, auteur complet, figure de proue de la nouvelle animation, poursuit son exploration du futur.

En 2120, le data est devenu si volumineux qu'il faut commencer à effacer des données. Toute archive frappée d'un visa d'élimination par le corps des « Prophètes », chargé d'opérer les choix cruciaux, doit être supprimée. Yves, archiviste humaniste du Bureau ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (57) Voir plus Ajouter une critique
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Préférence système est un roman graphique, à la fois visionnaire, cruel, humaniste et poétique, signé Ugo Bienvenu.
Étant encore plutôt novice en matière de BD, très timoré en matière de récit d'anticipation, je suis venu vers cette histoire avec quelques hésitations. Je ne regrette pas ce choix car le plaisir fut au rendez-vous.
Imaginez un monde sous la dictature du superficiel... Imaginez un monde où la culture disparaitrait sous l'effet du trop plein d'information et de stockage... Imaginez un monde qui traque, menace celles et ceux qui s'indignent de cela, veulent outrepasser cette loi...
Préférence système est bien plus qu'un récit d'anticipation. C'est un récit d'initiation, d'éducation qui nous parle d'un monde où la mémoire se perd et nous questionne avec intelligence sur le sens d'une telle dérive.
Ici il est question aussi de parentalité, de transmission, c'est un magnifique thème traité avec sensibilité et originalité.
Nous sommes dans le Paris futuriste des années cinquante, c'est-à-dire 2050 et les années suivantes. Pas si futuriste que cela quand on y réfléchit un peu... Alors le récit devient glaçant comme si ce futur improbable nous apparaissait brusquement dans un présent cyniquement évident.
C'est un monde saturé de données, il faut libérer sans cesse de l'espace pour le buzz, les selfies, l'information de masse, tout ce qui est futile, éphémère, abrutit les cerveaux et les âmes.
Alors, c'est un monde où certaines oeuvres d'art délaissées par le public sont condamnées à disparaître, être purgées : ainsi par exemple le fabuleux 2001 l'Odyssée de l'espace, mais aussi des oeuvres théâtrales, romanesques, poétiques que plus personne ne lit désormais. Ainsi il s'agit de faire disparaître Alfred de Musset, Victor Hugo, ou bien Stanley Kubrick pour libérer de la place sur un espace de stockage saturé.
Vous l'aurez compris : nous sommes à quelques encablures, à peine, d'un tel monde...
Un des employés en charge de cette élimination s'appelle Yves Mathon. En toute illégalité, il décide de sauver les oeuvres qu'il chérit pour les copier dans la mémoire du robot domestique Mikki. Sa femme Emmy semble inquiète de cette prise de risque. C'est un monde où transgresser est très dangereux. Des robots enquêteurs Dupont et Dupond, aussi ridicules qu'inquiétants, vont commencer à fouiner et repérer les agissements d'Yves.
Le couple va devoir fuir loin, très loin à la campagne, avec le robot familial qui porte aussi leur enfant, une petite fille qu'Yves et Emmy ont déjà prénommée Isi. S'ensuit alors une seconde partie qui m'a emporté dans des pages où l'action se mêle à des émotions fortes. C'est une sorte d'ode à la nature, au voyage et à la poésie.
Il y a quelque chose dans le graphisme qui tient du pop art. On peut aimer ou ne pas aimer cet esthétisme, il n'empêche qu'il sert totalement l'histoire.
Ici les juges censeurs sont sans visage et font froid dans le dos.
Cette oeuvre m'a fait penser à Farenheit 451.
J'ai aimé ce dialogue entre Yves et Mikki, évoquant la différence entre l'être humain et le robot, l'androïde évoquant avec admiration notre capacité à savoir nous émouvoir. C'est touchant.
Sans dévoiler la fin du récit, il y a quelque chose de touchant aussi lorsque le robot Mikki fait apprendre par coeur à Isi, qui grandit à ses côtés, des poèmes et des chansons, au cas où, on ne sait jamais, il devait disparaître à son tour.
Par coeur... cette expression n'a jamais été aussi à propos pour dire combien la transmission est quelque chose de beau...
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Emballée par cette histoire du début à la fin !
Pas pour le dessin cependant, c'est le genre de trait que je referme vite fait d'habitude : ça sent l'ordi au kilomètre, les couleurs au karcher, les visages différenciables surtout à leurs accessoires. Et en fait, on s'en fiche, une fois le pied dedans, le récit se propulse de lui-même par un scénario de crack.

