-Je peux t'embrasser?
Mon sourire s'est effacé.J'ai froncé les sourcils
-Quoi?
-Est-ce que je peux t'embrasser?
-Pourquoi?
-Pour voir ce que ça fait,a répliqué Callum.
Berk!double Berk!Mon nez s'est plissé malgré moi.S'embrasser?Pourquoi est-ce que mon meilleur ami avait tout à coup envie d'un truc aussi....débile?
Il y a un proverbe qui dit : "Attention à ce que tu souhaites, tu pourrais l'obtenir".
- Que se passerait-il si les Blancs avaient le pouvoir à votre place ?
Mon ami hoche la tête.
- Je n'y ai jamais réfléchi.
Je soupire.
- Moi si. Souvent. J'ai rêvé de vivre dans un monde sans discrimination, sans préjugés, où la police serait juste, la justice équitable, le système égalitaire...
- Eh bien ! C'est une thèse ou un conte de fées ? demande Jack sèchement.
- Comme je te l'ai dit, j'y ai souvent pensé.
- Je ne crois pas en cette société dont tu parles, Callum. Les gens sont ce qu'ils sont. Que ce soit les Primas ou les Nihils qui dirigent le monde, il ne changera pas.
Mon désespoir était le sien, son désespoir était le mien. Comme si le seul rempart que nous avions trouvé contre le monde était notre amour.
-Au revoir Cal !
Des prisonniers crient sur mon passage. J'ai envie de me tourner vers eux, d'observer leur visage, mais ça me prendrait trop de temps. Et le temps est ce qui me manque le plus. Je garde les yeux fixés devant moi. Au bout du couloir, une porte à deux battants est ouverte. C'est une journée idéale.
Quand tu flottes dans une bulle, la bulle finit toujours par éclater. Et plus la bulle t'a emmené haut, plus la chute est douloureuse.
Je ne sais pas combien de temps je suis resté sur la plage. J’ai vu le soleil disparaître derrière la ligne d’horizon. La nuit est tombée. Pourquoi ma vie était-elle soudain devenue si compliquée ? L’an dernier, je ne rêvais que d’une chose : être admis au collège de Sephy. J’ai passé du temps à réviser, à travailler. Et je n’ai pas pensé à ce qui se passerait une fois que j’y serais. Je n’avais pas réalisé que je serais aussi … indésirable. Et à quoi ça servirait, de toute façon ? Suivre ces cours ne m’ouvrait aucune possibilité d’obtenir un travail intéressant. Les Primas ne m’emploieraient que pour des fonctions subalternes. Alors pourquoi est-ce que je me donnais tant de mal ?
J’avais envie d’apprendre. Un gouffre au fond de moi demandait à être nourri de savoir, de mots, d’idées … comment pourrais-je être heureux à présent si je n’ai plus accès à toute cette masse de connaissances ?
J’essayais de toutes mes forces de comprendre pourquoi le monde fonctionnait de cette manière. On prétendait que les Primas étaient plus proches de Dieu. C’est ce qu’affirmait le livre sacré. Le fils de Dieu avait la peau noire comme eux. Les mêmes yeux qu’eux, les mêmes cheveux qu’eux. C’est ce qu’affirmait le livre sacré. Le livre sacré affirmait tant de choses. Il demandait aux êtres humains d’ « aimer leur prochain » et de « ne pas faire aux autres ce que l’on ne voulait pas qu’ils nous fassent ». Est-ce que le message le plus important du livre sacré n’était pas « vivre et laisser vivre » ? Alors comment les Primas pouvaient-ils se prétendre élus de Dieu et nous traiter de cette façon ? C’est vrai, l’esclavage n’existait plus, mais Papa disait que seul le mot avait disparu. Papa ne croyait pas aux paroles du livre sacré. Maman non plus. Ils disaient que ce livre avait été écrit et traduit par des Primas et qu’ils l’avaient modifié à leur avantage. Mais comment modifier la vérité ?
Nihil. Même le mot était négatif. Nihil. Néant. Négation. Néant. Ce n’est pas nous qui nous étions choisi ce nom. Pourquoi nous l’avoir octroyé ?
– Je ne comprends pas …
Les mots sont sortis de ma bouche et se sont envolés vers le ciel.
Je ne voyais pas les choses comme lui. Je voulais que rien ne change entre nous. Jamais. Mais c'était comme demander à la mer de rester immobile.
Notre amour était comme une avalanche qui allait tout dévaster sur son passage. Et au lieu de nous éloigner, nous courions au devant.
J'ai su que je t'aimais plus que tout au monde. Que je t'avais toujours aimé et que je t'aimerai toujours. Mais j'ai aussi compris ce que tu me répétais depuis toutes ces années. Tu es un Nihil, je suis une Prima et nous ne pourrons jamais vivre ensemble. Personne ne nous laissera jamais vivre en paix. Même si nous avions fui, comme je le désirais, ça n'aurait pas marché plus d'un an ou deux. Un jour ou l'autre, les gens auraient trouvé un moyen de nous séparer. C'est pour ça que je pleurais. C'est pour ça que je ne pouvais plus m'arrêter de pleurer. Pour tout ce que nous aurions pu vivre et que nous ne vivrons jamais.