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Benoît Blary (Autre)Stéphane Piatzszek (Autre)
EAN : 9782302095731
88 pages
Soleil (01/02/2023)
3.83/5   47 notes
Résumé :
Jacques Fleurentin, ethnophamacologue, a consacré son existence aux plantes qui nous soignent, une vie d'aventure et de rencontres aux quatre coins de la planète, pour découvrir les secrets des végétaux guérisseurs.

80% des molécules qui nous soignent sont issues des plantes. Sur les 250 000 espèces de plantes existantes, nous n'en connaissons assez bien qu'un pour cent. Guidés par un expert au gré de ses choix scientifiques et de ses appétits de voya... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
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C'est certain, lorsqu'on ouvre L'homme qui aimait les plantes, on a l'impression de feuilleter un herbier. Les aquarelles de Benoit Blary semblent tout droit sorties d'un traité de botanique elles sont magnifiques de couleur et de précision. S'y rajoutent les anecdotes concernant la découverte et l'usage de chaque plante.
Toutes ces plantes ne sont pas là par hasard, elles ont un lien direct avec ce pharmacien et ethno pharmacologue né en Moselle dans les années 50 et au patronyme prédestiné : Jacques Fleurentin.
Loin d'une didactique pesante, cette biographie nous permet de rencontrer l'homme passionné et pétrit d'humanisme et de le suivre à travers ses voyages dans le monde. Sur ses pas, nous traversons l'Afrique, la Perse, l'Arabie, l'Asie, les Galapagos… Chaque voyage est l'occasion de rencontres avec les autochtones et un partage de leurs connaissances de la flore. Les médecines traditionnelles, qui ont fait leurs preuves depuis des millénaires, savent utiliser les propriétés médicinales des plantes que nous offre la nature. Et c'est cette richesse qu'il est important de connaitre pour fabriquer nos médicaments de demain.
Dans de nombreux pays, l'utilisation des ressources naturelles est importante pour fabriquer des médicaments à base de plantes, une alternative aux molécules chimiques.
« La demande est forte aussi dans les pays du Sud qui n'ont pas accès facilement aux médicaments, importés et couteux. Selon l'OMS, 80% des habitants de la planète n'ont accès qu'aux médecines traditionnelles. »
L'auteur nous apprend également que l'exploitation de ces plantes médicinales génère un revenu aux pays et aux peuples qui les ont fait connaitre, ceci ratifié par une convention de l'ONU. Il y a donc une éthique dans la commercialisation de ces savoirs ancestraux, et c'est rassurant.
« Mais il n'est pas question de nous approprier ces savoirs qui appartiennent aux ethnies qui les ont découverts. Ils ne sauraient être exploités par de grands laboratoires pharmaceutiques qui se rendraient coupables de biopiraterie. »
Les illustrations nous font voyager et nous éblouissent tout en nous apprenant un tas de choses passionnantes.
Au-delà de la biographie d'un ethno pharmacologue, c'est un roman humaniste qui parle du partage des savoirs et des propriétés médicinales immenses et encore peu connues des plantes du monde entier. On ne peut qu'espérer que cette vision idéaliste, éthique et humaine soit la réalité et que la nature soit toujours respectée.

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C'est une des missions de l'ethnopharmacologie.
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Sa première parution date de 2023. Il a été réalisé par Stéphane Piatzszek pour le scénario, par Benoît Blary pour les dessins et les couleurs. Il évoque la démarche de Jacques Fleurentin (1950-), pharmacien et ethnopharmacologue. Il se termine avec un dossier de cinq pages, Pour aller plus loin. Celui-ci comprend une postface de Fleurentin rédigée en septembre 2022, une présentation de la Société Française d'Ethnopharmacologie (SFE) et de ses missions (recenser les traditions orales du monde entier, valider par des travaux scientifiques rigoureux le savoir des guérisseurs, diffuser le savoir), une page de repères historiques (de 1598 pour la création de l'université de médecine à Pont-à-Mousson et de ses quatre chaires, à 2017 pour le droguier confié à la SFE), une page de présentation du droguier de la Société Française d'Ethnopharmacologie, et pour finir un bibliographie sélective de neuf ouvrages.