Déroulant jusqu'à son terme le fil logique d'une société du clic et du like, l'auteur passe à son aboutissement, flippant parce que très plausible : un mur de fichiers numérisés où est stockée l'intégralité des données, pêle-mêle, sans aucune échelle de valeurs. Tout se vaut, tout est éligible à la valeur sur l'unique base du succès médiatique, Stanley Kubrick et Rimbaud broyés à la moulinette par le dernier tweet débile d'une star d'un jour : ils n'avaient pas fait autant de nombre de vues, les bouffons.
Une petite merveille d'abrutissement des peuples, un kit à la perlimpinpin premier choix.

Le job de Yves : virer des données pour faire de la place à d'autres, car on est à saturation de la mémoire. Devant la commission chargée de valider la destruction définitive d'un fichier, Yves est bourrelé de remords, il ne peut défendre un dossier que si son taux de consultation est suffisant. Il va trouver un moyen pour soulager sa conscience, à ses risques et périls, en utilisant Mikki, son robot domestique, qui se trouve par ailleurs porter l'enfant de Yves et de sa femme.
A noter au passage que l'auteur ne paraît pas gorgé d'optimisme pour le futur des relations homme-femme : Si pendant longtemps sur le podium du pouvoir mal utilisé, l'homme a figuré plus souvent qu'à son tour, là tout est arrangé, la femme rivalise avec brio dans la connerie. Et d'la flûte, encore loupé !

De ce 1er thème du nivellement des valeurs en découle un 2e : une société où il n'y aurait plus de références communes, juste un éparpillement sur des succès éphémères. Finis les films culte, les oeuvres classiques, le passé. La communication se restreint à l'instantané.

« Nous nous sommes construits par les histoires et nous serons effacés par les données ». Quelques phrases bien décochées nous mettent en orbite au bon moment ici et là.

Le verdict final des statistiques, c'est lui aussi bien sûr qui commande les prises de décision de Mikki, le robot ; au cours de leurs nombreux dialogues socratiques, il explique à Yves que ses choix ne sont jamais que le croisement de données. Malgré tout, il exprime un souhait, il voudrait pouvoir dormir, connaître le sommeil comme les humains. Sur le thème croisé déshumanisation de l'homme/ conscientisation des robots, on a de très belles tranches. Pure réussite : les arrêts sur image fixés sur Mikki, muet, impassible, mais qui pense. Je pense notamment à la scène où Yves et Mikki sont assis dans le compartiment d'un train, regardant tous les deux par la vitre, pensifs, et on est possédé par l'envie de comparer ces pensées.

Ugo Bienvenu évite avec talent la surenchère : il nous épargne une débauche de sur-technologie. Comme porté par un trait elliptique qui serait déjà passé de l'autre côté des impasses du progrès, il nous dépose étrangement dans un foisonnement de nature intemporel et particulièrement apaisant. le temps long des saisons et des éléments est magnifiquement rendu (insectes très bien dessinés pour le coup).

Le thème principal de cette bd très riche est la transmission ; pouvons nous faire l'impasse sur l'histoire et la culture ; tout se vaut-il ; une société peut-elle exister sans un socle commun comme liant. Mikki, le robot décroissant, sera l'intermédiaire entre Yves et sa fille , la petite Isi, avec cette image insolite et puissante d'un robot qui confie ses fichiers à la mémoire humaine.

