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EAN : 9782757897829
384 pages
Points (12/05/2023)
4.26/5   66 notes
Résumé :
" Tu ne seras plus mon frère mais un ennemi à éliminer. "
2011, Syrie. Kasswara et Kamar, deux frères franco-syriens auparavant très unis, découvrent que l'amour fraternel n'est parfois pas assez fort. Quand le printemps arabe éclate, leurs divergences prennent le dessus. L'un rejoint la rébellion, l'autre demeure un fervent défenseur du régime de Bachar el-Assad.

Il n'y a plus de frères maintenant mais deux camps.
Tu ne seras plus mon f... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (28) Voir plus Ajouter une critique
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Se demander si l'on peut remonter dans le temps pour assassiner Hitler, Mao Tsé Tung ou encore Staline ( responsable de la mort de onze millions d'Ukrainiens... ) enfants relèvera toujours de la science-fiction. La question ne se pose pas, leurs génocides ont eu lieu et jamais on ne pourra revenir en arrière.
En revanche, sauver des vies par anticipation en tuant des gosses n'est pas aussi inenvisageable que ce qu'on pourrait penser. Et c'est l'un des thèmes forts de ce roman, hélas très réaliste puisqu'il s'appuie sur l'histoire récente de la Syrie.
"On a un bouton rouge sur la ceintures et on appuie dessus. C'est facile. Ensuite je vais au ciel à côté d'Allah. Je serai heureux. J'aurai plein de cadeaux."
Ces paroles, ce sont celles de Youssef, onze ans. Fils d'une française djihadiste tombée au combat, il a subi depuis des années l'endoctrinement de Daech. Il a tout oublié de son précédent pays, il sait compter jusqu'à vingt avec des munitions converties en bombes puis en chars.
Peut-être a-t-il assisté à la décapitation d'un otage occidental. Voire participé.
Il est ce qu'on appelle un lionceau du califat, un Ashbal, de ces enfants qui ont subi un lavage de cerveau dès l'âge de quatre ans pour leur inculquer la haine de leur prochain sous des prétextes religieux fallacieux.
"On ne se méfie pas des mômes. Au contraire on développe de l'empathie pour eux."
Le rôle de Florence Dutertre, assistante sociale vouée corps et âme à son métier, est de mesurer les risques de réinsertion en France d'enfants tels que Youssef. Est-il encore possible de le déconditionner ou restera-t-il toujours une bombe à retardement ?
Un sniper choisira avant elle et abattra Youssef pendant qu'elle l'interrogeait.
Ce ne sera pas sa première victime.
Alors non, Youssef n'est pas Hitler, mais il aurait pu être un futur Mohamed Lahouaiej-Bouhlel ( attentat sur la promenade de Nice le 14/07/2016 ), un Saïd ou un Chérif Kouachi ( Charlie Hebdo le 07/01/2015 ), un Samy Amimour, un Ismaël Omar Mostefaï, un Foued Mohamed-Aggad ( Bataclan le 13/11/2015 ). Il aurait pu vouloir rejoindre sa mère et Allah en emportant avec lui un maximum de victimes comme l'avait fait Chérif Chekatt le 11/12/2018 au marché de noël de Strasbourg.
On ne le saura jamais.
Il mourra en 2019 avant que les services sociaux et juridiques n'aient pu statuer sur son cas.

Je dois bien avouer que je suis nul en géopolitique, souvent dépassé par les conflits et leurs enjeux territoriaux, économiques, politiques, religieux. Et pourquoi tel pays entre dans le conflit mais pas tel autre ?
Même si Christian Blanchard simplifie la guerre civile née en Syrie en 2011 pour éviter de noyer le lecteur sous une tonne d'informations qui aurait desservie son histoire, il faut quand même s'accrocher. Même si de nombreux points restent obscurs, je me suis surpris à beaucoup me documenter pendant le roman, tant pour clarifier certains aspects que par une curiosité que je n'avais jamais eue à l'époque.
Lire des romans noirs sur fond historique bien concret enrichit énormément.
Pardonnez-moi d'avance si mon court résumé est parfois approximatif ou erroné.
"La Syrie est au centre d'un système géopolitique complexe."