Au temps présent, à Metz, dans le cloître des Récollets. Un couple est en visite dans le jardin des plantes médicinales. Leur enfant s'approche d'une anthémis. Les parents le mettent en garde qu'il s'agit d'un jardin de plantes toxiques. Jacques Fleurentin intervient pour indiquer que les Indiens mettaient de cette plante, sur leurs flèches pour tuer leurs ennemis. C'est une anthémis. Et elle n'est pas plus toxique que la marguerite. Elle a poussé toute seule, elle voulait sans doute être en bonne compagnie. C'est une fleur toute simple qui se balade. Nommée par le grand botaniste Linné en 1753, l'anthémis provient du grec Anthos et signifie Fleurette. le genre compte plusieurs espèces, dont la camomille qui, elle, est médicinale. Fin des années 1950 à Woippy, en Moselle. le père de Jacques est pharmacien et il travaille en officine. Il délivre une prescription : prendre des feuilles de camomille en infusion pendant quinze minutes. Trois grammes pour un quart de litre d'eau, et les ballonnements d'après repas, de la cliente, ne seront plus qu'un mauvais souvenir.

Dix ans plus tard, Jacques à dix-huit ans, en mai 1968. Il doit passer son baccalauréat, puis il va entrer en fac de pharmacie, et son père espère bien qu'il reprendra l'officine paternelle. le jeune homme fait observer qu'il ne connaît que cette pharmacie depuis qu'il a trois ans et qu'il souhaite courir le monde, ce qu'il fait dans une première expédition. L'anthémis, de la famille des camomilles, est une sorte de marguerite au coeur jaune. Lui et ses amis ont choisi son nom pour leurs expéditions car la camomille n'est pas une fleur, mais une société de nombreuses fleurs rassemblées sur un capitule, chacune ayant une spécialisation dans le travail. Ainsi, leur équipage se composait de Martine, en charge de l'intendance, de Jacques, photos et botanique médicale, de Georges, photos, et de Patrick, responsable de la partie mécanique. Découvrir le monde et voir comment les hommes vivent au loin.

La couverture porte la mention : La médecine, autrement. le texte de la quatrième de couverture précise : Jacques Fleurentin, universitaire et pharmacien, a consacré son existence à ces plantes qui soignent ; une vie d'aventure et de rencontres aux quatre coins de la planète pour découvrir les secrets des végétaux guérisseurs. le lecteur comprend rapidement qu'il s'agit de suivre cet homme depuis la fin de ses études jusqu'à maintenant, au travers d'une de ses activités : la recherche de plantes médicinales grâce à des guérisseurs, d'abord dans le sud de la Méditerranée, puis au Yémen, et avec le temps dans de nombreuses régions du monde, avec le cas particulier de la Réunion. Il n'est donc pas question de sa vie privée, ou même de ses conférences universitaires. Les auteurs présentent son activité d'ethnopharmacologue, c'est-à-dire l'études des médicaments des autres peuples, des savoirs acquis et transmis à des fins thérapeutiques. Il s'agit donc d'un exposé sur différents aspects : de la première expédition en Turquie à celle à la Réunion, en passant par celle dans le Sahara, au Yémen, la création de la société française d'ethnopharmacologie (SFE) en 1986 et son droguier, et des exemples concrets comme l'anthémis, l'acacia, le qat (khat), les plantes succulentes, la dénomination des plantes créée par Carl von Linné (1707-1778, dans l'ouvrage Systema naturae), l'aloès, etc.

La narration visuelle commence comme une bande dessinée traditionnelle : des cases disposées en bande pour une séquence. Les dessins se situent dans un registre naturaliste : des formes détourées avec un trait fin, pour des personnages et des lieux réalistes. Au fil de l'ouvrage, le dessinateur représente de nombreuses personnes d'origine diverse : Jacques Fleurentin à soixante-dix ans en blouse blanche, le jeune couple et leur enfant, le père pharmacien, les jeunes étudiants au début des années 1970, des Touaregs, un officier de la douane d'Arabie saoudite, Yvette Viallard, médecin-chef de la mission médicale française au Yémen, des guérisseurs rencontrés dans les différents pays. le lecteur apprécie l'apparence normale de tous ces individus, la cohérence de leur tenue avec l'époque ou la région du globe, l'expression de leur visage ou leur geste dans un registre tout ce qu'il y a de plus banal. de même l'artiste doit représenter de nombreux lieux : le cloître des Récollets à Metz, le désert saharien, un amphithéâtre de fac, un village en Turquie, une vue générale de Kaboul dans les années 1970, la route traversant le désert de Tademaït, des zones très reculées du Yémen, l'intérieur d'une serre du jardin botanique de Villers-lès-Nancy, des zones sauvages de l'île de la Réunion, l'aéroport de Port Vila Bauerfield dans les Vanuatu, et même le HMS Beagle, le navire britannique sur lequel Charles Darwin a voyagé.