L'auteur, imbibé d'un univers cinématographique, en injecte les cases et le fil du récit, c'est un enrichissement sous-marin très réussi et judicieux de ce scénario passionnant.

Une bd qui apporte beaucoup de plaisir, fait souvent pouffer, émeut maintes fois, et donne à tergiverser à rallonge les jours suivants, continuant à méditer sur ces questions finement scénarisées par Ugo Bienvenu. Bravo à lui.
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C'est une variante sur le thème de Fahrenheit 451, remise au goût du jour, futuriste pour un lecteur de 2020.
Concernant la conservation des données culturelles, faut-il faire de la place pour les photos de vacances d'un citoyen lambda qu'il partagera sur le réseau au dépend de films que plus personne ne regarde, d'artiste du XIXe ou XXe siècle. J'ai aimé cette modernisation intelligente et innovante de ce thème classique soulevant des questions sur la valeur des données, des créations, servie par un graphisme froid pour cette ambiance aseptisée. Et ça fait froid dans le dos et donne à réfléchir sur notre propre société. Cette bande dessinée, très différente de son modèle, parvient à remuer, à impressionner, à questionner c'est une lecture marquante et forte.
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"Si John-Streamy72 veut continuer de partager ses vidéos sur youtube, si Kamelia-72 veut continuer de poster ses photos de vacances [...] Que penseriez-vous si nous disions à K-Rineohmygod qu'elle ne peut plus montrer son corps sur Instagram ? » ... le topo est donné : Comment continuer à poster sur les réseaux sociaux ou diffuser de l'information de masse dans une société où la capacité de stockage est limitée ? Quelles oeuvres culturelles méritent d'être sacrifiées pour gagner en mémoire artificielle ? À l'heure du cloud et de la donnée illimitée, Ugo Bienvenu nous offre dans ce roman graphique, une vision glaçante d'une société futuriste - en 2050 - non loin de la nôtre. À mi-chemin entre 1984 de Georges Orwell et le Meilleur des mondes de Aldous Huxley, il met en scène Yves Mathon qui, chargé de libérer des données (pour ne pas saturer les big data) va faire le choix d'en sauver, à l'encontre des principes d'une société hyper controlée. En choisissant l'oeuvre au contenu « juste des choses que je trouvais belles », Yves va mettre en difficulté sa famille, mais à quel prix ? Je m'arrête là pour ne pas trop en dévoiler mais préparez-vous à des remises en questions - individuelles et collectives - car Ugo Bienvenu va plus loin que le thème de l'intelligente artificielle et des big data en abordant également des sujets plus humanistes comme la filiation ou encore celui de la religion.

Graphiquement c'est également une belle réussite, l'identification est totale. Particulièrement sensible au trait rétro d' Ugo Bienvenu, la froideur des personnes et le réalisme des dessins nous immergent complètement dans cette dystopie contemporaine colorée. Et comme pour les personnages dans Paiement accepté (2017), toute ressemblance avec des personnes existantes n'est pas vraiment... fortuite ? ;)