Au commencement eut lieu le printemps arabe. le peuple de nombreux pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient s'est soulevé contre leurs dirigeants dictateurs. En l'espace de trois mois, de décembre 2010 à mars 2011, la Tunisie, l'Egypte, le Maroc, la Jordanie et la Syrie sont confrontés à ces mouvements de liberté qui auront des répercussions différentes.
En Syrie, ce sera la guerre civile. L'ASL ( l'armée syrienne libre ) affrontera l'armée syrienne officielle du président Bachir-El-Assad. Il l'est toujours aujourd'hui après vingt-deux ans au pouvoir. En 2007 un référendum l'a réélu à 97,62 %, en 2014 avec 88.7 %, en 2021 avec 95,1 % des suffrages. Un homme aimé par son peuple, qui fait quasiment l'unanimité. Seulement 200 000 morts, une utilisation de gaz toxique contre les Syriens – civils compris - , je ne comprends pas pourquoi vous pensez que les votes ont pu être trafiqués.
"Quand un dirigeant est capable de tuer des milliers de ses concitoyens, de massacrer son propre peuple, peut-on lui demander d'être raisonnable ?"
Il faut dire aussi que comme tout dictateur qui se respecte, Bachir-El-Assad contrôlait l'information, interdisant notamment l'import de journaux étrangers.
Tu ne seras plus mon frère évoque cette guerre civile par le biais d'une famille franco-syrienne : Ils sont six : Les parents, qui dirigent une exploitation agricole, leurs deux jeunes filles, et leurs fils qui choisissent des camps opposés. Kamar, le plus jeune, choisit l'armée officielle du président Bachir-El-Hassad, l'aîné rejoindra l'ASL. C'est par la narration de ce dernier, Kasswara, que nous découvrirons les horreurs de la guerre et sa façon de métamorphoser les combattants. Un parti pris de l'auteur pour le camp de la liberté et de l'information.
Tandis qu'à l'image de la guerre civile, la haine entre les frères fissure leur famille.
"Il n'y a plus de frères maintenant mais deux camps."
"Ce sera un duel. Un face à face dans les ruines sur un champ de bataille quelconque."

Mais ce ne sont que les prémisses d'un conflit aux ramifications bien plus tordues encore. Une seconde coalition menée contre Bachir-El-Assad prend naissance, dirigée par Abou Bakr al-Baghadi. Ce dernier créera l'Etat Islamique entre l'Irak et la Syrie. Ancien membre d'al Qaïda, il s'autoproclame émir, califat, et chef de tous les clans djihadistes ( ils seront nombreux à le rejoindre ). Il fut l'un des terroristes les plus recherchés et mettra fin à ses jours en 2019, pris en tenaille par l'armée américaine. Il préférera déclencher sa ceinture d'explosifs, emmenant par ailleurs dans la mort deux de ses enfants.
Bienvenue dans l'obscurantisme et la haine.
"Si les femmes disposaient d'une liberté réduite sous le régime de Bachar, elles étaient maintenant asservies comme jamais."
C'est le règne de la terreur.
Si les pays européens ont été victimes d'attentats, y compris des pays totalement neutres comme en Scandinavie, ce ne sont cependant pas les nations les plus touchées par ce déferlement de haine. Raison supplémentaire s'il en fallait une pour ne pas faire d'amalgame.
"Les musulmans sont leurs cibles privilégiés. Moins de morts chez les juifs ou les chrétiens."
C'est donc lui qui est à l'origine de l'embrigadement de jeunes enfants. de la pâte à modeler. de la chair à canon en première ligne des armées djihadistes.
Des enfants soldats qui n'ont pas peur de mourir et qui ont été instrumentalisés sans vergogne pour tuer.
Sur le champ de bataille et en dehors ils sont à considérer comme des armes. C'est eux ou vous. Un instant d'hésitation peut vous être fatal même si les abattre parait être un acte contre nature.
Et c'est lui aussi qui a fait la promotion du Djihad ( "Viens en Syrie, tu vas t'éclater avec nos bombes artisanales !" ), sa propagande ayant fait de nombreux fanatiques. Il diffusait sur internet des mises à mort - parfois effectuées par des enfants - d'otages occidentaux pour maintenir un climat d'insécurité voire de terreur.
"Le cancer Daech avait infecté l'ensemble des organes de la société."