L'exposé entremêle des évocations d'expédition de l'ethnopharmacologue, avec des explications sur quelques plantes choisies, et quelques pratiques techniques. le lecteur peut ainsi apprécier des représentations détaillées de l'Anthemis Nobile (camomille romaine), des plantes du bassin méditerranéen (aubépine, ache, cerfeuil, aigremoine, ail des ours, chélidoine, absinthe, bouillon-blanc, coriandre, bardane, basilic), du calotropis procera, de l'acacia, de quelques plantes du Yémen (euphorbia fruticose, aloe tomentosa, caralluma socotrans, nigella sativa), etc. Ces dessins techniques sont réalisés comme par un naturaliste, pouvant servir de référence au lecteur s'il souhaite s'y intéresser. L'artiste représente également le processus de réalisation d'un herbier, de semis, de recherche d'une plante dans la jungle, etc. La narration visuelle mêle donc des interactions entre êtres humains, des voyages, avec quelques planches plus botaniques. La mise en couleurs semble être réalisée à l'aquarelle, avec une approche, elle aussi, naturaliste, venant enrichir les formes détourées, leur apporter de la consistance, installer l'ambiance lumineuse, que ce soit celle du désert sous un soleil implacable, ou celle artificielle d'une pharmacie en métropole.

Grâce à la narration visuelle, le lecteur se trouve transporté dans le monde de Jacques Fleurentin, entre études sur le terrain, et travail en laboratoire ou en officine, entrecoupé de présentations sur différentes plantes. S'il n'est pas familier du travail de cet homme ou du principe d'ethnopharmacologie, le lecteur ne discerne pas tout de suite la nature de l'ouvrage : entre récit biographique et potentiellement plaidoyer pour une médecine dite douce. le passage du temps passé au temps présent vient repousser la vue globale sur l'ouvrage. En outre, le lecteur constate que la forme de présentation ne relève pas d'une démarche universitaire, et qu'il lui faut accepter de ne pas avoir toutes les dates, ou toutes les durées, ni même des références rigoureuses sur des textes de loi ou réglementaires. Il comprend progressivement que les auteurs font en sorte de mener concomitamment la progression des pratiques de recherches et la présentation de plantes médicinales pour établir que ce chercheur applique une méthode scientifique, sans velléité de dénoncer les pratiques des grands groupes pharmaceutiques, ou de faire acte de prosélytisme pour une pratique alternative. Progressivement, la narration établit quelques faits qui viennent dresser un état des lieux qui milite pour la préservation des savoirs des guérisseurs, aujourd'hui oraux. 80% des molécules qui soignent les hommes sont issues des plantes. Selon l'OMS, 80% des habitants de la planète n'ont accès qu'aux médecines traditionnelles. Dans toute l'Afrique et les Amériques où prédomine une culture orale, les savoirs ancestraux disparaissent.

Un titre peu révélateur pour une bande dessinée qui parle du métier d'ethnopharmacologue, par le biais du spécialiste français le plus connu : Jacques Fleurentin. le dessinateur impressionne par sa capacité à rester dans le registre d'une bande dessinée, avec une narration séquentielle, plutôt que des illustrations pour un texte livré clé en main. Il se montre aussi habile et convaincant à reconstituer une époque qu'un lieu, ou à représenter avec précision une plante. le scénariste a choisi une construction qui entremêle la vie du chercheur avec des éléments sur l'ethnopharmacologie, dans une précision tout public, moins rigoureuse qu'une présentation académique. le lecteur ressort de cette découverte, avec une idée concrète de ce qu'est ce domaine de recherche, son intérêt et l'enjeu qu'il représente pour l'humanité.
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Je ne connaissais cette discipline que représente l'ethnopharmacologie créée en 1986 par Jacques Fleurentin.
Ce scientifique avide de savoirs étudie auprès du professeur de botanique Jean -Claude Hayon et devient une aide bénévole auprès de Jean- Marie Pelt.
Il quitte sa ville de Metz pour parcourir avec son équipe le désert du Sahara en 1973. C'est dans ce milieu hostile pour l'homme qu'il s'aperçoit que les acacias signalent aux arbres voisins la présence de prédateurs à l'aide d'un gaz.
Suit le Yémen où la nomination des plantes est un véritable problème pour le monde scientifique. D'où l'emploi d'un système binaire ( genre et espèce) convenu dans le monde entier. Dans ce pays aride, Fleurentin identifie 169 plantes avec l'aide de la médecine traditionnelle. Il côtoie les guérisseurs pas toujours coopératifs.
Les malades des pays du sud n'ayant pas l'accès à la médecine des molécules chimiques se tournent vers des soins plus naturels.
Il reprend la pharmacie paternel et ouvre une herboristerie par souci d'écologie.
Quelques années plus tard il échange avec Jean-Marie Pelt sur la théorie de Darwin. Ils s'aperçoivent que "la raison du plus fort n'est pas le seul facteur déterminant de l'évolution: la raison du plus faible intervient" aussi avec des notions de coopération.