Gros coup de coeur de mon côté, vraiment ne passez pas à côté de cette bande dessinée, qui même refermée, continue de faire cogiter !
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Vous connaissez le mantra : d'un côté il y a ceux qui disent que les films français, c'est forcément de la m****, et donc qu'il ne faut même pas espérer que les producteurs français quittent leurs bonnes vieilles comédies bas de plafond pour se mettre à faire du cinéma de genre. Et puis il y a ceux qui pensent que le problème vient de l'oeuvre en elle-même plutôt que de la nationalité de ses concepteurs, et donc qu'un film français n'est théoriquement pas obligé de se placer sous la trinité Kev Adams / Jeff Tuche / Christian Clavier. Je pense la seconde hypothèse un peu plus vraisemblable.
Avec ma vidéo sur Wrong (qui est le gros outsider de mes tops 2019 — on en reparle dans un article susceptible de faire un peu plus de vues), j'avais fait un peu vite la besogne en déclarant que les français avaient autant de chances de faire de la qualité que les américains. Oui, mais. Tout d'abord, il y a les impératifs du marché de la nationalité qui nuisent à la production d'oeuvres à contre-courant (les comédies pourries rapportent, donc tu fais que ça), ensuite il y a la culture qui est un facteur déterminant au contenu de l'oeuvre : la qualité peut se trouver au rendez-vous mais ne pas parler au spectateur car il sera habitué à un autre système de la gestion de la mise en scène, de l'éclairage, du scénario, ect. Ainsi nous avons d'un côté les films étasuniens ou inspirés de la méthode US, basés sur la gestion de l'action et de la rythmique et l'implacable fusil de Tcheckov ; le récit s'y définit comme une construction dont le sommet constitue le final et qui doit paraître dépouillée de tout élément superflu. Dans la méthode européenne, on observe une toute autre tendance : l'oeuvre est définie par sa texture plutôt que son action, un vide qu'on laisse pour faire place aux émotions et aux dialogues sur la pluie et le beau temps, qui doivent par exemple dans un drame français retranscrire les errances mentales de l'auteur autour de son thème et ainsi trouver quelques liens de résonance avec le spectateur.
Et ça explique pas mal de choses. D'un côté on a le risque d'accoucher de blockbusters débiles avec presque pas d'émotions mais toute l'emphase mise sur l'action, d'un autre on a le risque de produire un drame français chiant comme la mort qui lui mise tout sur les dialogues. Et le public veut de l'héroïsme, donc il se tourne vers plus facilement vers les amerloques. D'où l'expression : « boring like a french film ». À partir de ce moment, vous avez en France deux possibilités :
- prendre la méthode US et y mêler quelques brins de french touch, ce qui semble le plus indiqué, mais pas forcément le plus abouti. Vous pouvez réussir à créer une intrigue et une imagerie de blockbuster tout en y ajoutant un aspect plus que novateur car votre pays ne possède pas l'aura de l'Amérique triomphante et se fera par conséquence plus terre-à-terre, mais vous faire allumer quand même par (du moins une certaine frange de) la critique (Le chant du loup) ; vous pouvez faire une construction de scénario à la Nolan avec une dimension esthétique importante, au risque d'accoucher d'un résultat brouillon et très mal reçu (Vidocq) ; vous pouvez enfin laisser complètement tomber le côté français pour adopter le côté US avec des acteurs américains, mais à trop vouloir imiter sans forcément détenir le savoir-faire, votre film pourrait vite ressembler à une caricature de grosse franchise (Valérian & la cité des 1000 planètes) ;
- prendre la méthode « film français » et jouer la carte à fond.
Et c'est justement le parti pris de Préférence système, qui… Pardon, c'est pas un film mais une BD ? Oui, mais ça y ressemble sauf que ça bouge pas : on trouve quand même des choix de cadrage, de rythmes, de couleur ; de sorte que j'ai du mal à voir l'interêt de certains projets d'adaptation de BD en film comme Ces jours qui disparaissent par exemple (c'est le réal de Palmashow qui s'y colle, un choix… ma foi original).
Et c'est justement le parti pris de Préférence système, qui fait du pur drame français avec de la SF, parlant ainsi de notre monde et son devenir tels qu'ils sont perçus par le français contemporain… et comment dire ? Y'a du pour et y'a du contre.