A la grande déception de l'armée syrienne libre, la France ou les Etats-Unis n'ont pas souhaité combattre à leur côté et entrer dans cette poudrière. En revanche, les Russes de Poutine avaient des intérêts économiques en Syrie et ont pris le parti du dictateur Bachir-El-Assad. Ils entrent en guerre en 2015 et bombardent les opposants, finissant par neutraliser les rebelles sans trop s'immiscer dans le conflit avec Daech. Vladimir Poutine contrôlait les airs et aimait déjà beaucoup larguer des ogives. Ca lui servirait d'entraînement pour plus tard.
Je ne parlerais pas des Chiites et des Sunnites, d'Hezbollah, des Salafistes ou du Kurdistan, qui n'ont qu'un maigre rôle à jouer au sein du roman et aussi parce que la géopolitique du Moyen-Orient a gardé encore de nombreux secrets pour moi.
Mais pour quelqu'un qui était totalement néophyte sur la question, ma culture générale s'est quelque peu étoffée.

Alors certes, c'est un roman sur la guerre et je peux concevoir qu'on soit déjà servi aux informations tous les jours, même s'il s'agit d'un autre conflit. Mais ce n'est pas un livre qui ne fait que parler de géopolitique pour les nuls ( comme moi ) et dont l'essence n'est pas non plus de relater des manoeuvres militaires chapitres après chapitres. Si on y a droit quelques fois, c'est toujours du point de vue du résistant Kasswara. Nous vivons donc cette guerre doublement fratricide ( entre personnes d'une même nation, entre deux frères ) du point de vue d'un tireur d'élite exceptionnel, partageant ses exploits et subissant ses revers. Ce sont des passages très récurrents, qui parfois se ressemblent, et qui n'ont pas toujours trouvé le même intérêt à mes yeux.
Ce qui est exceptionnel en revanche c'est de voir ce jeune homme d'abord terrorisé à la seule idée d'ôter une vie humaine et dont la mentalité changera progressivement. Ce sera ensuite un travail, une vocation, puis un plaisir. La peur et l'instinct de préservation l'accompagneront dans les pires situations.
"Tu n'es pas là pour tuer des gens mais pour protéger et sauver tes compagnons d'armes."
Nour, son fusil, sera pour lui une compagne inséparable, humanisée telle une femme à ses côtés.
"De temps en temps, je la décroche, la caresse, lui parle et lui apporte les soins qu'elle mérite."

Pour écrire un roman noir et tragique, la réalité est un terreau parfois plus fertile encore que la fiction.
Parce que des drames à vous serrer le coeur et les tripes, vous en aurez. Et ils ne seront pas uniquement issus de l'imagination fertile d'un auteur qui veut jouer sur la corde sensible, mais d'évènements bien réels ou qui auraient pu l'être.
J'ai un petit regret : Si le roman s'ouvre sur une complicité entre les deux frères ( Kamar et Kasswara ), je pense qu'il aurait pu être préférable d'insister davantage sur celle-ci. Il n'y aura aucun juste milieu, aucune conversation, aucune chance de préserver l'unicité de leur famille. A partir du moment où ils choisiront de combattre dans des camps opposés, seule la haine subsistera.
J'aurais aimé plus de subtilité dans ce conflit familial qui donne quand même son titre au livre.