Stéphane Piatzszek narre avec précision, documents à l'appui, la vie d'un scientifique passionné au service de l'homme et de la nature.
Grâce aux aquarelles de Benoît Blary, on entre dans une douce atmosphère comme un novice en quête d'éclairage.

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Voici mon retour de lecture sur le roman graphique L'homme qui aimait les plantes de Benoît Blary.
Jacques Fleurentin, ethnophamacologue, a consacré son existence aux plantes qui nous soignent, une vie d'aventure et de rencontres aux quatre coins de la planète, pour découvrir les secrets des végétaux guérisseurs.
Guidés par un expert au gré de ses choix scientifiques et de ses appétits de voyages, plongez dans les connaissances actuelles, les pratiques ancestrales et les enjeux de la botanique de demain.
L'homme qui aimait les plantes est un roman graphique qui est un mélange de documentaire et biographie.
J'ai trouvé cet ouvrage très intéressant, et très instructif. Il m'a permis de découvrir Jacques Fleurentin et le métier d'ethnophamacologue. On découvre comment il a réussi à acquérir autant de connaissances sur la botanique, c'est fascinant.
Par contre, il y a beaucoup d'informations, j'ai trouvé ça un peu compliqué par moment. Je suis parfois un peu perdue.
Heureusement, les illustrations sont magnifiques, de même que la colorisation. Cela compense les passages qui m'ont un peu captivés.
L'homme qui aimant les plantes est un roman graphique qui m'a plu dans l'ensemble, je vous le recommande et note quatre étoiles.