Analyse

Donc Préférences systèmes, c'est l'histoire de Yves Mathon, qui bosse pour une boîte chargée d'effacer les données informatiques devenues inutiles à stocker. Parce qu'on a beau être dans le turfu, bah fatalement un jour ou l'autre on a plus assez de matériaux pour fabriquer assez de disques durs. Sa femme, elle, bosse pour une web-série sponsorisée sur Playmobil, et leur droïde domestique porte leur gosse dans un utérus artificiel en remplissant son rôle de néo-épouse Moulinex. Tout va bien dans le meilleur des mondes, jusqu'au jour où on lui demande de supprimer 2001, l'odyssée de l'espace… Et on va dire que ça lui plaît moyen.
Préférences systèmes, c'est donc l'histoire de notre passé, qu'est-ce qu'on conserve d'autrefois, qu'est-ce qu'on garde de notre humanité. Ce qui s'exprime de deux manières différentes : d'un côté un questionnement sur qu'est-ce qui fait qu'on est pas des robots (surtout quand les robots ont l'air plus humains que vous), d'un autre la disparition de la culture et des connaissances d'autrefois et des opinions divergentes au profit de la culture mainstream. L'aspect contemplatif met l'accent sur la nature face à un monde de plus en plus aseptisé, et en même temps complexe et incompréhensible. Qu'est-ce qu'on va garder de tout ça ? Comment on doit construire notre monde ?

Classique mais beau

C'est un pari risqué car la thématique du robot qui s'humanise, on l'a vue des centaines de fois, déclinée de toutes les manières possibles, que ce soit avec la saga Blade Runner, la saga Star Wars, la saga Terminator (note du 17/07/22 : mais surtout comme je m'en rendrais compte après coup : les Robots d'Asimov, Star Trek)… Comme tous les tropes littéraires, il devient difficile au bout d'un moment de le réinventer, d'y dénicher un nouvel angle ; le thème reste en retrait durant la première moitié du livre et on s'interroge sur si l'auteur va réussir son coup. Sans compter que l'oeuvre souffre légèrement du syndrome du film français bavard : Ugo Bienvenu sait laisser parler le silence, mais par moments ses personnages dissertent beaucoup. Et c'est quelque chose qui m'avait déjà chiffonné dans de la SF transhumaniste française comme Transparence : on se retrouve avec quelques passages de longs monologues soutenus, peu réalistes dans un univers qui tend justement à l'être, à nous montrer la vie de tous les jours plutôt que l'iconiser comme le cinéma étasunien.
Bref, voilà qui risque de rebuter mon public habituel. Pourtant, c'est sans compter des atouts franchement inattendus :
- premièrement, l'aspect graphique. Avec l'avènement du tout-numérique s'est forgée dans l'imagerie populaire l'idée d'un avenir propre, lisse et sans fioritures ; ici, le monde moderne se fait tellement aseptisé qu'il en devient inquiétant. Les casques futuristes sont grotesques et difformes sans jamais qu'on n'en explique l'utilité ; les textures luisent bizarrement, dénuées de toute aspérité humaine ; les robots inspecteurs mais aussi celui du final se trouvent en pleine vallée de l'étrange avec une laideur géométrique et dans leurs couleurs mettant mal à l'aise. le rôle pour la dystopie de déranger est donc ici respecté par ce côté kafkaïen et rigide, qui se traduit également par les planches de format carré et les dessins façon « fil-de-fer ».
- deuxièmement, le côté vie en entreprise. Outre l'originalité d'un monde où le nombre de données deviendraient limité, l'auteur nous montre des cadres paternalistes, qui se veulent sympathiques, qui vous disent quoi faire et quoi penser : on culpabilise les employés, on surveille tout, et les gens ne trouvent plus de sens à ce qu'ils font.
- et enfin, le retournement de situation au milieu du récit. À ce moment, on entend presque l'auteur nous dire : « Tu l'avais pas vue venir, celle-là, hein ? » Et c'est tant mieux. Parce qu'en plus d'une prise de risques qu'on voit pas tous les jours dans les fictions standard, on bascule d'un coup dans quelque chose de beaucoup moins bavard, de beaucoup plus introspectif, retranscrivant la psychologie des différents personnages avec une grande justesse dans la mise en scène, aussi bien dans les silences que les dialogues.
Là où nous croyions que le héros serait Yves, c'est finalement son robot qui prend le devant de la scène et parvient finalement bien à réinventer au moins en partie le processus d'humanisation. Dès la première planche, nous constatons son évolution de manière intime : d'abord découvrant la vie et les savoirs qu'elle contient, puis devenant enceint et donc la créant, et enfin en éduquant la fille pour créer une dernière étape de son cheminement qui survivra à sa mort : celle de la transmission. Et une histoire aussi universelle, même si j'ai pas vraiment eu d'empathie pour les personnages, je dois reconnaître que c'est superbement mis en scène et pas du tout cliché.