Quant aux lionceaux du califat, si leur condamnation à leur arrivée sur le sol français est issue cette fois de l'imagination de l'auteur, ils existent bel et bien. En 2021 ils étaient 20 000 enfants irakiens embrigadés enfermés en Syrie. 200 dans des cellules de 30 mètres carrés. Des conditions de vie impossibles, des ennemis avec lesquels il est impossible de revivre. Quelle solution pour ces jeunes humains piratés en machines de guerre kamikazes qui ont été manipulés sans jamais avoir eu leur mot à dire ?
Quand on voit la complexité pour désenvoûter sans assurance de succès ne serait-ce qu'un enfant de retour en France...

Roman historique contemporain, les jeux sont faits à l'avance pour de nombreux aspects du roman qui relate les évènements de 2010 à 2019.
Pour autant, le suspense est présent ( même si on n'est pas du tout dans un thriller ) grâce aux éléments incorporés par Christian Blanchard, à savoir la façon dont se finira - ou pas - le conflit armé de deux frères qui autrefois s'aimaient.
C'est pour ça qu'il ne faut jamais parler politique dans les repas de famille.
Et puis il y a cette intrigue légèrement policière puisqu'il faut retrouver l'assassin de ces enfants djihadistes de retour en France.
Au-delà des quelques défauts évoqués ( la répétition des scènes de guerre, des points stratégiques à contrôler ) et d'une émotion qui m'a manqué pour être réellement impacté par l'aspect fratricide mis en avant dans le livre, Tu ne seras plus mon frère a le plus souvent été réellement plaisant à lire.
J'en sui ressorti ému, parfois même bouleversé.
Je me suis surpris à apprendre et à m'intéresser, au-delà de ce qui était relaté dans le livre, à l'histoire complexe de la Syrie alors que, je l'avoue, j'étais passé au travers des trois quarts. Histoire qui n'est d'ailleurs pas terminée.
Et puis au travers du danger potentiel des lionceaux du califat, les tirer comme des lapins n'apparaît évidemment pas comme la solution idéale.
"Eradiquer toutes les sources possibles de terrorisme."
Mais j'ignore quelle serait la solution la plus appropriée pour les réintégrer dans une communauté qu'ils ont appris à haïr. Pas de miracle en vue mais des questions sans réponse et une intense réflexion.
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Ce livre est une vraie pépite ! Je suis passée par toutes les émotions durant ma lecture. Cette histoire me marquera encore longtemps !

Je ne connaissais ni l'auteur ni ses romans. J'ai rencontré Christian Blanchard lors d'un salon littéraire et il m'a très bien vendu son dernier livre "Tu ne seras plus mon frère ".

Dans sa dédicace l'auteur me demandait si c'était un roman noir, un récit de vie ou encore un roman historique. Pour moi c'est tout ça à la fois !
Tellement de thèmes sont abordés dans ce roman tel que la filiation, la guerre, l'état psychique de l'homme après tant de meurtres, la relation entre le soldat et son arme , la politique , la religion...

Je n'avais jamais lu de romans sur la guerre en Syrie et je dois avouer que j'avais très peur de ne pas accrocher mais si ! L'auteur a réussi à rendre ce sujet très accessible.

Kasswara est un personnage auquel je me suis beaucoup attaché car malgré son envie insatiable de tuer il reste terre à terre et arrive à faire la différence entre le bien et le mal, ce qui est juste et ce qui ne l'est pas .

Le style d'écriture et les chapitres courts offre un vrai confort de lecture. Les pages se tournent à une vitesse folle tellement cette histoire est prenante !

Je félicite l'auteur pour le travail accompli car ce roman à dû demander beaucoup de recherches.

Je vais continuer de suivre cet auteur de très près ! Certains de ses livres comme "Iboga" , " La mer qui prend l'homme" ou encore "Seul avec le nuit" me tente vraiment beaucoup.