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Si les dessins sont de bonnes qualités, et si l'intention est louable, à savoir l'idée de partages des connaissances sur la médecine par les plantes plutôt que par les industries chimiques, il faut ensuite trouver un intérêt pour le sujet. J'ai eu le sentiment de déballage de science, voire une façon de se faire de la pub (même si là aussi l'association qu'il a créé a un but louable). Cette BD-autobio est destinée à des botanistes en herbe, étudiant en plantes médicinales, et autres produits pharmacologiques tirés des plantes. Elle retrace le parcours de notre auteur pour découvrir mille espèces et recettes. Je ne m'attendais pas à cela, même si on peut apprendre 2-3 trucs quand même. Tant pis, je suis resté à côté : à vouloir aller vite en besogne, la BD est courte, elle ne fait qu'effleurer (!) un sujet si vaste (la botanique par exemple). Je reste sur le trop peu.
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critiques presse (4)
Sceneario
21 mars 2023
Un album intéressant qui a la particularité de nous ouvrir les yeux, outre sur la nature et ses nombreuses qualités thérapeutiques, sur un homme qui a transformé son métier en une grande passion.
Lire la critique sur le site : Sceneario
BDZoom
07 mars 2023
Il y a mille façons d’aimer la nature, voire de l’aider tout en aidant les hommes. C’est bien l’objectif de Jacques Fleurentin, ethnopharmacologue et voyageur, dont « L’Homme qui aimait les plantes » raconte les recherches et pérégrinations.
Lire la critique sur le site : BDZoom
BDGest
03 mars 2023
Mi-biopic, mi-documentaire naturaliste (scientifique, ethnographique, pharmacologique, etc.), L’homme qui aimait les plantes est une ode à la nature et à la curiosité.
Lire la critique sur le site : BDGest
Bedeo
27 février 2023
Avec un titre aussi évocateur, qui rappelle un titre de Borzeix ou de Giono, on pouvait s’attendre à une symphonie pastorale ou un récit écologique, mais ce livre renferme quelque chose de plus original. Combinant le roman graphique et la biographie, il raconte la vie sans extravagance mais passionnée d’un chercheur en ethnopharmacologie, soit la science des plantes.
Lire la critique sur le site : Bedeo
Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
1973, Sahara. Le désert, enfin ! La décision était prise d’une traversée nord-sud, d’Alger à Agadès, puis retour par le redoutable désert du Ténéré. Trois massifs montagneux étaient au programme : le Hoggar, l’Aïr, et le tassil n’Ajjer. Et d’immenses étendues de sable et de regs. Il fallait prévoir une autonomie de carburant de 1.000km et d’eau pour 7 jours. Nous avions peu de moyens financiers et nos véhicules habituels, des Peugeot 404, ne pouvaient réaliser ce périple. Dans la recherche de partenaires financiers, nous avions déposé un dossier pour l’obtention du tout nouveau 4*4 Toyota Land Cruiser que les Japonais venaient de mettre sur le marché pour concurrencer l’indétrônable Land Rover. Nous devions réaliser un reportage en images pour faire découvrir les capacités du véhicule en conditions extrêmes. Nous nous étions rapprochés de Maurice Freund, patron fondateur du Point Mulhouse, pionnier des voyagistes, qui a initié les découvertes et aventures dans des régions inaccessibles. […] Depuis un an, nous préparions ce voyage avec une excitation débordante : le planning des tâches, le matériel photo et ciné pour les reportages, les jerricans à essence, les bidons plastiques pour l’eau, un treuil, deux roues de secours, des échelles de sable, des outils, des pièces de rechange, des médicaments, deux tentes et du matériel de camping, des cartes, de la documentation. La route nous mène à travers des paysages méditerranéens, s’élève vers les montagnes de l’Atlas, l’Aurès, puis redescend vers le Sud. La végétation se raréfie, lentement le paysage change. Le désert de pierre de Tademaït nous stupéfait. Aux quatre points cardinaux, le même paysage, la même aridité, le même silence, la même chaleur, une enclume. Seule trace de la civilisation, ce ruban de bitume qui file à l’infini. Enfin, quelques traces d’une végétation herbacée discrète et rabougrie, puis, soudain, des arbres au tronc jaune torturé qui jaillissent au détour d’un oued : des Calatropis procera, avec leurs rameaux feuilles au bout desquels s’épanouissent des grappes de petites fleurs bleues. Leurs grandes feuilles vertes et leurs tiges sont parcourues par des petites vaisseaux libérant un latex blanc irritant protégeant la plante de la pâture. Ce latex est utilisé comme poison de flèche pour son action cardiotoxique et ses effets irritants en facilitent la diffusion dans le corps de la victime. Au Yémen, le latex est employé en médecine vétérinaire pour traiter les galles et les affections dermatologiques des dromadaires. Les Touaregs en font un usage similaire au Sahara où le Calotropis est parfois le seul arbuste présent dans les immensités désertiques.
