Avouons : ce recueil de nouvelles est sans doute l'un des plus grands romans contemporains.
Publié en 1998 (en 2008 en français par le Passage du Nord-Ouest), recueil de nouvelles total ou roman-phare à éclipses, «
La vitesse des choses » est sans doute la clé de voûte de l'édifice littéraire de
Rodrigo Fresan, une cathédrale dans laquelle on n'entre pas en procession cardinalesque vaguement compassée ou faussement respectueuse, mais en horde bigarrée et cosmopolite, apportant avec soi ses propres munitions et artifices, pour une retentissante explosion de sens, de saveurs et de pensées, dans une festive et songeuse allégresse.
Des titres de nouvelles, déjà, comme une puissante invitation à la folie : « Notes pour une théorie du lecteur », Preuves irréfutables de vie intelligente sur d'autres planètes », « Signaux captés au coeur d'une fête », « Petit manuel d'étiquette funéraire », Sans titre : autres digressions sur la vocation littéraire », « Notes pour une théorie de la nouvelle », « Monologue pour salaud avec baleines et petite sieur fantôme », « Les amoureux de l'art : une « memoir » amnésique », « Dernière visite au cimetière des éléphants », « Histoire avec monstres », « La fille qui est tombée dans la piscine ce soir-là », « Cartes postales envoyées depuis le pays des hôtels », La substitution des corps », « Chivas Gonçalves Chivas : l'art raffiné d'écrire des nécrologies », « Notes pour une théorie de l'écrivain », et bien sûr, « Note finale ».
Une magnifique et forte préface d'
Enrique Vila-Matas, « le Facteur
Fresan ».
Remontant en une autre scène des éléments déjà préparés dans «
Vies de saints », annonçant, à grand renfort de citations anticipées, le cataclysme «
Mantra », ce recueil foisonne, mutant et augmentant à chaque nouvelle édition ou traduction, déroulant ses enchâssements borgésiens, ses récits renvoyant à d'autres récits, sans existence autre que mentionnée, ou au contraire apparaissant tout à coup, à la joyeuse incrédulité du lecteur, au détour d'une autre nouvelle, incarnation vivante d'un espoir littéraire permanent, celui où l'invention, le mythe, le récit et l'imagination parviennent à s'arracher au pesant pouvoir du réel qui étouffe et tue – et bien entendu pas uniquement les écrivains.
Même s'il faut pour cela se donner régulièrement rendez-vous à Canciones Tristes (Patagonie), Sad Songs (Texas – ou Iowa), Chansons Tristes (France) ou Traurige Lieder (Allemagne).