N'hésitez pas à me conseiller !
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Le printemps arabe qui débute fin 2010 en Tunisie puis se répand en Égypte , en Libye puis en Syrie , voit les populations se rebeller contre un pouvoir en place despotique . Mais si le soulèvement dans certains pays aboutissent un remplacement du régime précédent - de manière démocratique ou non - en Syrie , Bachar El-Assad s'accroche au pouvoir - aidé en cela par ses alliés russes et profitant des atermoiements des pays occidentaux - quitte , pour cela , à massacrer son peuple .
Les Berger sont des exploitants de melons et de pastèques depuis plusieurs générations au Sud d'Alep . Ces franco-syriens dont les grands parents sont rentrés en France continuent leur commerce malgré la guerre civile qui éclate , voyant s'opposer les forces loyalistes au gouvernement en place et l'Armée Syrienne Libre ( ASL) , éprise de liberté qui souhaite faire tomber le dictateur .Les Berger ont deux fils et deux filles . Kasswara , l'ainé , a déjà fait l'armée et a obtenu de nombreux titres le récompensant en tant que tuteur d'élite . Son frère cadet , Kamar , ne rêve que de s'engager dans l'armée et de devenir tireur d'élite comme son grand frère .
Mais le destin et la guerre civile qui bat son plein va les faire choisir deux camps opposés : Kamar pour l'armée loyaliste et l'ASL pour Kasswara , au risque qu'ils s'entretuent un jour , en Syrie ou neuf ans plus tard en France .

Une fois de plus , j'ai été scotché par cette histoire qui vous prend aux tripes .
Ces combats sanglants et sans pitié qui nous font vivre les épisodes de cette guerre syrienne , qui a vu la constitution de Daech et de son califat au beau milieu de cette guerre civile syrienne , sont d'un réalisme terrible . Une guerre complexe , un jeu dramatique à plusieurs bandes qui voient s'affronter sur un même terrain, intérêts et idéologies divergents: états arabes , occidentaux , russes , iraniens , turques , kurdes , les factions rivales syriennes et Daech .
Kasswara est notre témoin de ces horreurs quotidiennes qui voit le combattant de la liberté se transformer en terrible machine de guerre . L'auteur nous immisce parfaitement dans cette ambiance de combats anarchiques pour gagner puis reperdre quelques pouces de terrains .
La deuxième facette de ce roman est celle qui se déroule en 2019 . L'Etat islamique est décimé et la France , à travers l'Aide Sociale à l'Enfance accueille les premiers enfants de djihadistes français . Des enfants qui n'ont pour beaucoup connu que la vie sous Daesh et dont certains sont passés par l'école du califat , conditionnés par leurs instructeurs à tuer les mécréants et à devenir des lionceaux du califat .
Enfants bourreaux ou futures victimes ?
L'auteur nous montre avec l'efficacité de cette écriture qui le caractérise , l'ambiguïté de cette situation et les ravages de cette guerre qui a eu pour conséquences d'envoyer des centaines de milliers d'hommes , de femmes et d'enfants s'amasser dans des camps de fortune , seule solution de survie immédiate pour eux . Un roman qui se lit comme un thriller même si la fiction n'est ici qu'un support à des faits avérés et à une tragédie sans fin .
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Quand le printemps arabe éclate fin 2010, les dissensions entre pays arabes refont surface. Mais elles essaiment aussi au coeur des familles, venant les bousculer. C'est ce que va vivre la famille Berger, franco-syrienne, qui vit au sud d'Alep. Alors que Kasswara s'engage aux côtés de la rébellion, son frère Kamar prête allégeance à l'armée de Bachar el-Assad. Les deux frères se voient maintenant comme des rivaux et, au fil du conflit qui se durcit, des ennemis à éliminer. 2019, en France. Florence Dutertre est une assistante sociale qui supervise le retour en France des « lionceaux du Califat », ces enfants embrigadés dans la doctrine de Daesh. Alors qu'elle s'entretient avec un enfant tout juste arrivé à Paris, elle le voit s'effondrer, une balle en pleine tête. Qui a voulu le tuer, et pourquoi ? Florence est bien décidée à mener l'enquête, quitte à mettre sa vie en jeu…

