"Bonjour les Babélionautes! Aujourd'hui...
-... on suce des bites en enfer!
-Méchante Déidamie, mais ça va pas?!
-Ben quoi? T'avais dit que j'avais le droit de rendre hommage au film, alors j'rends hommage!
-Oui, et j'avais dit aussi "pas trop littéral, l'hommage"!
-Ben c'est pas littéral, je ne porte aucun maquillage! Ha-ha, t'es verte, hein?
-Je suis fatiguée... Bon, bref, on va parler d'un roman:
L'exorciste, de William P.
Blatty. Je précise que c'est Méchante Déidamie qui a choisi le bouquin, ce qui explique pourquoi il ne colle pas du tout avec l'ambiance de Noël qui approche!
-Ben tiens, tu peux parler, toi, avec Rodogune comme lecture de Noël 2020! et puis, tout est question de point de vue, hein... chuis sûre que chez la famille Addams, c'est un film de Noël! Tout est relatif, tout ça...
-Est-ce qu'on peut au moins couper la musique de fin du film que t'écoutes en boucle depuis trois jours?
-Rhôôôh, elle est vachement belle et pas du tout crispante quand on l'écoute sans avoir vu le film juste avant!
-Méchante Déidamie, qu'est-ce que tu n'as pas saisi dans mon intonation qui appuyait sur "en boucle depuis trois jours"?
-D'accord, j'arrête...
-Merci! Or donc Chris
McNeil s'inquiète: le comportement de sa fille Regan devient de plus en plus violent et agressif, sa maison devient le lieu de phénomènes étranges. La médecine moderne reste impuissante, la maladie s'aggrave et la mère, désespérée, se tourne vers un prêtre pour faire exorciser sa fille...
-J'parie que c'est un livre dégueulasse, rempli de trucs crades comme fait
Stephen King, miam miam!
-Et bien détrompe-toi, Méchante Déidamie! Parce que la première chose qui m'a sauté aux yeux, c'est l'élégance de la prose.
Oui, croyez-moi, croyez-moi pas, mais
L'exorciste est beau! le texte recèle de splendides trouvailles, de métaphores justes et mélancoliques. Il ne tape pas dans la vulgarité ni dans la facilité d'écriture: bien au contraire il prend un soin tout particulier du contexte de chaque personnage. Et ce contexte nous amène à un autre aspect de l'histoire: la tristesse.
Je m'attendais à un roman uniquement centré sur le progressif crescendo de la possession, mais je me trompais lourdement!
Les doutes et chagrins des personnages, aussi bien principaux que secondaires, forment une toile de tristesse derrière l'intrigue principale. Vous croyez qu'il s'agit bêtement d'une possession et d'un exorcisme éprouvant? Non.
-Ah non, Gentille Déidamie, 'faut pas prendre les gens pour des truffes! Je ne peux pas te laisser dire ça, tu exagères!
-D'accord. Il s'agit d'une possession et d'un exorcisme éprouvant, oui, mais pas seulement, mesdames et messieurs! Satisfaite?
Le roman raconte tellement plus que cela: il aborde non seulement le doute, le désespoir, la foi et la science, mais il parle aussi de lourds drames familiaux et intimes. Je croyais que le texte allait se limiter à l'horreur simple et pure, mais non! il se révèle bien plus riche que le film. le texte a plus de temps pour développer l'intériorité des personnages.
-Y a des passages trop longs quand même! les pages de prières en latin, les hésitations de Karras...
-Oh, pas tant que ça...
-L'édition numérique, elle est pourrie! C'est quoi, ces points n'importe où?
-Oui, ça, c'est dommage.
Alors qui dit horreur dit bien sûr scènes horrifiques. Elles restent soutenables pour ma sensibilité, pour deux raisons: comme dans le film elles ponctuent l'action avec un rythme précis sans envahir toute la narration. Ensuite parce qu'elles sont décrites avec froideur, distance. Bien sûr que j'étais horrifiée par les souffrances de Regan, mais sans être submergée par le dégoût ou l'effroi.
-Et pourtant, croyez-moi, la sensibilité, elle connaît! Vous pourriez lui vaporiser un nuage de talc qu'elle vous dirait que ça pique, cette chochotte!
-Tout ceci pour dire que j'ai passé un excellente lecture en compagnie de persos passionnants et hauts en couleurs...
-Ah en effet, on peut le dire...
-Je pensais aux Engstrom et à Kinderman, Méchante Déidamie!
-Oui, eux aussi.
-(soupir) Quoi qu'il en soit, si vous avez aimé le film et si vous vous intéressez à la littérature horrifique, je ne peux que vous conseiller sa lecture!
-Et si vous avez les miquettes ou pas aimé le film, abstenez-vous, hein. 'Faut pas se faire du mal, la vie est assez compliquée comme ça, on va pas s'en rajouter."