Conclusion

Bref, Préférences systèmes ne m'a pas entièrement convaincu : c'est une expérience sensorielle qu'on aurait pu pousser bien plus loin, un drame psychologique qui aurait pu être plus poignant. Mais je reconnais aussi que c'est pas la même génération, et que je serais sans doute plus sensible à l'aspect humain si j'avais été un adulte qui a vu notre monde se transformer pour de plus en plus nous échapper des doigts.
Quoi qu'il en soit, Ugo Bienvenu nous prouve une chose avec cet ouvrage : vous avez pas d'argent pour faire un film de genre français ? Faites-le en BD ! Et avec ça on arrivera peut-être à casser quelques stéréotypes sur l'idée que les français sont incapables de faire de la bonne SF ou du bon cinéma et les gens accepteront enfin de financer autre chose avec leurs impôts que Rendez-vous chez les Malawas. Ça pourra pas faire de mal à leur culture…
Lien : https://cestpourmaculture.wo..
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critiques presse (8)
Culturebox
24 août 2020
Dans "Préférence Système", le dessinateur Ugo Bienvenu s'interroge sur la mémoire de l'humanité, désormais dépendante de la capacité des serveurs informatiques.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Sceneario
06 janvier 2020
L’intrigue est réellement captivante. Dans une froideur ambiante, elle se déroule linéairement, nous réservant à certains moments des rebondissements imparables, cruels, jusqu’à nous amener à un final qu’on aurait aimé moins ouvert. Les quelques 160 pages s’avalent sans difficulté presque goulument, preuve qu’Ugo Bienvenu est arrivé à titiller intelligemment notre curiosité et nos émotions.
Lire la critique sur le site : Sceneario
Telerama
11 décembre 2019
Supprimer un film de Kubrick pour faire un selfie… Dans “Préférence système”, le dessinateur Ugo Bienvenu imagine un monde où la culture disparaît sous l’effet du trop plein. Une dystopie au plus près du réel, pour alimenter notre réflexion du présent.
Lire la critique sur le site : Telerama
BoDoi
17 octobre 2019
Ugo Bienvenu offre une piste, poétique et légère, certes, mais il laisse le reste du champ de réflexion – immense – au lecteur, ce qui semble un peu facile. Ou à tout le moins peu satisfaisant. Préférence système n’est pas un mauvais livre, sûrement pas. Mais il n’est pas le grand livre de SF qu’il aurait pu être avec une telle idée de départ.
Lire la critique sur le site : BoDoi
Actualitte
08 octobre 2019
Tour à tour récit d'anticipation, d'éducation et de voyage, Préférence système est de loin le projet le plus touchant d'Ugo Bienvenu à ce jour.
Lire la critique sur le site : Actualitte
BDZoom
07 octobre 2019
« Préférence système » est une œuvre à la fois visionnaire, humaniste et contestataire. Elle nous explique clairement que nous portons déjà en nous le futur de l’(notre) humanité.
Lire la critique sur le site : BDZoom
ActuaBD
04 octobre 2019
Le découpage et la composition des séquences témoignent de l’expérience d’Ugo Bienvenu dans l’animation. Il est ainsi capable d’alterner, sans que la lecture soit heurtée, moments contemplatifs, scènes d’action et dialogues soutenus.
Lire la critique sur le site : ActuaBD
BDGest
01 octobre 2019
Un ouvrage vraiment passionnant, à la mise en scène surprenante et efficace qui pose les bases d'une interrogation essentielle sur demain et ses perspectives inquiétantes.
Lire la critique sur le site : BDGest
Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
C’est avec les histoires que les hommes ont créé le monde. En adhérant à une histoire commune... Notre problème, aujourd’hui, c’est que nous n’adhérons plus aux histoires. Parce qu’elles n’ont plus le temps de s’ancrer, plus le temps de résonner. Nous nous sommes construits par les histoires et nous seront effacés par les données...
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-Mandat de destruction D-489... exécutable à 15h30 salle 72, bâtiment G.
-Franchement... La totalité de l’œuvre, tout, commentaires, articles et dossiers afférents tiennent sur 6 GO... On en est là ?
-On en est là, agent Mathon ! Si John-Streamy72 veut continuer de partager ses vidéos sur youtube, si Kamelia-72 veut continuer de poster ses photos de vacances, on en est là ! Que penseriez-vous si nous disions à K-Rineohmygod qu'elle ne peut plus montrer son corps sur Instagram ? Ce serait l'apocalypse, Yves ! La fin du monde occidental !
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Arrêtez les pendules...
Coupez le téléphone, empêchez le chien d'aboyer pour l'os que je lui donne.
Faites taire les pianos, et sans roulements de tambours, sortez le cercueil à la fin du jour.
Que les avions qui hurlent au-dehors, dessinent ces trois mots : il est mort.
Nouez voiles noirs aux colonnes des édifices, gantez de noir les mains des agents de police.
Il était mon nord, mon sud, mon est et mon ouest.
Ma semaine de travail...
Mon dimanche de sieste.
Mon midi, mon minuit.
Ma parole, ma chanson.
Je croyais que l'amour ne se finirait jamais.
J'avais tort.
Que les étoiles se retirent : qu'on les balaye.
Démontez la lune et le soleil.
Videz l'océan.
Arrachez les forêts.
Car rien de bon ne peut advenir désormais.