« Tu ne seras plus mon frère » est un roman écrit par Christian Blanchard et qui a obtenu le prix 2021 de la ville de Carhaix. C'est un roman sombre qui prend le lecteur aux tripes par les drames qu'il narre et la violence dont il se fait l'écho. En contrechamp de l'Histoire, s'écrit l'histoire singulière de deux frères que la guerre va opposer. Celle-ci les mène finalement vers une issue dramatique : briser le sang qui les unit par le sang, la mort de l'un ou l'autre. Mais avant cela ils ont à écrire d'autres pages et à éliminer leurs adversaires dans des combats difficiles, anarchiques, où l'enjeu est de reprendre une place forte, tout en sauvant sa vie. Tous deux sont des snipers, ces tireurs d'élite qui interviennent en amont puis en aval des batailles.

C'est le point de vue narratif de Kasswara que nous allons suivre. Et nous sommes très vite complètement immergé dans son esprit, dans les conflits auxquels il prend part : le propos est en effet d'un réalisme glaçant. Nous vivons ses peurs, ses doutes et sa métamorphose au fil des opérations. Au début, il redoute de donner la mort, se demandant comment il va vivre ce point de bascule. Après son premier combat, il ruse, triche avec lui-même, et remplace dans sa lunette de visée les victimes qu'il va faire par des cibles de carton-pâte. Mais les cauchemars qui commencent à hanter ses nuits lui montrent l'effraction que ces morts ont ouverte dans son esprit : il ne sera plus le même, quoi qu'il fasse. Peu à peu, il s'habitue et commence même à se sentir en manque quand les blessures l'écartent du front. Et puis débutera la période française, dans laquelle se retrouvent les deux frères.
Grâce à une écriture ciselée, puissante et âpre, l'auteur parvient à nous happer dans cette intrigue bien construite, quoique de facture classique : elle alterne les points de vue narratifs et les périodes, jusqu'à ce que ces dernières s'éclairent mutuellement puis se rejoignent.

Un roman noir, engagé, puissant, qui dit le déchirement des pays arabes et de l'occident par le prisme d'une famille franco-syrienne et de ses deux fils.
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Le nouveau roman de Christian Blanchard « Tu ne seras plus mon frère » nous emmène en Syrie, au coeur d'un conflit entre les pro Bachar el-Assad et la rébellion ivre de liberté. Nous sommes en 2011 au sein d'une famille dans laquelle la mère est musulmane, le père catholique. Les deux fils ont des opinions politiques diamétralement opposées : Kasswara rejoindra les forces de l'ASL, l'Armée syrienne libre, et son frère Kamar intégrera le mouvement pour soutenir Bachar. de fait, les deux frères deviendront frères ennemis. Parallèlement, en 2019, Florence Dutertre, assistante sociale encadre le retour en France des « lionceaux du califat », Ashbal, des enfants partis avec leurs parents faire le Djihad nés en France ou en Syrie, mais de parents français. Ces enfants ont été nourris à la propagande, se sont entraînés dans des camps au maniement des armes. Ils deviennent de petits tueurs pour Daech, mais aussi de potentielles bombes à retardement à leur retour en France. le désendoctrinement doit s'organiser, mais c'est sans compter un sniper présent sur le territoire qui les abat dès qu'ils posent le pied sur le sol français.