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Nommer les plantes, telle fut ma première difficulté. Les Yéménites, comme tous les peuples du monde, ont nommé dans leur propre langue, les plantes utiles, magiques ou rituelles. La graine noire (Habba sûdâ), par exemple, connue dans tout le pays, est ce que nous appelons la nigelle. Son nom scientifique est Nigella sativa. Ce nom latin provient du système international de nomination et de classification inventé au XVIIIe siècle et, depuis, peu à peu accepté et reconnu par tous. Le prophète Mohammed disait : Elle soigne toutes les maladies, sauf la mort. Une étude pakistanaise non publiée a montré son intérêt face au Covid. Après les travaux des botanistes de la famille des Jussieu, c’est finalement le Suédois Linné qui élabora une classification basée sur les organes sexuels des plantes. Mais ce qui révolutionna définitivement le monde des naturalistes, ce fut la proposition de Linné de nommer toutes les plantes et tous les animaux par deux noms seulement. Un nom de genre : Nigella damascena, non comestible. Et un nom d’espèce : Nigella Sativa, cultivée et médicinale. Le genre regroupe des plantes qui ont des ressemblances et affinités communes. L’espèce est une particularité du genre, les espèces étant interfécondes. Les genres sont regroupés en famille et les familles en ordre. Ce système binaire avec dénomination latine, extrêmement simple et efficace, fut accepté même par les Chinois. Une identification botanique rigoureuse est la pierre angulaire de tout l’édifice de recherche bâti autour de la plante médicinale. Une plante mal identifiée peut entraîner toutes sortes de catastrophes.
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Ma formation auprès de Jean-Marie Pelt pendant quatre décennies m’a ouvert les yeux sur le fonctionnement des écosystèmes associant l’homme dans la nature et l’impérieuse nécessité de conjuguer en harmonie les contraintes environnementales, sociales et économiques. Lanceur d’alerte de son temps, il n’avait pourtant pas imaginé la rapidité avec laquelle ces bouleversements écologiques frapperaient. Malgré l’urgence, il est encore temps de réagir sans perdre une minute. L’homme se soigne avec des plantes depuis des millénaires, mais la médecine en seulement quatre-vingts ans a renié ses sources. C’est en 1944 que les Américains ont apporté les premiers antibiotiques et à partir des années cinquante on a utilisé les molécules de synthèse. Avant cela, la médecine s’exerçait avec les plantes. Or, la puissante médecine moléculaire génère des effets secondaires et la demande d’alternatives est forte pour les éviter. La thérapeutique est en fait une palette dans laquelle on peut puiser au besoin les plantes, les huiles essentielles ou les médicaments de synthèse. L’intérêt pour l’ethnopharmacologie est international et les grandes conventions comme Rio ou Nagoya ont validé la protection des savoirs traditionnels, pour éviter la bio-piraterie, et parce que ce savoir est perçu comme un patrimoine important pour l’avenir. Il faut bien entendu préserver la biodiversité à un moment où l’on fait face à la sixième extinction des espèces et conserver la diversité des savoirs accumulés sur ces plantes, qu’ils soient médicinaux, agricoles ou alimentaires. – Jacques Fleurentin, septembre 2022.
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Un fond d’herbes médicinales est commun à tout le bassin méditerranéen. On ne peut comprendre que si l’on fait un petit détour par l’histoire. Au Ve siècle avant J.-C., Hippocrate est le fondateur de la médecine moderne grâce à sa théorie des humeurs. Il décrit 230 plantes médicinales qui jouent sur ces humeurs. Son œuvre est augmentée par Dioscoride, puis par Gallien. Ce sont les grands médecins arabes et perses, après la chute de l’Empire romain, qui vont transmettre ce savoir grec en l’enrichissant, alors que la méditerranée est sous domination arabe, avec Le Continent, rédigé par Rhazès, et surtout Le Canon d’Avicenne (Xie siècle) qui réunit pas moins de 57 traités de médecine et fait la synthèse des savoirs grecs, persans, indiens et arabes. Le plus grand botaniste arabe qui herborisa tout autour de la Méditerranée à la fin du XIIe siècle, Ibn al-Baitar, décrivit dans le traité des simples 1.500 drogues d’origine végétale, animale et minérale. Et en Europe, justement ? Notre jardin médicinal des plantes du cloître des Récollets renoue avec sa vocation initiale : la culture des plantes dont se servaient les moines pour soigner les malades. Au IXe siècle, Charlemagne recommande dans le capitulaire de Villis, la culture de 88 plantes médicinales dans les monastères, abbayes et jardins de l’empire, pour favoriser leur utilisation en thérapeutique. Le cloître des Récollets, datant du XIVe siècle, souscrit à cette recommandation et abrite un jardin des simples, c’est-à-dire un jardin de plantes médicinales.
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Avec Kakine, on comprend la fragilité des savoirs oraux. Dans toute l’Afrique et les Amériques où prédomine une culture orale, les savoirs ancestraux disparaissent. Depuis trente ans, nous lançons l’alerte : il faut les transcrire avant qu’ils ne meurent. C’est une des missions de l’ethnopharmacologie et de la Société Française d’Ethnopharmacologie. Et c’est la raison pour laquelle depuis un demi-siècle maintenant, j’arpente inlassablement la planète herborisant et rencontrant les guérisseurs traditionnels de près de 60 pays à ce jour. Mais il n’est pas question de nous approprier ces savoirs qui appartiennent aux ethnies qui les ont découverts. Ils ne sauraient être exploités par de grands laboratoires pharmaceutiques qui se rendraient coupables de bio-piraterie. La convention de l’ONU sur la biodiversité (sommet de Rio en 1992, puis à Nagoya en 2010) a prévu que la mise sur le marché de médicaments issus de ces traditions doit permettre un retour de revenus financiers sous forme de royalties vers les gouvernements et les peuples dont ils proviennent.
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