Funeral Blues, poème de W.H. Auden (1938)
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C'est quand même dingue ce qu'on entasse, ce qu'on accumule, ce qu'on classe, ordonne, organise...
Tu te rends compte qu'il n'y a pas si longtemps, il était possible d'avoir lu tous les bons livres, vu tous les bons films... Il faudrait mille vies pour visionner ne serait-ce qu'un fragment de ce qu'on stocke ici...
Ça fout le tournis... A l'époque, on se définissait par ce que l'on connaissait.
Aujourd'hui, c'est ce qu'on ne sait pas qui nous définit...
(p. 13, 14)
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- Ce qui fait de vous des individualités, c'est votre perception parcellaire du monde.
Nous, les robots, vous envions votre capacité à sélectionner des parties du réel, d'en isoler des constituants et de vous construire à partir d'eux.
C'est ce qui vous permet de faire des choix que nos calculs, nos associations mathématiques ne permettront jamais.
Vous vous attachez à un détail jusque-là insignifiant, et ce détail par vous devient tout.
Votre nature, c'est finalement de ne rien pouvoir résoudre.
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Videos de Ugo Bienvenu (8) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ugo Bienvenu
Avec Jean-Luc Fromental & des auteurs du catalogue Entretien mené par Victor Macé de Lépinay Dessins en direct par François Olislaeger
De Donald qu'il découvre à 4 ans, à Gemma Bovery, le roman graphique de Posy Simmonds paru en 2001, qui mènera à la création de Denoël Graphic, Jean-Luc Fromental racontera son éducation en BD. Une traversée-éclair d'un demi-siècle de figuration narrative, ponctuée des diverses révolutions auxquelles il s'est trouvé mêlé, comme lecteur d'abord, puis comme praticien.
Lors de l'entretien qui suivra, il évoquera les vingt ans d'existence de la collection, et sera rejoint par des auteurs présents dans la salle, Antonio Altarriba, Steven Appleby, Ugo Bienvenu, Joëlle Jolivet, Gérard Lo Monaco, Chantal Montellier, Posy Simmonds, Camille de Toledo, Marcelino Truong… par exemple !
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