Ce roman est vraiment intéressant pour plusieurs raisons. D'abord, il est très didactique, sans être fastidieux. Les enjeux du conflit en Syrie sont très bien développés, de même que les risques que cela engendre à l'étranger, notamment sur le sol français. le rappel des différents attentats que nous avons vécus sur notre sol nous le remémore. Ensuite, il est passionnant de suivre des opinions politiques opposées dans une même fratrie. Christian Blanchard démontre parfaitement bien à quel point les divergences idéologiques peuvent détruire une famille et déclencher une haine incommensurable entre deux frères qui se sont toujours aimés. « Notre vie aura été en grande partie un gâchis. Cette guerre fratricide nous a détruits. Notre lien de sang vient d'être rompu. Notre haine l'un pour l'autre va reprendre le dessus. »

La dextérité de l'aîné au maniement des armes et son courage en faisait un modèle à suivre dans les yeux du cadet, tant et si bien qu'il aspire à exercer la même profession que son grand frère, tireur d'élite, sauf que les appétences politiques ne sont pas toujours similaires sous prétexte d'être frères. Par opposition, les différences d'opinions entre le père et la mère sont du même acabit sans que cela ne les déchire pour autant. Moins fiévreux que leurs enfants, ils ont pourtant des opinions tranchées qu'ils gèrent différemment : l'un par la lecture de différentes sources de presse, l'autre par un silence plus ou moins désapprobateur. Ils se souviennent d'aimer unanimement leurs enfants, quel que soit leur camp.

Enfin, l'auteur va plus loin dans sa réflexion par l'intermédiaire du personnage de Florence Dutertre. « Dans mon travail, je dois me poser la question suivante : ces gamins sont-ils dangereux, ou insérables dans notre société ? » Celle-ci a pour mission d'accueillir en France des enfants qui ont été endoctrinés toute leur vie. le sujet est d'actualité et a soulevé bien des polémiques : que faire de ces enfants nés sur le sol français, partis en Syrie avec leurs parents qui reviennent en France ? Comment s'assurer qu'ils ne prévoient pas de se faire sauter au milieu d'une foule ? Comment défaire le noyau de l'enrôlement idéologique et les remettre dans un mode de pensée où ils seraient capables de réfléchir par eux-mêmes ? Car, « Une drôle de guerre fratricide se déroule en Syrie, mais le terrorisme s'exporte. L'idée est simple, mon ami : semer la panique partout où c'est possible. » Cette problématique de notre société ne peut qu'interroger le lecteur sur ce conflit et ses conséquences à l'échelle internationale, car il s'agit bien d'enfants dont on parle, d'enfants de 4 et 16 ans dont les cerveaux ont été farcis par des monstruosités.

Pourtant, et je ne dévoile rien puisque ceci est précisé dans la 4e de couverture, un sniper les exécute un par un dès leur arrivée sur le territoire. Hors de question de laisser aux « lionceaux du califat » la possibilité de tuer la population en orchestrant des attentats meurtriers ou en suivant une logique fortement incrustée dans leur mental. C'est lors de la découverte de l'identité du sniper que Christian Blanchard me perd. Totalement. J'ai relu plusieurs fois la fin en cherchant des indices qui me permettraient de justifier ce choix, de me montrer que j'avais mal interprété certains signaux, mais je n'ai trouvé aucune logique à ce dénouement. Pour moi, cela ne fait aucun sens, cela ne se justifie pas et remet en cause l'ensemble du roman m'amenant même à penser que je n'avais finalement rien compris au conflit en Syrie.

Alors ? Que dire ? D'une part, je voudrais vous encourager à le tenter si vous souhaitez comprendre les tenants et les aboutissants de cette guerre, en saisir les enjeux, pénétrer dans l'esprit de ces deux frères et appréhender leurs points de vue. L'éclatement de la cellule familiale de par leurs divergences d'opinions, l'amour si proche de la haine dissimule de nombreuses émotions, souvent contradictoires chez le lecteur. D'autre part, d'éventuellement m'apporter un éclairage sur cette fin qui me pose vraiment problème et dont la logique m'échappe totalement.
Lien : https://aude-bouquine.com/20..
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Citations et extraits (32) Voir plus Ajouter une citation
Il faisait partie de ces gens à grande capacité d’adaptation. Un caméléon. Il avait restreint au maximum ses relations sociales. Il savait se donner l’apparence d’un homme banal si nécessaire. Par souci de normalité, il côtoyait de temps en temps une femme. Elle s’attachait souvent. Lui, il jouait. Expert en dissimulation.
Mais quand il était seul, il ne dormait pas comme la plupart des gens – dans un lit, nu ou en pyjama. Lui, il s’assoupissait dans le canapé ou dans le fauteuil. Parfois revêtu d’un peignoir, souvent tout habillé.
Ce qui passait alors dans sa tête ne variait pas. Toujours les mêmes images d’explosions, de sang, de chairs déchiquetées ou éparpillées. Saloperies de lionceaux du califat !
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Plus un enfant est jeune, plus il est facile de le conditionner. Les ennemis sont les Occidentaux et les musulmans n’ayant pas prêté allégeance à Abou Bakr al-Baghdadi. Des mécréants à éliminer. Pour le croyant extrémiste, mourir n’est pas une fin mais un début. Il se retrouvera aux côtés d’Allah et obtiendra tout ce qu’il désire.
Personne n’est en mesure de le certifier. Les morts au nom d’Allah – ou de tout autre Dieu – ne sont jamais revenus dans le monde des vivants pour en témoigner.
Je suis un incroyant et je le revendique.
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Théoriquement, les musulmans ne boivent pas d’alcool mais mon père est chrétien. Une minorité religieuse. Encore l’un des paradoxes de ce pays où plusieurs formes de pensée spirituelle se côtoient. Quatre-vingt-douze pour cent de la population sont musulmans, avec une multitude de tendances au sein d’autant de communautés. Jusqu’alors, chacun semblait vivre plus ou moins en bonne entente avec les autres. Notre famille en est la preuve. Bien que baptisé, mon père n’est pas pratiquant. Il nous a parlé plusieurs fois des moments clés de sa religion, Noël, Pâques ou l’Ascension. Ma mère est musulmane et assiste à la prière du vendredi. Elle écoute le sermon de l’imam et revient à chaque fois un peu plus convaincue de sa foi, de la suprématie de sa croyance sur les autres. Et pourtant, nous sommes une famille respectueuse des idées de chacun.
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Dans cette région du monde, l’hiver est aussi froid que les étés sont chauds. Nous nous enveloppons dans des doudounes. Nous descendons les marches et avançons sur l’allée gravillonnée.
Nous arrivons au bord du champ où quelques mois auparavant j’exhibais mes talents de tireur.
— Tu te souviens des deux melons dézingués ?
— Comment pourrais-je les oublier ?
— Est-ce pour cette raison que tu souhaites t’engager maintenant ?
— Que veux-tu dire ?
— J’ai vu ton attirance pour les armes à feu, pour le SVD.
— Je veux connaître mes capacités dans ce domaine, si c’est bien ta question. Je ne parle peut-être pas beaucoup, je ne donne pas souvent mon opinion, mais j’écoute et j’analyse les choses. Si elles virent mal dans notre pays, je veux être du côté du plus fort. Et jusqu’à preuve du contraire, c’est Bachar el-Assad.
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L état islamique ,comme de nombreuses organisations extrémistes et fascistes, a rapidement parié sur les enfants.
Le devenir de Daech. L'endoctrinement est au centre de leur programme. Plus l'enfant est jeune, plus il est malléable.
L'idée est de former une génération de jeunes soldats pour perpétuer l'idéologie extrémiste.
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Videos de Christian Blanchard (22) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Christian Blanchard
Aujourd'hui nous avons eu le plaisir d'accueilli Christian Blanchard pour son nouveau roman Tu ne seras plus mon frère aux Éditions Belfond. L'histoire de deux frères franco-syriens auparavant très unis, découvrent que l'amour fraternel n'est parfois pas assez fort. "Je voulais que le lecteur puisse découvrir la guerre syrienne mais vue de l'intérieur cette fois là".
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